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SYMÉON STUDITE - SYMÉON STYLITK


aux penchants de son disciple confirmerait assez cette conjecture.

Enfin une troublante originalité dans le jugement n'était pas Faite pour lui concilier l’admiration universelle. Dans un hymne précieux pour qui entreprendra d'écrire une histoire du sentiment de la pudeur » (P. Maas. Festgabe.. Ehrhard, Bonn. 1922, p. 34), le Nouveau Théologien nous confie que » saint Syméon le Modeste n’avait pas honte de voir la nudité totale d’autres hommes non plus que de laisser voir la sienne… il était tout entier le Christ… et il n’en sortait pas pour cela de son immobile et inviolée apatheia ». P. Maas. ibid, p. 338 : le traducteur latin, J. Pontanus a sauté le passage en se bornant à une allusion, P. G., t. cxx, col. 531-532. Nicétas fait, de son côté, un discret écho aux méchants bruits qui couraient à ce propos : « Celui-ci. Syméon. après avoir mortifié sa chair par une apatheia extrême et éteint parfaitement dès ici-bas ses mouvements instinctifs, tellement que le corps de qui l’approchait ne lui inspirait pas plus de sentiment qu’un cadavre à un autre cadavre, contrefaisait la sensibilité », et d’ajouter d'édifiantes raisons. Loc. cit., n. 81. Il nous a déjà appris plus haut que le surnom de modeste lui était venu par la « modestie de ses manières ». Ibid., n. 4. Bref, la vertu de Syméon et son jugement étaient sans doute des choses assez différentes.

Syméon n'était pas prêtre. Nous le savons par son disciple (cf. Lettre sur la confession, édit. K. Holl, Enthusiasmus und Bussgewalt, Leipzig, 1898, p. 127, 1. 3 sq.) qui n’en voulait pas connaître d’autre pour l’absoudre. La pratique n'était pas inédite. Syméon Studite avait préparé son disciple à la vie de moine. Il présida à son entrée au monastère, l’y forma durant les quelques mois qu’il y passa, dans sa propre cellule, le présenta au couvent de SaintMarnas quand il fut congédié.

A peine le maître mort (veis 986), le disciple lui voua un vrai culte avec une fête liturgique, nous ne savons à quel jour. L’office dut sans doute rester local et l’intervention de la hiérarchie y' fut pour quelque chose ; pour toute la question des rapports des deux Syméon, se reporter plus haut à l’art. Syméon le Jeune le Théologien. Notons cependant qu’une même acolouthie les réunit tous deux dans V Athon. Panteleim. 5791, fol. 393.

Le Nouveau Théologien et Nicétas Stéthatos (cf. I. Hausherr, Vie de Syméon, p. xlvi et n. 72) attribuent au Studite « un livre entier rempli de toute utilité spirituelle ». C’est au juste un choix de préceptes spirituels, publiés sous son nom par D. Zagoraios, Toû ôotou… S’juiewv toû véo’j 6eoXôy ou "à eûpurx’jfjisva.., Venise, 1790, t. i, à la suite des KeçàXaia du Nouveau théologien, au nombre de quarante. Trente-deux seulement reparaissent, sans l’attribution, dans la Philocalie et partant, dans la P. G., t. cxx, col. 668 D696 B, mais dans un ordre un peu différent. En attendant que la tradition manuscrite apporte d’autres garanties de l’authenticité, I. Hausherr y a, de. fait, retrouvé deux courtes péricopes que Syméon le Nouveau Théologien prête à son père spirituel. D’autres ne s’y retrouvent pas, d’où l’on pourrait supposer que l’ouvrage formait un ensemble plus étendu, peut-être une centurie. Allatius signale, en effet, une centurie de même incipit, J'. G., t. cxx, col. 306 D. L’ordre de la P. G., t. cxx, col. 668 D sq. n’est pas primitif : l’original commençait au n. 127 (col. 672 C) comme nous l’apprend le fils spirituel ( I.I lausherr, op. cit., p. xi.vn) et comme cela se vérifie au n. i.xiii de la liste dressée par L. Allatius des écrits présumés du Nouveau Théologien. P. G., t. cxx, col. 298 A.

