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SYMMAQUE

L’ÏMM)

la narration, dont Baronius a eu grand tort de vouloir sauver l’historicité substantielle. Les actes du concile de Sinuesse rejoignent très exactement les récits des autres procès ecclésiastiques à la suite desquels ils figurent dans le nis. de Saint-Biaise, qui paraît bien avoir été le premier à les accueillir, vers le milieu du vi’siècle.

En une autre collection canonique transmise par le Vaticanus lut. 1342 (ix 1’siècle », où ces apocryphes sont insérés non en bloc, comme dans le ms. de Saint-Biaise, mais repartis à leur place chronologique (à l’exception des Gesta Mareellini qui ont une place tout à fait aberrante), s’adjoignent une série de pièces qui entourent le Constitution Silvestri, et une autre qui double ce dernier document et que nous appellerons, avec L. Duchesne, le Concile des 275 éviques. Ce dernier texte, dont I.abbe et Ilardouin admettaient encore l’authenticité et dont le P. Coustant, qui ne croyait pas à sa valeur, reconnaissait néanmoins qu’il différait profondément du Constitution Silvestri. n’a rien à faire avec les apocryphes symmachiens et a toutes chances de dater d’une époque antérieure. Son idée essentielle est de faire approuver par le pape Silvestre les décisions dogmatiques du concile de Nicée et de substituer à la législation disciplinaire édictée par cette assemblée un règlement ecclésiastique plus en rapport avec les habitudes et les besoins de l’Église romaine. Laissons de côté ce Concile des 275, sur lequel le nécessaire a été dit à l’art. Silvestiæ.

Au contraire, les deux lettres qui précèdent et celle qui suit le Constitutum Silvestri se rattachent étroitement aux apocryphes déjà étudiés et à la lutte entre Laurent et Symmaque. La première, Quoniam omnia, P. L., t. viii, col. 822, est censée adressée au pape par les présidents du concile de Nicée, qui lui demandent la confirmation des actes de l’assemblée. Dans la lettre Gaudeo promptam, ibid., col. 823, Silvestre donne l’approbation sollicitée, tout en insistant avec force sur la condamnation de Victorin et de son comput pascal. Autant que j’aie pu l’entendre, le pape transmet aux conciliaires de Nicée son Constitutum, c’est-à-dire les décisions arrêtées par lui en synode antérieurement à la tenue du concile œcuménique. Enfin la lettre Glo~ riosissimus, ibid., col. 828 D, qui double plus ou moins la précédente, exprime avec plus de précision les mêmes idées, cite plus clairement l’évêque Victorin, le diacre Hippolyte avec Jovien (Jovinien ?) et Calliste, condamne en bloc les trois ennemis de la Trinité, Photin, Sabellius et Arius. Le voisinage de tous ces noms donne, à lui tout seul, la mesure de l’ignorance où l’on commençait à s’enliser dans l’Italie du vie siècle.

Il vaudrait la peine d’étudier le sort ultérieur de ces différentes pièces et leur pénétration dans les collections canoniques. Cela permettrait de juger de l’intérêt qu’on leur a attache et, jusqu’à un certain point, de l’influence qu’elles ont exercée. Remarquons d’abord que ni la Diongsiana, compilée au premier quart du vi’siècle, ni la Quesnelliana, un peu plus tardive, ne leur ont fait accueil (elles figurent néanmoins, mais interpolées, dans quelques exemplaires de la Dionysio-Hadriana). L’Hispana ne les connaît pas davantage et, de ce chef, la collection de Pseudo-Isidore les ignore. C’est en des collections secondaires qu’elles ont trouvé un refuge. Pour le détail, voir L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. i, p. cxxxiv-cxxxv, se référant à Maassen, Geschichte der Quellen und der Lileratur des canonischen Rechts im Abendlande. On peut dire que, dans l’ensemble, leur succès n’a pas été des plus considérables. Sans doute, par une voie détournée, certains faits imaginés par ces apocryphes ont pénétré dans l’histoire traditionnelle, qui ont eu ensuite leur répercussion sur la réalité et même sur le droit. Le Liber pontificalis en a gardé plusieurs, en particulier

