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TALMUD. ORIGINE


Jewish Chronicles, Oxford, 1887, que la Loi orale se serait transmise d’abord sous la forme midrach et n’aurait pris que plus tard la forme halakha. Le mot midrach (de la racine drch, chercher), qui se trouve dans II Par., xiii, 22 et xxiv, 27, au sens de document historique, désigne un exposé, un commentaire et, spécifiquement, un commentaire biblique ; l’exégèse a pris dans le judaïsme un développement toujours plus abondant ; nous possédons des commentaires des livres du Pentateuque, rédigés vers la fin du n° siècle après J.-C. et rapportant les interprétations des rabbins anciens ; de bonne heure également les docteurs se sont appliqués à fonder sur l’Écriture les traditions juridiques qu’ils proposaient, nécessité d’autant plus pressante que les sadducéens rejetaient la Loi orale et n’admettaient que l’autorité de la Bible. Le. mot halakha (de la racine hlk, aller) désigne la loi qui détermine la conduite à suivre ; opposé a. midrach, il s’applique aux préceptes juridiques, proposés sans aucun appui scripturaire.

A ne nous en tenir qu’aux documents existants, avant tout à la Michna, nous observons que les dispositions juridiques y figurent le plus ordinairement sans l’accompagnement d’une exégèse quelconque, suivant l’usage des textes postérieurs. Contre ce fait ne saurait prévaloir un témoignage aussi tardif que celui du gaon Sherira, qui est d’ailleurs de tendance toute théorique et systématique. Si l’on remarque que dans les temps anciens les dispositions légales de la Loi orale étaient assez rares, inspirées par les circonstances et en désaccord avec les stipulations mosaïques, que les progrès de l’exégèse en Israël précèdent de peu l’ère chrétienne on sera tenté de conclure : la Loi orale juridique s’est d’abord produite sous forme halakha ; plus tard seulement on a tenté de l’illustrer par des exégèses, par le midrach. Cf. art. Midrash et Mishna dans The Jewish Encyclopedia, t. viii, p. 548 sq., 610 ; H. Danby, The Mishna, Oxford, 1933, p. xix ; J. Bonsirven, Le judaïsme palestinien au temps de J.-C, t. i, p. 263-272, sur la Loi orale ; G. Aicher, Das Allé Testament in der Mischna, Fribourg-en-B., 1906, p. 154-166.

La Michna.

La Loi orale juridique ne cessa

de se développer en Israël : au temps de l’exil babylonien, la nécessité de remplacer par l’étude et le culte des Écritures les institutions liturgiques de Jérusalem et de Palestine donne naissance à l’activité des scribes ; aux approches de l’ère chrétienne, la restauration hasmonéenne et l’urgence de lutter contre les assauts de l’hellénisme conduisent à de nouvelles élaborations juridiques : elles étaient l’œuvre, avant tout, des pharisiens, mais aussi des sadducéens, qui possédaient également des rabbins et un code particulier : il ne faut pas croire, nonobstant Josèphe, Antiq., XIII, x, 6, que ces derniers n’aient pas produit de leur chef une Loi orale. J. Bonsirven, Le judaïsme palestinien, t. i, p. 50 sq. À mesure que se multiplient les rabbins, s’étend aussi la Loi orale, comportant autant de tendances que d’écoles : nous connaissons les controverses et oppositions qui dressaient l’une contre l’autre la maison de Hillel et celle de Shammaï, cette dernière en général plus rigoriste.

Au moment où disparaît sous les coups de Titus l’État juif, c’est l’institution rabbinique qui sauve le judaïsme : quelque légendaires que soient certains détails sur l’établissement de Johanan ben Zakkaï à Jamnia (Jabné), le fait ne paraît pas contestable en lui-même : l’école que fonda le vénérable docteur devint le centre de cet Israël que rien ne peut détruire ; les enseignements religieux, les décisions juridiques, provenant de cette obscure bourgade de Judée, parviennent à animer la vie spirituelle de la nation, à maintenir son unité.

