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SYRO-MALABARE (ÉGLISE). GOUVERNEMENT DES CARMES


leur culture théologique ou liturgique. La plus grave difficulté venait du petit nombre des missionnaires, limité habituellement à dix, presque toujours inférieur à ce chiffre, dans un climat épuisant, avec des relèves irrégulières, malgré la très sage disposition de la Propagande, qui avait fixé à dix ans la durée normale de la députation des missionnaires destinés au Malabar. En 1770, un seul Père était en état de pratiquer la visite des paroisses syriennes. Hierarchia carmelitana, loc. cit., p. 145. Ce missionnaire, le bavarois Eustache Federl ou François-de-Sales de la Mère des Douleurs, devait terminer son séjour en 1772 ; au lieu d’implorer une prolongation de sa délégation, il insista pour rentrer dans sa province d’origine : il se sentait épuisé et avait constaté bien des abus. Lorsqu’il arriva à Rome, le 4 novembre 1773, après dix-huit mois de voyage, par Macacr, Lisbonne et Gênes, il remit au cardinal Castelli, préfet de la Propagande, un mémoire sur l'état de la mission et des propositions pour sa réorganisation. Son exposé plut à ce point que la S. Congrégation décida de le députer à nouveau avec le P. Paulin de Saint-Barthélémy, le 21 mars 1774 ; puis le choisit comme vicaire apostolique le 8 juillet de la même année, estimant sans doute que personne ne réussirait mieux que lui à mettre en œuvre un programme dont il était l’inspirateur. En procédant à cette nomination, la S. Congrégation avait écarté la terna proposée par le vicaire provincial, lerna où celui-ci avait osé inscrire son propre nom. Lorsque le nouveau prélat fit son entrée à Vérapoly le 13 octobre 1775, son premier acte fut de déposer, conformément aux instructions des supérieurs majeurs de l’ordre, le vicaire provincial, qui tenait la place depuis vingt-cinq ans. Mais une rébellion s’organisa, Italiens contre Allemands, et cette dissension eut une répercussion immédiate chez les « syriens ». Le 15 février 1776, les représentants de trente-cinq communautés décidèrent de transférer à Mangate la résidence du vicaire apostolique et d’interdire aux missionnaires l’accès de leurs églises. Dès la mi-février 1777, la Propagande était au courant des troubles survenus au Malabar et décidait le 25 du même mois d’imposer au nouvel évêque la cessation de son office. Ibid., p. 153. Pendant que Rome prenait cette décision, avec une rapidité inaccoutumée, les chrétiens de Saint-Thomas avaient organisé une ambassade qui devait porter au Saint-Siège leurs doléances sur le compte des missionnaires, avec cette accusation assez inattendue que le vicaire apostolique avait empêché la conversion du personnage que les documents appellent Laicus mitratus, chef indigène des jacobites, Thomas V de Campo. II ne semble pas que cette ambassade, arrivée à Rome dans le cours de 1779, ait fait grande impression sur la S. Congrégation. Mais en passant par Lisbonne, l’ancien élève du Collège urbain qui la conduisait, le prêtre de rit latin Joseph Cariât il ou Cariati. réussit à se faire nommer par la reine de Portugal archevêque de Cranganore. et fut préconisé par Pie VI le 16 décembre 1782. Cristovâo de Nazareth, Milras lusitanas…, t. ii, p. 50.

Il n’importe pas à notre sujet d’exposer comment vécut la mission carme du Malabar sous le gouvernement intérimaire du P. Charles de Saint-Conrard, vicaire apostolique du Grand-Mogol, mais on comprendra que l’assistance au clergé indigène était peu efficace, quand les missionnaires manquaient si ouvertement au devoir d'édification. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu’il y ait en une nouvelle crise, avec éclats contre les missionnaires, lorsqu’on connut au Malabar l’arrivée à Bombay du nouvel archevêque de Cranganore, le 1 er mai 1786. Les chrétiens de Saint-Thomas seraient-ils donc toujours soumis à des carmes européens, tandis que les latins de Cranganore auraient un prélat indigène ? Le « syrien » qui avait accompagné

