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SYMMAQUE


Peu après le concile d’octobre 501, les laurentiens avaient mis en circulation un factum : Contra synodum absolutionis incongrues, où était attaquée la décision prise synodalement ; l’on y mettait spécialement l’accent sur l’axiome de droit : in criminibus objectis, quod non excluditur approbatur. On voulait aussi voir une contradiction entre le principe dont s'était réclamé le concile que le titulaire du Siège apostolique ne peut être jugé par personne et la procédure qui avait permis le rétablissement de Symmaque : Si vera est episcoporum adsertio Sedis apostolicæ præsulem minorum nunquam subjacuisse sententiæ, cur ad judicium districta conventione productus est ? Cette attaque ne demeura pas sans réponse. Ennodius le futur évêque de Pavie, pour lors diacre de Milan, écrivit son Libellus adversus eos qui contra synodum scribere præsumunt. Texte dans P. L., t. lxiii, et dans Mon. Germ. hisi., Auct. antiq., t. vii, p. 48 sq. Il y prenait avec véhémence la défense des droits du Siège apostolique : Dieu, disait-il, s’est exclusivement réservé le jugement du titulaire de ce siège. Aussi bien Pierre et ses successeurs ont-ils hereditas innocentiez pro actuum luce. Peut-on douter de la sainteté de celui qui est élevé à cette dignité? s’il lui manque les biens spirituels acquis par son propre mérite, n’a-t-il pas les biens qui lui sont fournis par son prédécesseur ? Si desinl bona adquisita per meritum, sufjiciunt quæ a loci decessore præslantur. Saint Avit, évêque de Vienne, défendit également la décision du 23 octobre : Epist., xxxiv, dans Mon. Germ. hist., Auct. antiq., t. vi b, p. 64.

On aurait mauvaise grâce à comparer avec le plaidoyer d’Ennodius, véhément, sans doute, mais d’une belle tenue littéraire et théologique, d’autres publications émanées du parti symmachien, où la barbarie de la langue le dispute avec l’absurdité du contenu. C’est bien en effet — tout le monde en convient aujourd’hui — à des clercs fort ignorants du parti de Symmaque qu’il faut faire remonter un certain nombre de pièces apocryphes qui ont réussi à pénétrer, d’assez bonne heure, dans des collections canoniques de second ordre et dont quelques-unes ont, en fin de compte, forcé l’entrée des grandes collections. Ces « apocryphes symmachiens », dont l’esprit de parti a certainement exagéré l’influence, cf. I. Dôllinger, Papstlum, édit. de 1892, p. 23, ont ceci de commun qu’ils veulent trouver des précédents à la situation extraordinaire où se débattait le pape légitime et démontrer par l’histoire l’impossibilité de soumettre à une assemblée épiscopale la cause du titulaire du Siège apostolique. Pour établir et justifier l’adage Prima sedes non judicatur a quoquam, destiné à une si haute fortune, ils ont plus fait, a-t-on dit, non sans exagération, que les savantes déclarations d’Ennodius de Pavie.

Tels qu’ils sont groupés dans une collection canonique italienne transcrite dans un ms. de Saint-Biaise (actuellement à Saint-Paul de Carinthie) ces apocryphes comportent : 1. le Constitulum Silvestri (déjà étudié à l’art. Silvesthe, ci-dessus, col. 2071) ; 2. les Gesta Liberii ; 3. les Gesta Xysti ; 1. les Gesta Polychronii ; 5. enfin les Gesta Marcellini ou Synodus Sinuessana. En voici le contenu sommaire.

Le Constitutum Silvestri, P. L., t. viii, col. 829-840, est le procès-verbal d’un concile tenu à Rome par le pape Silvestre en présence de Constantin ; plusieurs hérétiques y sont condamnés, tout spécialement les partisans d’un comput pascal différent de celui qu’avait suivi le pape Symmaque en 501. Victorius (ou Victor) qui a préconisé ce comput est signalé comme un sectaire des plus dangereux. A côté de cette préoccupation apparaît encore celle de rendre sinon impossible, tout au moins extrêmement difficile, une accusation contre un membre du clergé : diacre,

prêtre, évêque. Le nombre des témoins exigés pour que l’accusation soit recevable augmente avec la dignité de l’accusé ; il interdit, de fait, toute procédure. Plusieurs des pièces suivantes mettent en application les règles ici indiquées.

