Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/710

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

292 !

    1. SYLLABUS##


SYLLABUS. Y AI. Kl lï D06MATIQ1 E

2922

du progrès, encore bien moins de dé finir une telle affirmation. Il ne blâmait que la civilisation contemporaine, par le moyen de laquelle se produisent tant de maux, et se proclament tant de funestes opinions

extrêmement opposées à la religion catholique et à sa doctrine ».

La conclusion qui s’impose est donc la suivante : le Syllabus, en tant que recueil de propositions, n’est pas un document infaillible, puisque certaines au moins de ces propositions ne peinent pas être dites contraires à la foi catholique. Cf. A. Boudinhon, loc. cit., p. -IIS sq.

/II. CONCLVSIOS GÊxf.RALE. — Cette importante question de la valeur du Syllabus semble pouvoir être résumée de la façon suivante :

1° Le Syllabus porte le titre suivant : Recueil comprenant les principales erreurs de notre temps notées dans les allocutions consistoriales, lettres, etc. Que l’on remarque le mot notées. C"est dans les documents antérieurs que les propositions ont été frappées d’une réprobation théologique. Ce n’est pas parce qu’elles sont dans le Syllabus qu’elles sont des erreurs ; c’est parce qu’elles sont des erreurs et avaient déjà été proscrites comme telles que le Syllabus les contient. Pour connaître donc exactement en quoi et dans quelle mesure les propositions sont opposées au dogme et à l’enseignement de l'Église, il faut se reporter aux documents d’où elles proviennent. C’est à dessein que le catalogue porte après chaque proposition la mention de ses sources. Or, cet examen montre que toutes les erreurs ne sont pas condamnées au même titre.

1. Les unes sont de véritables hérésies, c’est-à-dire qu’elles nient des vérités définies par l'Église comme appartenant au dépôt de la révélation. Telles sont, par exemple, la plupart de celles qui se trouvent dans le § 1 : Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu.

2. D’autres touchent aux questions de politique religieuse, à la liberté des cultes. Elles ne sont pas aussi directement opposées à la foi. Heiner, op. cit., les dit contraires au droit prescrit de l'Église catholique, mais, ajoute-t-il, « rien n’empêche absolument de croire que ces propositions ne puissent être un jour, dans un ordre de choses différent, interprétées avec moins de rigueur ». Cf. P. Bernard, art. cit., p. 408.

3. Certaines propositions enfin ne peuvent pas être hérétiques, elles sont seulement historiquement fausses, l’ar exemple, la proposition 72 : « Boniface VIII, le premier, a déclaré que le vœu de chasteté prononcé dans l’ordination rend le mariage nul. » La nullité du mariage des clercs majeurs a été reconnue avant Boniface VIII, et dès le xiie siècle. Mais en quoi cette erreur purement historique peut-elle intéresser la foi ou les mœurs ? On ne peut même pas parler ici de fait dogmatique ; aucune définition n’est possible.

2° A ces quatre-vingts propositions déjà condamnées antérieurement dans des circonstances diverses, qu’a donc ajouté leur insertion dans le catalogue nommé Syllabus ? Deux choses :

1. Au point de vue pratique.

Les erreurs sont évidemment mieux mises en lumière. La plupart sont extraites textuellement des lettres ou des encycliques. Dégagées de leur contexte, elles paraissent plus nettes qu’au milieu des explications qui les encadrent. Certaines, qui ne sont signalées dans les actes pontificaux qu'à propos d’un cas particulier, sont exprimées maintenant en termes généraux d’une portée universelle. Cf. prop. 77, 78, 79. Il y a même des propositions qui sont formées d’extraits de plusieurs documents différents, afin d’exposer la doctrine de façon plus complète. Cf. prop. ()7.

