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SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN


tas prête à son maître. Y sont examinés successivement l’amour et la haine, la chasteté et l’impureté, la

tempérance et la gourmandise, etc. Certaines suscriptions appellent « chapitres » les trente-deux pièces.

III. La doctrine.

A lui-même et à ses admirateurs, Syméon est apparu comme un auteur inspiré. Nicétas y insiste plusieurs fois : « il devenait la possession exclusive de l’Esprit…, sa pensée était pareille à celle des apôtres, parce que l’Esprit divin l’animait de ses motions… ; à l’égal des apôtres… il parlait de Dieu… et enseignait aux fidèles, en des écrits inspirés, la perfection de la religion » ; ou encore : « il écrivait, même malgré lui, les mystères que le divin Esprit confiait à son intelligence… ; l’Esprit ne lui laissait aucun repos qu’il n’eût mis par écrit ses paroles. » Vie de Syméon…, n. 71, 131. Nicétas le compare au disciple bien-aimé, ibid., n. 36, comme le fera aussi Basile le proto-secrétaire. P. G., t. cxx, col. 308 D.

Syméon, de son côté, veille à la transmission de ses écrits aux générations futures et il en charge Nicétas « dans l’espoir que par lui tous les hommes en auront connaissance ». Vie…, n. 132 sq. Il remercie Dieu de l’avoir honoré d’une aussi haute mission : « Je te rends grâces… de m’avoir accordé la vision de ces choses et ainsi de les écrire et d’annoncer à la postérité ton amour des hommes. » P. G., t. cxx, col. 326 D. On verra plus bas combien cette persuasion était logique.

Ses œuvres sont proprement le carnet de ses expériences personnelles de « théodidacte ». Partout où il est original, il se raconte ; non qu’il soit infatué de lui-même, mais parce que son cas devient à ses yeux un programme universel de perfection chrétienne, le type même de la vie spirituelle authentique. Rarement œuvre fut plus malaisément isolable de son auteur. On voit quelle précieuse étude de psychologie religieuse pourrait s’amorcer là.

Ce sentiment intime d’inspiration explique bien la physionomie de ces écrits. Le ton est direct et la forme dépouillée. L’ornement rhétorique est à peu près absent, la citation, rare. C’est à peine si l’on rencontre très occasionnellement quelque passage de saint Jean Chrysostome ou de saint Grégoire le Théologien. Cinq ou six vies de saints moines, Antoine, Euthyme, Sabas, Arsène, Etienne le Jeune le pourvoient d’exemples édifiants et de données historiques. En revanche, la Bible est beaucoup citée et, dans le Nouveau Testament, surtout saint Jean et saint Paul, les docteurs de la grâce. Mais il en use avec une rare liberté, comme du vêtement qui convient le mieux à ses expériences intimes. Rien que de très normal, puisque seul le « théodidacte » est capable de saisir le sens de l’Écriture et se trouve même de plain-pied avec elle, au titre de ses relations immédiates avec l’Esprit inspirateur. Bien qu’il ne nomme presque jamais d’auteur spirituel, Syméon en a sûrement lu plus d’un. Sa biographie nous apprend qu’il connaît Diadoque, .Marc l’Ermite et Jean le Climaque. Il recommande, de son côté, ce genre de lectures, P. G., t. cxx, col. 617 A, et le contenu de ses ouvrages prouve qu’il l’a pratiqué, bien que l’inventaire de ses sources soit encore à dresser. Ainsi, qu’il s’agisse de l’œuvre rédemptrice du Christ. P. G., t. cxx, col. 322 sq., 325, 632 C, 6 19 C, 662 CD, 666 A, etc., de la primauté, sinon de l’exclusivité de la théologie apophatique, ibid., col. 331, hymnes xix et xxxi de la liste d’Allatius, hymnes xxxvii, xui, dans la Vie spirituelle, t. xxvii, 1931, p. 203-201, de la doctrine ascétique, de l’aperception de la grâce ou de la vision de Dieu, il est clair que sa pensée s’alimente abondamment au passé. Son génie propre cl son expérience confèrent naturellement à ces éléments un relie ! nouveau et une uni lé originale.