Les Gesta Liberii, P. L., t. viii, col. 1388-1393, cherchent un précédent à la situation de Symmaque, bloqué au Vatican et incapable de célébrer au Latran les fêtes pascales. Ils le trouvent dans le cas du pape Libère, exilé par l’empereur sur la voie Salaria et à qui l’accès de Rome est interdit. Aux approches de la fête, ses prêtres lui démontrent que la cérémonie baptismale peut être célébrée n’importe où ; c’est au cimetière ostrien que Libère accomplit les rites de la nuit de Pâques ; pour ce qui est de la fête baptismale de la Pentecôte, le prêtre Damase trouve le temps et les ressources pour construire un baptistère à Saint-Pierre, qui n’est pas dans Rome.

Avec les Gesta de Xysti purgatione, Mansi, Concil., t. v, col. 1161-1170 (cf. ci-dessus, ait. Sixte III, col. 2198 au bas) nous avons affaire avec un procès intenté au pape Sixte III. Deux personnages de Rome, en contestation avec l'Église romaine au sujet de quelques propriétés, intentent au pape, pour se débarrasser de son opposition, un procès pour mauvaises mœurs. L’empereur Valentinien en vient à éviter la communion de Sixte ; finalement une assemblée du sénat, du clergé et des moines se réunit dans la basilique d’Hélène (Sainte-Croix) ; le pape et l’empereur y paraissent. Mais le consulaire Maxime expose au souverain que l'évêque ne peut être jugé par ses inférieurs. Sixte admet néanmoins que l’on fasse la preuve ; mais, comme on ne peut le convaincre, Valentinien lui donne pouvoir de juger ses accusateurs ; ils sont excommuniés et meurent peu après sans réconciliation : aussi bien ont-ils péché contre le Saint-Esprit. Quant à la culpabilité même du pape, on évite de se prononcer sur elle : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ! »

Les Gesta Polychronii, Mansi, Concil., t. v, col. 11691178, nous laissent dans un monde d’idées exactement semblable ; seulement l’accusé est ici Polychronius, un évêque de Jérusalem, qui fait justice, de la même manière, de griefs portés contre lui. Il n’est pas inutile de souligner que le faussaire voudrait étendre à tout évêque l’immunité judiciaire qui couvre le pape de Rome.

Bien autrement importants sont les Gesta MarcelUni, ou procèsverbal du concile de Sinuesse, Mansi, Concil., t. i, col. 1249-1257 ; cf. P. L., t. vi, col. 11-20. C’est ici en effet que s’exprime avec le plus de netteté l’axiome : Prima sedes a nemine judicatur. Au début de la persécution de Dioctétien, le pape Marcellin a la faiblesse de sacrifier publiquement dans le temple de Vesta et d’isis. Deux diacres et trois prêtres vont le dénoncer aux fidèles, dont beaucoup viennent constater de visu la défaillance du pape. Bien vite un concile de trois cents évêques se rassemble dans une caverne spacieuse aux environs de Sinuesse. Marcellin comparaît ; l’assemblée déclare qu’elle n’entend pas juger le pape ; mais, si celui-ci est coupable, il doit se condamner lui-même. Néanmoins il faut d’abord établir le fait de la « thuritication ». Marcellin essaie d’abord de nier, mais il y a suffisamment de témoins à charge pour qu'à la fin il avoue son crime. L’un des évêques lui dit alors : « C’est à toi maintenant à te condamner. » Et Marcellin dit : « J’ai péché ; je ne puis rester dans l’ordre sacerdotal. » En d’autres termes, il prononce lui-même sa propre déposition, à laquelle souscrivent les évêques présents ; l’un d’eux tire, d’ailleurs, la conclusion : Nemo unquam judicavit pontiftcem, nec præsul sacerdotem suum quoniam prima sedes non judicabitur a quoquam. Ces mots donnent la clé de