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SYLLABUS. VALEUR DOGMATIQUE


libilité montre qu’elle n’est pas tranchée définitivement dans l'Église.

3. Le Syllabus est infaillible, parée que les documents dont il est composé le sont. — a) Exposé. — Cette position est celle de Rinaldi, op. cit., c. iii, p. 7 sq. « Les propositions du Syllabus, dit-il, sont toutes condamnées par le pape agissant dans la souveraineté absolue de son pouvoir d’enseignement ; mais ce n’est point dans ce recueil que Pie IX a exercé la plénitude de son autorité ; c’est dans les divers documents d’où sont tirées les propositions. Si donc elles sont des définitions — el elles le sont assurément — c’est parce que les actes pontificaux auxquels le Syllabus renvoie sont eux-mêmes des décisions infaillibles. Le fait de les avoir groupées en un catalogue ne les a pas frappées d’une condamnation nouvelle. Nous n’avons dans le Syllabus « qu’une notification authentique, un index autorisé, qui certifie que les sentences dont il est le résumé ont été rendues ex cathedra, et qui supplée ce qui aurait pu manquer à leur promulgation ». L. Choupin, op. cit., p. 145-147.

b) Critique. — Il faut dès lors accepter que tous les actes qui servent de sources au Syllabus sont des définitions. La chose est difficile à admettre, au moins pour plusieurs d’entre eux. Évidemment, le pape n’est pas astreint à prononcer telle formule pour attester qu’il parle ex cathedra ; en prononçant une allocution dans un consistoire, en écrivant une lettre à un évoque, il peut très bien vouloir atteindre l'Église tout entière et obliger tous les fidèles ; encore faut-il que sa volonté de le faire soit clairement manifestée et qu’il n’y ait pas de doute sur ses intentions. C’est ce qui n’apparaît pas toujours. On cite généralement à ce sujet la proposition 32, extraite d’une lettre pontificale à l'évêque de Montréal. Pie IX félicite ce prélat d’avoir écrit un opuscule pour attaquer « la loi inique qui impose aux clercs le service militaire ». Cf. Recueil…, p. 514-515. Y a-t-il, à strictement parler, dans ce document une condamnation de la loi ; et si elle existe, peut-on lui donner la valeur d’une définition ex cathedra, que le Syllabus notifierait simplement ? L’affirmation est peu vraisemblable. Personne, semble-til, n’a repris à son compte le système du P. Rinaldi. Son livre, bourré de textes, n’en est pas moins de toute première valeur pour l'étude du Syllabus. Cf. l’analyse qu’en a donnée F. Desjacques, loc. cit., p. 360 sq.

2° Opinion de ceux qui ne voient pas dans le Syllabus un enseignement infaillible du souverain pontife. — Voir surtout F. Heiner, Der Syllabus in ultramontaner und untiultramontaner Beleuchtung, Mayence, 1905, analysé par A. Boudinhon, dans Revue du clergé français, mai 1905, p. 412 sq. ; cf. P. Bernard, dans Études, mai 1906, p. 407 sq.

Cette opinion s’appuie sur la définition de l’infaillibilité pontificale, et sur l’application de cette définition au cas spécial du Syllabus. Le pape est infaillible quand il enseigne, comme étant révélée de Dieu et comme devant être tenue par tous les fidèles, une vérité qui concerne la foi ou les mœurs, avec l’intention suffisamment manifestée de prononcer définitivement sur la doctrine et d’obliger tous les chrétiens. Or, ni les circonstances du Syllabus, ni son contenu ne montrent avec certitude que ces conditions sont réalisées.

