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SYRO-MALABARE (ÉGLISE). GOUVERNEMENT DES JÉSUITES


donna comme suppléant le supérieur de Vaïpicota. C’était remplacer un « syrien » par un Européen, nouvelle étape dans la soumission aux étrangers des chrétiens de Saint-Thomas 1 L’archidiacre refusa de reconnaître cette nomination, publiée à son insu. Le P. Etienne de Britto, coadjuteur et successeur désigné de François Roz, eut beau se prononcer en faveur de l’archidiacre ; le vieil archevêque fut intraitable. La lutte se prolongea pendant quatre ans et c’est peu de temps seulement avant la mort de Roz qu’eut lieu sa réconciliation avec Georges. Une vraie réconciliation, d’ailleurs, car quand le siège devint vacant, le 18 février 1624, Georges administra pacifiquement le diocèse jusqu’à l’arrivée d’un duplication des bulles destinées au P. de Britto, les premiers exemplaires ayant disparu dans un naufrage. K. Werth, Das Schisma der Thomas-Christen unter Erzbisehof Franz Garzia, Limbourg-sur-Lahn, 1937, p. 25 sq.

Quand le P. de Britto fut devenu archevêque d’Artgamalé et eut été consacré à Goa, Georges de Christo, qui avait su son intervention pour le faire rentrer en grâce auprès de son prédécesseur, lui prépara une magnifique réception. Et on put espérer que l’harmonie régnerait. Mais voici qu’en 1628 l’archidiacre envoya un mémoire au collector apostolicus de Lisbonne, où les jésuites et l’archevêque étaient violemment attaqués. L’occasion de ce mémoire avait été l’installation au Malabar du dominicain romain François Donati. Cet excellent religieux, qui devait mourir martyr en avril 1634, arrivé à Goa et à Cochin après bien des péripéties, s’élail prévalu du titre nouveau de « missionnaire apostolique », qu’il avait reçu de la S. Congrégation de Propaganda Fide, pour ouvrir une école destinée à l’enseignement des clercs. Son succès avait été d’autant plus grand qu’il y enseignait en syriaque, tandis que l’archevêque ignorait cette langue, ce qui l’empêchait de participer activement aux fonctions liturgiques exécutées par son clergé. Etienne de Britto estima que la Compagnie de Jésus avait des droits à défendre ; il affecta de considérer le P. Donati comme un intrus et son école comme une institution qui faisait une concurrence déloyale au séminaire de Vaïpicota. Les indigènes, flattés de ce que le P. Donati usait de leur langue liturgique, mécontents de ce que leur archevêque était moins proche d’eux que son prédécesseur, il y eut bientôt un peu de cabale et l’archidiacre se plaignit de ce que les jésuites empêchassent les autres religieux de s’occuper des chrétiens du Malabar. Après avoir établi un parallèle entre les œuvres du P. Donati et celles des jésuites, Georges concluait tout simplement : il faut cesser d’imposer aux « syriens » des archevêques jésuites ; le P. Donati doit devenir coadjuteur et successeur d’Etienne de Britto. Werth, op. cit., p. 27.

Le collector s’étant rendu à Rome, le mémoire de l’archidiacre fut examiné dans une plénière de la Propagande le 16 septembre 1630. Comme le P. Donati était italien, on ne pouvait espérer qu’il fût jamais présenté par le roi de Portugal, mais on envisagea de le nommer évêque in partibus in/idelium et il fut décidé que les jésuites ne devraient plus s’opposer à l’installation d’autres religieux au Malabar. Ces résolutions montrent quel était l’esprit de la jeune Congrégation de la Propagande vigoureusement opposée à tout ce qui sentait le monopole. Mais aucune de ces résolutions n’obtint son effet : Donati ne devint pas évêque et, en 1646, le dominicain Michel do CruL R an gel, évêque de Cochin, avait encore l’occasion de dénoncer à la Propagande une ordonnance du roi de Portugal, qui interdisait à tous les religieux autres que les jésuites de s’immiscer dans les affaires des syro-malabares. Werth, op. cit., p. 28.