Tôt après R. Johanan, les écoles rabbiniques se met tent à foisonner, chacune dispensant et défendant sa tradition et sa doctrine : ainsi est née la Michna. Le mot, d’hébreu postbiblique, dérive de la racine chna, qui signifie répéter. Le moyen majeur d’enseignement dans ces pays d’Orient, qui font une si grande place à la mémoire, est la répétition inlassable du texte à retenir : en conséquence le verbe « répéter » prend rapidement le sens d’enseigner et d’apprendre (en araméen, lana : d’où le titre de tannaïtes, donné aux docteurs des deux premiers siècles). Par suite le substantif michna désigne : l’instruction ; le fait d’enseigner ou d’apprendre la tradition ; le contenu de cet enseignement portant sur tel point particulier ou provenant de tel rabbin déterminé ; dans un sens spécial, une halakha, c’est-à-dire un précepte juridique dépourvu de son appui exégétique ; collectivement, un ensemble de michnayot (pluriel), professé dans une école donnée et se recommandant du chef de cette école.

Il est probable qu’une première collection de michnayot et de halakhot fut compilée dès le ie siècle chrétien, au temps des anciens de la maison de Hillel et de la maison de Shammaï : ce serait la michna première ou ancienne, dont il est fait quelquefois mention, Sanhédrin, iii, 4 ; Eduyot, vii, 2 ; Giltin, v, 6. De larges portions en sont conservées dans notre Michna. Cette collection avait pour objet de fixer la Halakha traditionnelle, de la dépouiller de tout commentaire, de fournir aux docteurs une base pour leurs décisions et aussi un livre de texte pour leurs leçons.

Ce recueil ou ces recueils étaient-ils fixés par écrit ? Après avoir parcouru le dossier de cette controverse, il nous paraît plus probable que de bonne heure on mit par écrit quantité de traditions scolaires : les maîtres conservaient par devers eux ces livres, ils s’en servaient pour aider leur mémoire, mais ne les livraient pas à leurs élèves qui devaient apprendre en répétant. Strack, Einleilung in Talmud und Midrasch, v, § 2 ; Jewish Encyclopedia, t. viii, p. 614.

La multiplication des écoles et le prurit juif de la discussion ayant entraîné d’inquiétantes divisions doctrinales, un synode tenu à Jamnia (vers la fin du i er siècle), sous la présidence de Gamaliel II et de Éleazar ben Azaria, entreprit de recueillir les anciennes halakhot, de les reviser et de les fixer : ainsi naquit la collection Eduyot (témoignages), beaucoup plus volumineuse que le traité de notre Michna, qui porte ce titre.

Comment étaient rédigés ces recueils de halakhot, conservés dans les écoles ? Nous pouvons conjecturer, d’après les indices qui subsistent encore, que le principe de groupement était tout formel, le plus souvent une association verbale : on joignait ensemble les sentences qui commençaient par les mêmes mots. R. Aquiba (mort en 135) fut probablement le premier à tenter un classement systématique. Il réunit dans le même traité les décisions portant sur le même sujet et il rassembla ces traités en sections. Il semble aussi qu’il ait soumis à un traitement sévère le matériel traditionnel : éliminant certaines halakhot, les réduisant toutes à une forme plus simple et dépouillée.

De toute manière subsistaient, laissées hors de la compilation officielle, bon nombre de sentences : décisions de tendance différente, commentaires, fondements scripturaires : nous retrouverions une bonne partie de ce matériel dans la Tosephta, qui suit le même plan que notre Michna, qui souvent la répète et plus souvent encore lui ajoute compléments et scolies. Cf. Arthur Spanier, Die Tosejlaperiode in der lannaitischen Literatur, Berlin, 1936, dont la thèse suggestive n’est pas totalement acceptable.

A l’imitation d’Aquiba, les chefs d’école rédigeaient leur michna : dans le nombre tient une place prépondérante celle de R. Meïr, élève d’Aquiba : elle inclut