quelques détails narratifs des vies des papes Jules, Libère et Pélix II (empruntés aux Gesta Libcrii), quelques traits de la notice du pape Sixte III (empruntés aux Gesta Xysti), les indications relatives aux prescriptions disciplinaires de Silvestre (empruntées au Constitutum Silvestri), l’idée de la condamnation collective d’Arius, Sabellius et Photin (empruntée aux lettres pseudo-silvestrines). Il est incontestable enfin que c’est au Concile des 275 évêques que le Liber doit le plus clair de ses renseignements sur l’activité législative du pape Silvestre. Mais ce n’est point par le Liber que le concile de Sinuesse est entré dans l’histoire. La notice du pape Marcellin dans la biographie pontificale dépend, en eflet, d’une autre légende, la Passio Mareellini, selon qui le pape rachète sa faute par le martyre, sans qu’il soit le moins du monde question d’une assemblée conciliaire devant laquelle il aurait dû comparaître. Ce ne peut donc être que par la voie des collections canoniques signalées plus haut que le faux concile, auquel tout le Moyen-Age a cru, est devenu un événement historique. Mais on aura déjà remarqué que la formule lapidaire transmise à la postérité : Prima sedes a nemine judicatur se retrouve, sous une forme à peine différente, dans Ennodius de Pavie et même, sous une forme plus tempérée, dans Avit de Vienne, qu’elle n’était donc pas une nouveauté au début du vie siècle — le fragment laurentien la met sur les lèvres des partisans de Symmaque — que, loin de l’avoir créée, les apocryphes symmachiens, n’ont fait que la recueillir dans un milieu où elle était courante. Nous avons affaire avec un phénomène qui se reproduira lors de la composition des Fausses Décrétales. Loin de créer la doctrine, ces faux n’ont guère fait qu’en constater l’existence à l’époque où ils ont paru. Si, d’ailleurs, l’on était tenté de presser le rapprochement entre les apocryphes symmachiens et la collection pseudo-isidorienne, on serait amené à constater, avec L. Duchesne, qu’il y a loin d’y avoir parité entre ces deux séries de faux. « Quelle différence, écrit celui-ci, dans le choix des éléments, dans l’art de la composition, dans le succès ! Les fausses décrétales du ixe siècle n’ont guère été discutées. Sint ut sunt aut non sint, telle est la formule qui exprime la moindre de leurs situations devant l’opinion, jusqu’au xvie siècle ; après quelques hésitations, assez timides, on a dit : Sint. Les décrétales apocryphes du vie siècle n’ont point eu cette fortune. Les moins avisés y ont vu tout de suite des ébauches informes que le premier venu était autorisé à retoucher. » Gardons-nous donc d’en exagérer l’importance et d’y voir l’origine d’une des prérogatives essentielles reconnues par le droit au titulaire du Siège apostolique.

Sources.

Il y a deux récits presque contemporains

de la compétition Symmaque-Laurent. Le plus ancien est celui du « fragment laurentien », dans L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. i, p. 41-46 ; uii peu postérieur est celui du Liber pontificalis lui-même, l re édition, ibid., p. 97-’.)’.), 2e édition, p. 260-268. Leurs renseignements peuvent être contrôlés par des récits un peu postérieurs (Théodore le Lecteur, llist. eccl., t. II, c. xvi, P. G., t.Lxxxvia, col. 189 ; l’Anonyme do Valois, dans Mon. Gerrn. Iiist., Auct. ant., t. ix, p. 324) et par des textes contemporains : lettres et actes synodaux, soit dans les collections conciliaires, soit de préférence dans Thiel, Epistolæ pontificum rornanorum, t. I, p. 639 si|. ou dans Mon. Germ. Iiist., Auct. ant., t.xii, p. 116-453 ; lettres de Théodoiic, dans Mon. Germ. hist., Epistolæ, t. iii, p. 33 sq. Indications relatives à ces divers textes dans.lalTé, Hegesta pontificum rornanorum, t. i, p. 96 sq.

Travaux.

Les diverses histoires de Rome, de l’Église

romaine, de l’Italie mentionnera aux notices des papes de cette même époque, auxquelles on ajoutera Caspar, Geschichte des Papsttums, t. ii, p. 87-129 et G. Hardy, dans l"liche-Martin, Histoire de l’Église, t. iv, p. 341-352.

É. Amann.