L’archidiacre d’ailleurs ne cessa plus d’agir : il

écrivit à la fin de 1632 au roi de Portugal, puis, en décembre 1633 et janvier 1634, au Saint-Siège. Lamentations contre les jésuites, éloges du dominicain Donati et de ses œuvres ; il est inutile d’en donner le détail. A retenir seulement cette impression que le clergé indigène semble maintenu dans une tutelle sévère : le nombre des ordinations était limité au point que plusieurs paroisses étaient sans prêtres ; les cassanares n’étaient pas autorisés à prêcher ; les réunions synodales trisannuelles prescrites à Diamper n’avaient pas lieu ; les missionnaires non-jésuites étaient toujours exclus. Werth, op. cit., p. 31 sq. Le 16 février 1634, le P. Donati écrivait à la Propagande ; son exposé correspond dans l’ensemble à celui de l’archidiacre. Ibid., p. 33 sq. Au reçu de ces plaintes, la S. Congrégation interdit sous peine d’excommunica ! tion latse sententiee d’empêcher les non-jésuites de j s’installer au Malabar. Ibid., p. 38. Mais, avant que cette décision fût connue aux Indes, le P. Donati I était mort et l’archidiacre disparut à son tour en 1637, j remplacé par Thomas de Campo (Parambil Thumi). j Lorsqu’Étienne de Britto mourut, François Garzia, son coadjuteur cum jure successionis, prit possession j sans difficultés du trône archiépiscopal et l’avenir paraissait assuré, car le séminaire de Vaïpicota était | florissant et les missionnaires bien reçus dans toute la | région, quand l’arrivée d’un évêque mésopotamien, en 1652, remit tout en question, et l’union elle-même. Au printemps de 1652, en effet, un moine oriental se présenta en mendiant au couvent des capucins de Sourate. Bien reçu, il dit aux pères qu’il était patriarche et se rendait chez les chrétiens de Saint-Thomas. L’inquisition goanaise avertie ne réussit à l’arrêter que le 3 août suivant, tandis qu’il visitait le sanctuaire de Mylapore. Interné provisoirement au collège des jésuites, en attendant d’être transféré à Goa, il réussit à faire parvenir à l’archidiacre une lettre en syriaque, dans laquelle il lui communiquait avoir été nommé par le pape patriarche des « syriens » du Malabar et lui demandait d’envoyer des hommes armés pour le délivrer. Les chrétientés, mises au courant, s’agitèrent et recoururent à l’archevêque Garzia. Celui-ci répondit catégoriquement que, même s’il était vrai que le moine Athallah était envoyé par le Saint-Père, il ne pouvait prendre possession du siège, puisque toute nomination devait être précédée par une présentation du roi de Portugal. Réponse fondée en droit, sans aucun doute, mais accablante pour les pauvres « syriens ». Aussi, lorsque, quelques jours plus tard, ceux-ci apprirent qu’Athallah arrivait par mer à Cochin, ils se présentèrent en force aux portes de la ville, réclamant la délivrance du prisonnier ou tout au moins la possibilité de parler avec lui pour examiner ses prétentions. Les autorités préférèrent le faire partir de nuit pour Goa et, afin d’éviter une attaque de la ville, racontèrent qu’il avait été noyé accidentellement. Furieux d’avoir été joués, les chrétiens de Saint-Thomas se réunirent devant l’église de Matanger et jurèrent sur la croix qu’ils n’obéiraient jamais plus à l’archevêque Garzia et chasseraient tous les jésuites. Après quoi, Thomas de Campo ayant produit une lettre vraie ou supposée d’Alhallah, qui autorisait les chrétientés syro-malabares à se choisir un évêque, il fut « consacré » par douze prêtres au cours d’une cérémonie où lui fut imposée sur la tête la fausse lettre d’investiture. Dès lors, Thomas exerça les fonctions pontificales, « ordonna » des clercs, dispensa des empêchements de mariage, etc. A peu près tous le suivirent. Cependant, Athallah, condamné comme hérétique par l’Inquisition de Goa, mourait sur le bûcher dans le cours de 1654. Weri ii, op. cit., p. 43-50.

La défection des chrétientés syro-malabares fut connue à Rome à la fin de 1655 seulement. Garzia