Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/724

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2949
2950
SYMÉON LE NOUVEAl T Il KOLOG I K N


nîon. Voir plus bas, col. 2956. L’assimilation mystique de notre corps même à celui ilu Christ est traduite avec une insolite vigueur, hymne xv, dans P. Maas, op. cit., p. 336 sq. Les hymnes sont des dialogues mystiques avec le Christ. Celui-ci apparaît vraiment comme le substitut de la Trinité, cf. notes <le K. Holl, sur la théologie trinitaire de Syméon, op. cit., p. 104 sq.

Deux remarques s’imposent ici. Syméon traite la grâce à l’orientale, non comme un habitas mais comme l’action même de Dieu in acla exercito dans l’âme. Représentation plus vivante que la conception occidentale et qui trouvera un relief forcé dans la grâce incréée du palamisme. En outre, on notera que Syméon ne mérite nullement le reproche de panthéisme. Il s’exprime avec la latitude permise dans la description de l’ineffable et il marqueté souci d’éviter tout soupçon. Rappelons Vinconjuse du passage cité plus haut ; il y revient au sujet de la communion. Celle-ci ne détruit pas les natures par la fusion qu’elle opère, elle nous fait Dieu comme le feu rend feu le métal qu’il chauffe. P. G., t. cxx. col. 325 C.

b) Cette grâce de déification est consciente, intuitivement connue du sujet. L’ignorer, c’est ne point la posséder ; la nier dans les autres, c’est pécher contre l’Esprit-Saint, renier le Christ et les Écritures. C’est l’un des points sur lequel a porté la polémique de Syméon. On pourrait facilement épingler, dans la liste de ses écrits, les parties qui défendent cette idée. Mais on en trouvera la charte dans le discours récemment publié : sur ceux qui pensent avoir l’Esprit-Saint sans aucun sentiment de sa vertu. » I. Hausherr, La méthode…, p. 173 sq. Tous les arguments à l’appui de la thèse y sont. On les complétera par ce que nous ajouterons plus bas sur la vision.

Syméon raisonne obstinément à partir de l’Écriture. Si nous avons « revêtu le Christ », qui est bien une réalité, nous devons le sentir. Ne le sentons-nous pas, nous ne sommes que des cadavres. Ailleurs notre mystique a remarqué que cette expérience est aussi naturelle que celle que la femme enceinte a de son enfant. Allatius. n. 56, cité par I. Hausherr, Vie de Syméon, p. lxxiv, qui est particulièrement éloquent sur ce propos. Qu’on n’en appelle pas à une possession inconsciente du Saint-Esprit obtenue au baptême et atteinte par la foi : Nisi intelligens anima, modo inteltiyibili. sensum regni Dei acceperit, quod ipsam tetigif, spes salutis in irritum cadit. P. G., t. cxx, col. 379 A. Le baptême ne fait rien à l’affaire : Qui regnum Dei needum in se experitur nondum natus est denuo. Ibid., col. 349 A. Son omnes baptizali accipiunt Christum per baptismum sed illi soli in fuie firmati, neenon in cognitione per/ecta et in prævia purificatione exercili. I. Hausherr, Vie…, p.LXXinsq. Admettre l’inconscience ici-bas, c’est l’admettre pour l’éternité et donc frustrer toutes les espérances chrétiennes, rendre notre foi vaine. I. Hausherr, Vie…, p. lxxvi. On n’en finirait pas d’aligner les redites de Syméon sur ce point.

2. La vision de Dieu.

Bien que les expressions de Syméon ne distinguent pas expressément et dans le détail la [irise de conscience de la grâce d’une part et la vision de l’autre et qu’elles soient plutôt dans sa pensée des phases ou des degrés d’une même expérience fondamentale, un exposé gagne à les étudier séparément, quitte à indiquer la correction compensatrice.