1. Les circonstances du Syllabus.

On a vu plus haut, col. 2877 sq. les différents stades de sa formation. lui 1862, les soixante et une propositions préparées par les théologiens avaient reçu l’approbation des trois cents évêques (-(insultés et Pie IX se proposait de publier avec le catalogue une bulle spéciale, cordamnant les principales erreurs modernes. Les indiscrétions d’un journal hostile au Saint-Siège l’ayant t’ait renoncer à son premier projet, il fit composer un re cueil de propositions, tirées cette fois des actes antérieurs de son pontificat. C’est le Syllabus actuel. Il est, à n’en pas douter, un document beaucoup moins solennel que celui qui avait été prévu tout d’abord ; et ce fait marque bien l’intention de Pie IX de ne pas recourir en cette circonstance au maximum de son autorité doctrinale. De plus, ce que le pape a voulu garantir, c’est uniquement le caractère officiel et l’authenticité de l'œuvre ; c’est pourquoi il a fait affirmer par son secrétaire d'État que le catalogue avait été composé sur son ordre et envoyé sur « son commandement exprès ». Dans l’encyclique Quanta cura, elle-même, il n’est pas question du Syllabus. Il est manifeste, par conséquent qu’il n’a pas « les solennités d’un acte ex cathedra et d’une définition dogmatique » ; il semble, au contraire, « qu’on ait pris grand soin de les en écarter ». A. Boudinhon, loc. cit., p. 416.

2. Le contenu du Syllabus.

Si le Syllabus était un acte qui engageait l’infaillibilité pontificale, il faudrait dire que chacune des propositions qui le composent est contraire à la foi catholique, et que les contradictoires de ces propositions expriment exactement le dogme. Il n’en est rien en plusieurs cas ; trois exemples suffisent à le prouver.

a) La proposition 16 est ainsi conçue : Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir ce salut éternel dans le culte de n’importe quelle religion. La doctrine catholique ne se trouve pas dans la contradictoire de cette proposition ; le texte du Syllabus peut s’interpréter d’une manière orthodoxe ; tel qu’il est, il résume l’enseignement commun des théologiens les plus autorisés qui distinguent l’appartenance au corps et à l'âme de l'Église et affirment possible le salut des hommes de bonne foi. Est condamné seulement celui qui veut tirer de ce principe le système de l’indifférentisme religieux, en proclamant que toutes les religions sont bonnes. Si l’on se reporte à l’acte pontifical d’où est extraite la proposition, on voit clairement que tel est le sens de la phrase. Cf. col. 2894.

b) La proposition 67 est ainsi formulée : De droit naturel, le lien du mariage n’est pas indissoluble… Or, la loi mosaïque a donné aux juifs le pouvoir de divorcer ; la loi chrétienne elle-même reconnaît au pape le droit de rompre en certains cas le matrimonium ratum ; elle permet aussi la rupture du mariage même consommé des infidèles, en vertu du privilège paulin. Pie IX n’ignore pas cas exceptions à la règle générale ; si donc, en insérant dans le Syllabus la proposition 67, il veut porter une définition, il laisse croire que le mariage est indissoluble de droit naturel sans aucune réserve ; faute de précisions, il modifie en quelque sorte l’enseignement catholique. Que l’on se reporte au document d’où la proposition est extraite, col. 2906 ; le pape y condamne le divorce civil dont il énonce les méfaits et il proscrit le principe sur lequel s’appuient les ennemis de l'Église : principe à la fois dangereux et faux, parce qu’il ne fait pas les distinctions nécessaires.

c) Il serait également bien difficile de prendre comme exposé de la doctrine catholique la contradictoire de la proposition 80 : « Le souverain pontife peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne. » list-il défini que tout est mauvais dans la civilisation d’aujourd’hui ? Fst-ce la condamnation définitive d’un libéralisme auquel beaucoup de catholiques étaient profondément attachés ? Les adversaires de la papauté l’ont cru, et ils ont accusé l'Église d'étouffer tout progrès ; les ennemis du libéralisme ont vu dans cette proposition le rejet d’un système qu’ils combattaient depuis longtemps. De fait, à ne prendre que le texte du Syllabus, les uns et les autres semblaient avoir raison..Mais le pape, à la vérité, n’avait pas l’intention de se dire l’ennemi irréconciliable de la civilisation moderne et