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SYNDÉRÈSE — SYNÉSIUS


les théologiens à l’article Infidèles (Salut des), t. vii, col. 1863-1878.

Fondement inné de toutes nos obligations, Vhabitus des premiers principes moraux est appelé à s’enrichir par la connaissance détaillée de nos devoirs. La théologie morale distingue pour cette raison le contenu inné de la syndérèse d’un contenu acquis formé par la science morale.

Doctrine de saint Bonaventurc.

 La doctrine

franciscaine, conformément à la perspective indiquée plus haut, voit dans la syndérèse un pouvoir appartenant exclusivement à la volonté et qui incline l’homme au bien moral. Ce pouvoir est indépendant de la conscience habituelle que la doctrine franciscaine décrit d’une manière analogue à celle de saint Thomas.

De même que l’intellect est doté de la lumière naturelle de ses premiers principes, l’affectivité est pourvue d’un certain penchant naturel qui la dirige dans ses désirs. Or, il convient de distinguer un double penchant dans l’homme, celui qui le porte au bien être et celui qui le porte au bien honnête. De même que Vhabitus des premiers principes moraux est distinct de celui des premiers principes spéculatifs, le penchant qui incline la volonté au bien moral est distinct des autres inclinations et constitue un habilus particulier de la volonté. La syndérèse est ce pouvoir habituel qui incline la volonté au bien moral. In 7/ um, Sent., dist. XXXIX, a. 2, q. i, édit. de Quaracchi, t. ii, p. 910. Le rôle attribué par saint Bonaventure à ce pouvoir, par rapport à la conscience morale, montre bien comment la doctrine franciscaine se sépare de la conception intellectualiste de saint Thomas. Si la syndérèse est appelée scintilla conscientiæ, c’est, continue l’auteur, que la conscience, par elle-même, ne saurait être efficace, ne saurait mouvoir la volonté et la stimuler au bien. C’est la syndérèse qui lui apporte en quelque sorte l'étincelle de son énergie. De même que la raison ne peut commander et imposer son verdict que par l’intermédiaire de la volonté, la conscience morale ne peut imposer ses décisions que par l’intervention du pouvoir affectif de la syndérèse. On retrouve dans cette doctrine le point de vue particulier du volontarisme propre à l'école franciscaine. La syndérèse, habitus de la volonté, constitue chez saint Bonaventure le principe d’une inclination spécifiquement morale qui prédispose la volonté à sa fonction proprement morale. Elle se rattache par le fait même étroitement à la doctrine bonaventurienne de l’amour. L’amour de bienveillance, qui constitue, pour l'école franciscaine, la forme morale de la poursuite du bien honnête, procède de la syndérèse. Celle-ci devient ainsi le fondement premier et le principe directeur de cette finalité qui oriente l’homme vers la charité parfaite, dans la vision de Dieu, comme vers l’achèvement de sa vocation morale. D’un autre point de vue la doctrine franciscaine de la syndérèse constitue le point de départ de la conception du fondement des vertus propre à cette école. Pouvoir naturel et inné de l’amour du bien honnête, la syndérèse constitue dans la volonté même le principe des vertus, son habitus général servira de siège à leurs habitus particuliers. A cette syndérèse saint Bonaventure attribue également les privilèges de la syndérèse thomiste : ni le péché, ni la dépravation ne sauraient l’extirper de la nature de l’homme. Loc. cit., a. 2, q. n.