Cet opuscule est de mince intérêt. Il s’agit surtout d’avis intéressant les rapports avec les autres moines

et l’higoumènc ou le père spirituel, et de cet ensemble de pratiques et de vertus qui assurent les meilleures conditions au recueillement. A noter seulement l’insistance sur les relations avec le père spirituel, sur l’importance du don des larmes, fruit et indice de la grâce, enfin sur l’illumination, la vision de la Lumière, la participation de l’Esprit Saint : tous éléments qui prendront une portée capitale dans les exposés du disciple. Il n’y a cependant pas là de quoi expliquer tout le Nouveau Théologien. On y rencontre même, somme toute, plus de discrétion qu’on n’en aurait attendue.

DenysZagoraios, Toû6(Tt’ou… S’j[X£('ovtoû vsou 6soX(5youTà S’JpiTxouuva, Venise, 1790, 1. 1, et à son défaut, P. G., t. cxx, col. 668 D-686 13, pour l'œuvre. Le travail de I. Hausherr, Vie de Syméon le Nouveau Théologien, dans Orientalia christiana, t.xii, Rome, 1928, p. xxxviii-li, donne l'état de dernières recherches et dispense do toute autre bibliographie.

J. GOUILLARD.

7. SYMÉON STYLITE LE JEUNE (par opposition au père du stylitisme, Syméon l’Ancien), surnommé Syméon Thaumastorite ou du Mont Admirable (5187-26 mai 592).

I. Vie.

La plus vieille Vie de Syméon, écrite pour une génération qui l’avait connu (voir la bibliographie de l’art.) forme un troublant mélange de merveilleux continu et de précisions historiques ou topographiques plusieurs fois véri fiables. En voici les grandes lignes : Syméon naît à Antioche d’une famille originaire d'Édesse. Le surnaturel qui a présidé à sa conception ne le lâchera plus jusqu'à sa mort. Il n’y a pas à s’y arrêter longuement. On s’en fera déjà une idée par ce qui suit. A cinq ans, il perd son père, au cours d’un tremblement de terre. Il quitte bientôt sa mère, la future sainte Marthe, pour gagner une solitude nommée « Pila », située dans la « région des anciens bains de Tibère », peut-être sur les rives de l’Oronte ; cf. à ce sujet d’intéressantes conjectures de P. Peeters, Analecta bolland., t. xlv, 1927, p. 286 sq. Quelques jours plus tard, il vient se placer, dans un monastère voisin, sous la protection d’un stylite nommé Jean. Émerveillé de sa précocité, on ne tarde pas à lui élever une colonne auprès de celle de son maîtie. Il y restera de sept à douze ou treize ans et y laissera ses dents de lait, nous dit l’historien Évagre. Hist. eccl., t. VI, c. xxiii, P. G., t. lxxxvi a, col. 2880.

En bon disciple des anciens stylites, Syméon l’Ancien et Daniel, il éprouvera plusieurs fois le besoin de changer de colonne. Il s’en fait d’abord ériger une de quarante pieds et y monte, en présence des évêques d’Antioche et de Séleucie, qui sont venus lui conférer le diaconat. Cette station dure huit ans. Après quoi, il va élire domicile sur une colline déserte, dominant, vers l’embouchure de l’Oronte, l’antique Séleucie (Souaïdié). La réputation de son hôte lui vaudra désormais le nom de Mont Admirable. Le stylite fait un premier séjour de dix ans sur un socle rocheux. Ses disciples se construisent un monastère et lui érigent la colonne sur laquelle s'écouleront ses quarante dernières années. Il y recevra même l’ordination sacerdotale de l'évêque de Séleucie, à l'âge, sans doute symbolique, de trente-trois ans.

Durant tout ce temps, il n’a pas cessé d’exercer les charismes les plus élevés : guérisons, prophéties, etc. On accourt à lui ou on lui écrit de partout : parmi ses clients on en note d’illustres, Justin le Jeune, Jean le Scolastique, le futur patriarche de Constantinople, Évagre l’historien. Il meurt le vendredi 26 mai 592, âgé de soixante-quinze ans. Cette dernière date est sans doute la plus assurée de toute la biographie. Pour la foi à ajouter à l’ensemble, mis à part l’existence de Syméon, le caractère extraordinaire de son