Ce sont les hymnes qui nous fournissent le mieux les traits distinctifs des visions qui sont offertes aux parfaits. L’apparition se présente sous l’aspect d’une lumière sans forme, souvent comparée cependant au disque solaire. Allatius, n. 18=K. Holl, p. 39 ; P. G., t. cxx, col. 510 B. Elle enveloppe l’individu, le pénétre, le dérobe aux conditions de l’espace et de la quantité (apparemment du moins). Allatius, n. 51 = K, Holl, p. 39 ; Allatius, n. 17= Vie spirit., t. xxvii, 1931,

p.’M)- : P. G., t. cxx, col. 537 BD, 533 D, 556 D. Syméon reconnaît dans cette lumière, tantôt l’Esprit-Saint : Snm enim Sanctus Spiritus Dei, lui fut-il dit au moment de son ordination. P. G., t. cxx, col. 688 A ; tantôt le Christ : Deus siirn qui propterea jaclus sum homo. La lumière ne dévoile pas aussitôt son identité, mais après un supplément de purification et des interrogalions. I. Hausherr, La méthode…, p. 10 1 sq.

Syméon n’a point raisonné pour lui-même le thème reçu de la lumière, comme le fera par exemple le palamisme. Il est donc difficile d’en esquisser une théologie. Cette lumière a bien quelque chose de divin mais elle reste une forme, semble-t-il : Simplex crat nec Videri poterat nisi ut lux. P. G., t. cxx, col. 688 A. Elle est décrite avec ferveur, mais le centre de l’expérience, c’est la personne divine et sa présence. Fidèle à l’apophatisme traditionnel, Syméon rappelle soigneusement que l’être de Dieu n’est connu que dans ses actions et n’est vu que dans sa lumière, ses illuminations et encore m œnigmale. C’est cependant Dieu que l’on voit. D’une part transcendance absolue, de l’autre contemplation immédiate. Allatius, Hymne xxxi = Vie spirit., p. 204.

Cette vision qui est une initiation à la vision future lui reste incommensurable : « comparé à la béatitude future, il (le bien de la vision) est comme le dessin du ciel tracé sur une feuille en face du ciel véritable. » Allatius, n. 17=V<e spirit., p. 308 ; cf. I. Hausherr, La méthode…, p. 195.

Le voyant se trouve partagé entre la jouissance de la vision et les larmes. Il sent simultanément l’immensité de la faveur et l’abîme de son indignité ; cette tension intérieure entre deux sentiments est un lieu commun de tous les récits de Syméon. En revanche, celui-ci est peu abondant sur le contenu de ces expériences qu’il affirme ineffables.

Déification consciente et vision supposent l’âme déjà purifiée et préparée, mais elles opèrent une purification plus complète en renforçant l’apathie, P. G., t. cxx, col. 650 D, en appuyant la résistance au mal, col. 589 D, en instaurant le parfait amour et l’amitié avec Dieu, col. 589 B, 563 D. I. Hausherr, La méthode… p. 182, etc. Ces états sont obligatoires et donc possibles : nul ne doit imputer qu’à sa négligence de n’y avoir pas encore atteint. I. Hausherr, Vie…, p. lxxv. Us ne sont pas néanmoins une confirmation en grâce et une assurance sur le salut. Le péché, c’est-à-dire le retour aux passions, est toujours possible et c’est celui-ci seul qu’on doit tenir responsable de la cessation ou des intermittences des manifestations surnaturelles. P. G., t. cxx, col. 509 C, 523 CD, 589 C.

Bien que ces dernières jouissent d’une évidence suffisante, Syméon admet une contre-épreuve morale : on examinera sa conduite à la lumière des Livres saints et notamment des béatitudes évangéliques, on vérifiera la nature de ses sentiments dans la pratique de la piété et le détachement du monde. P. G., col. 414 B, 456 A. Mais ce n’est là qu’une manière de signaler qu’il n’est point de mystique sans purification morale.

Ici encore la doctrine du Nouveau théologien a été suspectée. Il répond victorieusement à l’aide de l’Écriture sollicitée dans le sens de ses expériences. « Les cœurs purs voient Dieu », ils le voient à raison de leur pureté, donc dès cette vie, aussitôt cette pureté atteinte par la pratique des commandements. Le Christ a promis d’aimer celui qui pratique ces commandements et de se manifester à lui. La conclusion suit. Les apôtres ont vu : ils se sont proposés comme modèles. Les visions sont nécessaires : sans elles, on n’a aucune des vertus théologales au degré requis pour le salut. La raison intervient : ces manifestations sont tellement indicibles qu’on ne peut en faire