La rédaction a donc été assez libre ; ce n’est point dire qu’elle fut toujours parfaite. Outre les nombreuses répétitions que l’on constate dès la première lecture

(cf. par exemple, prop. 28 et 49, 50 et 51, etc.), on peut regretter à plusieurs reprises le manque de clarté dans l’expression. L’exemple le plus typique est la proposition 75 : « Les fils de l'Église chrétienne et catholique disputent entre eux sur la compatibilité du pouvoir temporel avec le pouvoir spirituel. » A s’en tenir àces termes, il est difficile de savoir si le pape a énoncé

un fait ou signalé une erreur. Le contexte de la proposition éclaire le problème ; il s’agit de proscrire une

doctrine de J.-N. Nuytz qui approuvait ces discussions entre catholiques ; telle qu’elle est rédigée, la proposition ne le laisse pas suffisamment entendre. On

! a beaucoup écrit aussi à propos de la proposition 61 : « l ne injustice de fait couronnée de succès ne porte pas préjudice à la sainteté du droit. » Où est l’erreur et comment la comprendre même dans l’allocution de Pie IX qui la signale, à plus forte raison dans le Syllabus, où cette phrase ne laisse pas d'être embarrassante ? Les commentateurs ont dû s’y arrêter longuement. Cf. Heiner, op. cit., p. 279-281 ; Mgr Maupied, Le Syllabus et l’encyclique, Tourcoing, 1876, p. 324 sq. ; Viollet, op. cit., p. 90 sq. (combattu dans Études, 20 janvier 1905, p. 255) ; A. Boudinhon, art. cit., p. 419.

2. Au point de vue dogmatique.

Les erreurs insérées dans le recueil ne reçoivent pas de ce fait une censure théologique plus précise ; elles gardent, autrement dit, la note qui leur convenait en vertu des documents antérieurs. On peut les dire néanmoins frappées d’une réprobation spéciale, la même pour toutes, en ce sens que leur insertion au catalogue, sans constituer une sentence à proprement parler, est une confirmation officielle et authentique de la sentence qui les avait atteintes auparavant. C’est ainsi que l’on peut parler de la valeur propre du Syllabus, distincte de la valeur des actes pontificaux qui en sont la source. C’est aussi en ce sens restreint qu’il faut entendre les mots de « condamnation nouvelle », souvent employés par les commentateurs du Syllabus, et que nous ne refusons pas de redire comme eux.

3° Somme toute, il ne faut pas condamner les théologiens qui ont attribué au recueil une autorité suprême. Les arguments qu’ils développent ne laissent pas d’avoir quelque probabilité. Il ne leur est pas permis, toutefois, d’imposer leur manière de voir à ceux qui sont d’un autre avis. Il paraît plus vrai d’admettre, en effet, que Pie IX n’a pas voulu se servir, en cette circonstance, de son magistère infaillible. Le Syllabus reste — et cette fois, sans contredit — un acte du souverain pontife, une œuvre doctrinale, à laquelle tous les fidèles doivent respect et obéissance. Cette obéissance, les évêques l’ont toujours prêchée et les vrais chrétiens s’y sont soumis sans réserves. Quant aux polémistes qui ont voulu ou voudraient encore de nos jours se servir du Syllabus comme d’une arme contre l'Église, il est vraisemblable qu’ils ne l’ont jamais lu ; il est sûr, en tout cas, qu’ils ne l’ont pas compris.

Nous ne citons pas les ouvrages d’histoire générale, ou les biographies dans lesquelles on trouve parfois de très utiles renseignements concernant le Syllabus. Cf. les références dans la l re partie de l’article.

Parmi les autres, les commentaires et les livres plus strictement doctrinaux, on peut consulter : Recueil des allocutions consistoriales, encycliques et autres lettres apostoliques des souverains pontifes Clément XII, Hennit A'/', Pie VI, Pie VII, Léon XII, Grégoire XVI et Pie IX, citées dans l’encyclique et le Syllabus du S décembre 1864, Paris, 1865 ; Aichner, Jus ecclesiasticum, 9 « éd. Brixen, 1900 ; At, Le vrai et le faux en matière d’autorité et de liberté, d’après la doctrine <tu Syllabus ; Bellamy, Lu théologie catholique au XI Xe siècle, Paris, 1904 ; P. Bernard, dans Études, mal 1906 ; Biederlack, dans Staatslexicon, Herder, 1 -S'.17 ; A. Boudinhon, dans Revue du clergé français, avril 1905 ; Mgr Bougaud, Le christianisme et les temps présents, l’ai S,