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SYNOPTIQUES. LE FAIT


qui tous présentent le même caractère (en contraste avec les récits et discours du quatrième évangile), et sont disposés dans le même cadre général. Ils débutent (mis à part les récits de l’enfance de Jésus rapportés par saint Matthieu et saint Luc seuls) par le baptême du Sauveur, racontent son ministère en Galilée et en Pérée, conduisent ensuite Jésus à Jérusalem, où, après quelques jours de prédication, se déroulent les événements de la passion et de la résurrection. Tout l’apostolat du Christ semble ainsi renfermé dans le cadre chronologique d’une seule année, et dans un cadre géographique qui comprend deux théâtres successifs : la Galilée (et régions environnantes), puis la Judée, alors que le quatrième évangile indique plusieurs voyages de Jésus à Jérusalem avec retours en Galilée, et laisse entendre, d’après les données chronologiques qu’il fournit, que la prédication du Sauveur a duré deux ans et demi ou trois ans.

On se rend compte avec précision de la ressemblance du contenu des Synoptiques, soit en divisant leur texte en sections et en déterminant le nombre des sections communes, soit en comptant le nombre des versets communs. D’après le comput de Reuss (Histoire évangélique, Paris, 1876), si l’on divise la matière évangélique en 130 sections, 47 sont communes aux trois Synoptiques, 12 communes à Matthieu et Marc, 6 communes à Marc et Luc, 2 communes à Matthieu et Luc ; Luc a 38 péricopes particulières, Matthieu 17, et Marc 5 seulement (ce sont : ni, 20-21, la famille de Jésus veut s’emparer de lui ; iv, 26-29, parabole de la semence qui croît d’elle-même ; vii, 32-37, guérison d’un sourd-muet ; viii, 22-26, guérison de l’aveugle de Bethsaïda ; xiv, 51-52, le jeune homme qui s’enfuit sans vêtements après l’arrestation de Jésus). — En comptant les versets au lieu des péricopes, on trouve 350 versets communs aux trois Synoptiques, 170 communs à Matthieu et Marc, 50 communs à Marc et Luc, 230 communs à Matthieu et Luc ; Matthieu a 330 versets particuliers (le tiers environ du premier évangile), Luc 541 (à peu près la moitié du troisième évangile), Marc 68 seulement (un dixième de cet évangile). La double constatation que, d’une part, le contenu de Marc se retrouve presqu’intégralement dans Matthieu et dans Luc, et que, d’autre part, Matthieu et Luc ont une proportion considérable de parties communes qui n’ont pas de parallèles dans Marc, constitue un des éléments essentiels du fait synoptique.

2. Différences.

a) Elles apparaissent d’abord dans les additions et suppressions que l’on constate en comparant les Synoptiques. Luc et Matthieu surtout ont en propre des parties considérables, par exemple les récits de l’enfance de Jésus, complètement différents d’ailleurs dans ces deux évangiles. Luc a en propre une dizaine de chapitres, ix, 50-xviu, 14, dont le contenu : récits et paraboles placés par l'évangéliste au cours du voyage de Jésus à Jérusalem, n’a pas le plus souvent de parallèle dans Matthieu et surtout dans Marc. Par contre, il y a dans Luc une omission assez considérable : le voyage de Jésus dans les pays du Nord et les récits qui s’y rattachent, Matth., xiv, 22xvi, 12 et Marc, vi, 45-vm, 21, n’ayant pas de parallèle dans le troisième évangile.

b) A côté des additions et suppressions, il y a dans les Synoptiques de grandes différences pour le développement donné au récit de certains faits que tous les trois mentionnent : par exemple, la mort de saint JeanBaptiste, à laquelle Luc fait simplement allusion, iii, 19-20, que Matthieu raconte sobrement, xiv, 3-12, et dont Marc fait un récit tout à fait détaillé et vivant, vi, 17-29.

c) Les différences de fond entre les Synoptiques vont parfois jusqu'à d’apparentes contradictions, soit dans les faits eux-mêmes, soit dans les détails des récits.