Joseph Cariatil à Rome, pour y porter leurs doléances, avait fait savoir aux siens que la députation avait été retenue indûment en Europe. Tandis que quelques tètes chaudes se préparaient à gagner Goa, pour veiller à ce que le nouveau pontife n’y fût pas opprimé, voici qu’on apprit sa mort, survenue le 9 septembre. Il était la victime d’une fièvre maligne, mais on s’imagina que les religieux européens l’avaient fait disparaître. L’agitation fut telle que l’archevêque de Goa prit peur et, pour la calmer, s’arrêta à une mesure assez inattendue, en nommant comme administrateur de l’archidiocèse le prêtre de rit syro-malabare Thomas Pareamakel, compagnon de voyage de l'évêque défunt. Les « syriens » se crurent à la veille de voir se réaliser une de leurs plus chères aspirations : ils auraient enfin en Thomas un métropolite de leur sangl II semble bien que l’administrateur de Cranganore fit tout son possible pour la réussite de l’entreprise, insistant auprès de ses concitoyens sur l’accusation relative à la mort de Cariatil, pour rendre plus difficile la nomination d’un vicaire apostolique carme, tandis qu’il soutenait la thèse opposée vis-à-vis des autorités portugaises, qui, en fait, furent invitées, par pétitions des indigènes, à le présenter tout au moins au Saint-Siège. Christovào de Nazareth, Mitras lusilanas, t. ii, p. 56 sq. Finalement le différend entre les missionnaires et les communautés syro-malabares fut arbitré par le roi de Travancore, comme le vicaire apostolique Louis-Marie de Jésus Pianazzi et ses quatre compagnons le firent savoir à la Propagande par lettre du 7 mai 1787. Hierarchia carmelitana…, loc. cit., p. 214219. Un de ces quatre missionnaires était le fameux orientaliste autrichien, Paulin de Saint-Barthélémy (Philippe Werdin), qui demeura au Malabar de 1775 à 1789 ; ses renseignements sur les chrétientés « syriennes » se rapportent à cette époque : 84 paroisses catholiques et 32 schismatiques. India orientalis christiana, Rome, 1794, p. 86.

Il n’y avait que quatre missionnaires en plus du vicaire apostolique en 1787, il arriva même qu’il n’y en eut qu’un. La pénurie d’hommes qualifiés explique comment il fallut nommer, en 1803, un homme de qualités médiocres, le P. Raymond de Saint-Joseph Roviglia. Les brefs nécessaires à sa consécration n’arrivèrent qu’en 1807, une première expédition en ayant été perdue. Heureusement, sous le régime anglais, qui avait commencé en 1795 après la prise de Cochin, il semble que le pays ait été plus calme et les missionnaires moins exposés aux caprices des gouverneurs. Mais les communications avec l’Europe restèrent difficiles pendant toute l'époque napoléonienne. Pendant cette période, toujours traversée de controverses entre les carmes et la hiérarchie goanaise de Cranganore et Cochin, jusqu'à la publication du bref Mulla prxclare du 24 avril 1838, Bullar. pontif. S. C. de Propaganda Fide, t. v, Rome, 1841, p. 164-168, qui instituait le vicariat apostolique de Vérapoly, il n’y a pas de fait saillant à relever dans l’histoire des communautés syro-malabares, si ce n’est la formation, entre 1829 et 1831, de la congrégation des tertiaires carmélites de rit oriental, sous le gouvernement intérimaire du vicariat apostolique par Maurilio Stabcllini. Mais les prêtres qui se groupèrent alors pour mener la vie religieuse, sur l’initiative des PP. Thomas Palakal et Thomas Porukara, ne formèrent une véritable congrégation que le 8 décembre 1 855, lorsque le zélé vicaire apostolique d’alors, Joseph Baccinelli ou Bernardin de Sainte Thérèse, leur fil prononcer leurs premiers vœux. La jeune congrégation, qui était composée ce jour-là de onze membres, sous le nom de Serviteurs de Marie-Immaculée du Mont-Carmel, se développait ensuite d’une façon satisfaisante et devenait, le 1 er octobre 1860, un tiers-ordre carmélite régulier, dont les constitutions