Un exposé objectif complet de celle doctrine paraît encore prématuré, faute d’une édition à la fois critique

et accessible. Nous nous en tiendrons à une esquisse descriptive. On se reportera avec profit à l’étude de K. Holl, op. cit., p. 36 sq., et aux notes très pertinentes de I. Hausherr, Vie de Syméon, introd., p. lxix sq.

Le but de la vie spirituelle.

Il est concrétisé dans

un double fait : une transformation ontologique ou déi fication consciente et la vision de Dieu sous les espèces d’une lumière ineffable, correspondant l’une et l’autre à un degré avancé de purification morale. Les modes de réalisation de cette fin se diversifient à l’infini en cette vie et en l’autre. Syméon, dont la doctrine est avant tout la réfraction de ses expériences intimes, réfère constamment sa description aux formes les plus élevées. Nous nous y tiendrons.

Par sa conception de la fin il est le débiteur d’un double courant : le courant contemplatif, dont le thème est la béatitude : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » et qui est diversement canalisé par les Alexandrins et les Sinaïtes ; et d’autre part celui que l’on a appelé « du sentiment ou du surnaturel conscient » (cf. I. Hausherr, Les grands courants de la spiritualité orientale, dans Oriental, christ, period., t. i, 1935, p. 126 sq.) et qui est représenté, avec des nuances importantes pour l’orthodoxie, par les messaliens, Macaire, Diadoque de Photicé.

Cette fin est donnée comme accessible à tous, laïcs et moines. P. G., t. cxx, col. 497 A, 5Il B, 700 CD. Les états de vie sont relatifs. Ibid., col. 652 BC. La vie monastique n’est qu’un moyen, ibid., col. 497 C, et non le seul, comme l’histoire le prouve. Ibid., col. 420 D-421 A. Syméon a lui-même atteint le stade de la vision alors qu’il vivait encore dans le monde, ibid., col. 693 sq. (récit autobiographique) et il a dirigé en ce sens des laïcs. Toute son œuvre est néanmoins conçue et écrite pour des moines et la vie monastique demeure sa perspective normale. Dans ce cadre tout au moins, on doit dire que, pour lui, ce que nous appelons la vie mystique sous la forme charismatique est possible et obligatoire pour tous : ce sera l’une des hardiesses de sa doctrine.

1. Aspect ontologique (l’appellation n’est cependant pas exclusive, car la vision opère aussi une élévation de ce type) : la déification consciente. — a) L’âme purifiée par l’apathie est l’objet d’une transformation surnaturelle portant sur tout l’être. Syméon décrit ce changement beaucoup plus qu’il ne l’explique. Cela s’appelle tour à tour « revêtir, recevoir, concevoir, devenir, être le Christ », « revêtir son image », « lui être fiancé », « recevoir la grâce du Saint-Esprit », « recevoir les trois Personnes », « recevoir le royaume de Dieu », « posséder la gloire de Dieu », « être illuminé », « devenir ami de Dieu, fils du jour », etc. Ces expressions se laissent toutes ramener au même sens de déification ou participation à la nature divine : Sic iterum in Deo, et anima et corpore indivise et inconfu.se homo fit Deus secundum gratiam. Disc. 52 d’Allatius = K. Holl, op. cit., p. 71 ; Totum deifleasset et Christian e/fecisset, P. G., t. cxx, col. 555 D ; Formari in nobis illum qui vere est Deus, quid est nisi nos ipsos converti et reformari ab illo in imaginent divinilatis sine. Allalius, n. 55 = K. Holl, p. II.’On remarq liera le penchant de Syméon pour l’expression christologique. La déification est, en fait, l’union au Christ, assimilé plus d’une fois à la grâce (celle-ci est pareillement identifiée au Saint-Esprit). Concipimus erbum Dei, Allalius, n. 36 = K. Holl, p. 71 ; Ut silis sicui dii, totam Dei gloriam intra vos possidentes, in duabus essentiis, duabus omnino naturis, duabus operationibus, P. G., t. cxx, col. 525 D ; lieatus ille qui contemplatur lumen mundi in scipso formatum quia, uti fatum Christum portons, mater ejus habebitur. Allatins, n. 56 = K. I loll, p. 71. l.a déification par le Christ est particulièrement exprimée à propos de la commu-