III. La syndérèse surnaturelle.

La conception thomiste de la syndérèse forme une partie du traité de la conscience devenue classique dans l’enseignement de la théologie morale. La description qu’on a donnée plus haut ne saurait être complète dans une théologie qui considère la dotation morale de l’homme à la double lumière de la nature et de la grâce. Du fait que cette théologie détermine une dotation surnatu relle qui ajoute ses habitus infus par la grâce aux habitus de la nature, elle est amenée à distinguer également une syndérèse surnaturelle, fondement de la conscience surnaturelle chrétienne. L’existence d’une syndérèse proprement surnaturelle est impliquée dans la notion de loi surnaturelle chrétienne, de la « loi nouvelle » de l'Évangile, qui est décrite par les théologiens comme une réalité immanente à la conscience morale. C’est ainsi qu’elle est définie par saint Thomas comme une loi interne : Lex nova proprie et principaliler est lex interna nobis indita. Elle ne s’impose point du dehors à la conscience, mais la dispose intérieurement : ex abundantia amoris et graliæ suaviter inclinantis. P-II 33, q. cvi, a. 1. On trouvera un développement de cette notion chez Suarez, qui démontre l’existence d’une « loi connaturelle à la grâce », à laquelle revient dans l’ordre surnaturel un rôle analogue à celui de la loi naturelle dans l’ordre moral naturel. De même que la raison connaît intuitivement les vérités morales premières de la loi naturelle, la raison éclairée par la grâce connaît les obligations premières et fondamentales de l’ordre moral surnaturel : les obligations de la foi, de l’espérance et de la charité. Suarez, De legibus, t. I, c. iii, n. 12, édit. Vives, t. v, p. 10. De ce point de vue, les habitus infus des vertus théologales constituent une syndérèse surnaturelle, c’est-à-dire des principes premiers qui sont présents à la conscience du fait même de la grâce et qui servent de fondement à l’ensemble des devoirs de la vie surnaturelle chrétienne. Leur présence apporte aux principes de la syndérèse naturelle une certitude et un sens nouveaux. A ces données il convient d’ajouter ceux de la doctrine des dons du Saint-Esprit. Ces dispositions infuses par la grâce, particulièrement les dons de sagesse, de science et de conseil ont pour fin de faciliter le rôle de la conscience chrétienne. S. Thomas, I » -II", q. lxviii. Ainsi constituée, la syndérèse surnaturelle est proprement la source de la vie spirituelle du chrétien, de cet esprit d’adoption des enfants de Dieu dont parle saint Paul et qu’il nous appartient de développer au cours de la vie.

Pour les doctrines scolastiques, voir Ueberwegs-Geyer, Gescti. der Phil., t. i, S 35, p. 145 ; Fr. Nitzsch, Ueber die Entstehung der scliolast. Lehre von der Synteresis, dans Jahrbiieher jiir prot. Theol., t. v, 1879, puis l’article du même auteui dans Zeilschr. jiir Kircl engeschichte, t. XVIII, 1, p. 23 ; l’opinion de Nitzsch a été attaquée par N. Siebeck, dans Archiv jur Geschiclite der Philosophie, t. x ; elle a été défendue plus récemment par R. Leiber, Phil. Jahrb., 1912, p. 370, 992 ; voir aussi Jahnel, Woher stammt der Ausdruck Syndercsis bei den Scholastikern ? dans Theol. Quartalschr., t. lii, 1870 ; H. Gass, Oie Lehre vom Gewissen, Berlin, 1869 ; I. Appel, Die Lelire der Scholasliker von der Synteresis, Rostock, 1891 ; du même : Die Synteresis in der mittelalterl. Mystik, dans Zeitsclir. fiir Kirchengesch., 1894, p. 535-544.

J. Rohmer.

1. S YN ES IUS, évêque de Ptolémaïs au commencement du ve siècle.

I. Vie.

Synésius naquit à Cyrènr, capitale de la Cyrénaïque, entre 370 et 375. Il appartenait à une excellente famille du pays et se glorifiait de descendre de l’Héraclide Eurysthène. Epist., lvii et cxiii. Il fit à Alexandrie ses études de philosophie et il y reçut entre autres les leçons de la célèbre llypatic, qui lui fit connaître les doctrines du néoplatonisme. Durant toute sa vie, il conserva à l lypatie une profonde reconnaissance et il resta en relations suivies avec elle. Il alla jusqu'à Athènes, peut-être pour y entendre quelqu’un des maîtres alors renommés ; mais il rentra déçu de ce séjour en Grèce. Epist., cxxxvi. En 399, semblet-il, Synésius fut, en dépit de sa jeunesse, choisi par ses compatriotes pour prendre la tête d’une ambassade envoyée à Constantinople auprès de l’empereur ArcadiUS : il s’agissait d’obtenir de lui des réductions d’im-