On sait les difficultés qu’il y a à concilier le récit de l’institution de l’eucharistie dans le troisième évangile avec celui des deux premiers Synoptiques ; le manque de concordance entre les récits des apparitions du Christ ressuscité, Luc ne parlant que des apparitions à Jérusalem, tandis que, d’après Matthieu, le Ressuscité semble ne s'être manifesté à ses apôtres qu’en Galilée. Parmi les oppositions de détail entre des passages parallèles des Synoptiques, on peut mentionner la recommandation faite par Jésus aux apôtres de n’emporter dans leurs courses apostoliques rien autre qu’un bâton, Marc, vi, 8, de ne rien emporter, pas même un bâton, Matth., x, 10, Luc, ix, 3 ; la guérison d’un aveugle qui se produit lorsque Jésus approche de Jéricho, Luc, xviii, 35-43, à sa sortie de Jéricho, Matth., xx, 29-34, Marc, x, 46-52 ; les divergences dans les circonstances (temps et personnes) du reniement de saint Pierre.

Ressemblances et différences dans l’ordre des parties.

1. L’ordre des épisodes dans Marc et Luc est

presque constamment le même (il faut naturellement tenir compte de l’introduction dans la trame commune des parties propres à Luc). On compte seulement (P. Wernle, Die synoptische Frage, p. 7, cité dans Camerlynck, Synopsis, p. lvi) sept récits qui ne se trouvent pas à la même place dans ces deux évangiles : Luc, iii, 19 et Marc, vi, 17 ; Luc, iv, 16-30 et Marc, vi, 1-6 ; Luc, v, 1-Il et Marc, i, 16-20 ; Luc, vi, 1216, 17-19 et Marc, ni, 13-19, 7-12 ; Luc, viii, 4-18, 19-21 et Marc, iv, 1-25, iii, 31-36 ; Luc, xxii, 15-20, 21-23 et Marc, xiv, 22-25, 18-21 ; Luc, xxii, 54-62, 63-65 et Marc, xiv, 53-54, 66-72, 65 (dans ces quatre derniers cas, il y a interversion dans l’ordre de deux péricopes successives). Ces quelques divergences dans la suite des épisodes peuvent généralement s’expliquer par la méthode historique particulière et le point de vue spécial de saint Luc. Cf. Luc, t. ix, col. 986-987.

2. Si l’on compare la succession des péricopes communes à Matthieu et Marc, on constate que, à partir du c. xiv de Matthieu, l’ordre est presque constamment le même dans les deux évangiles (avec addition dans Matthieu de récits ou discours qui ne figurent pas dans Marc). Par contre, dans les treize premiers chapitres de Matthieu, il n’y a pas généralement parallélisme avec Marc pour l’ordre des péricopes ; cette divergence s’explique par la méthode propre de l’auteur du premier évangile, qui adopte un ordre systématique, groupement des miracles en séries, des paroles isolées en discours. Cf. Matthieu, t. x, col. 365.

3. La même explication vaut pour la divergence dans l’ordre des matériaux qu’on observe dans les parties communes à Matthieu et Luc ne figurant pas dans Marc Les récits et surtout les paroles du Christ, qui sont groupés systématiquement dans Matthieu, se retrouvent dispersés dans le troisième évangile, saint Luc s'étant proposé sans doute de les rapporter à leur place chronologique.

Ressemblances et différences de forme.

Il est

rare que dans les passages parallèles des trois Synoptiques, ou de deux d’entre eux seulement, dont le fond est commun, le texte soit absolument identique : il y a généralement des différences plus ou moins notables dans le choix ou l’ordre des mots, dans la construction ou la succession des phrases. On ne rencontre aucun verset rigoureusement identique dans les trois Synoptiques à la fois ; il y en a huit dans les passages parallèles de Matthieu et Marc, six dans les parallèles de Matthieu et Luc, trois dans les parallèles de Marc et Luc

1. Les ressemblances se constatent surtout dans la relation de paroles de Jésus, qui très souvent ne présentent que des variantes insignifiantes. Voici un exemple :