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THÉOLOGIE. ÉTUDE HISTORIQUE

Chez Diadoque de Photicée, milieu du ve siècle, la θεολογία implique, avec une semblable connaissance supérieure de Dieu, une certaine impulsion et une certaine grâce qui font exprimer en louange la douceur et la gloire du Dieu contemplé. Kattenbusch, art. cité, p. 203-204 ; D. M. Rothenhæusler, La doctrine de la « Theologia » chez Diadoque de Photikè, dans Irénikon, 1937, p. 536-553.

Les Latins.

Jusqu’à saint Augustin inclusivement, le mot theologia n’a pas, chez les Latins, son sens ecclésiastique propre. Plusieurs Pères ne le connaîtront même pas : ainsi Minucius Félix, saint Cyprien, saint Ambroise, Arnobe, Boèce et saint Grégoire. On l’utilise, dans la polémique avec les païens, au sens où ceux-ci l’entendaient. Augustin, cependant, emprunte le mot aux païens, s’appuie sur son sens étymologique pour argumenter contre eux et, au nom des exigences d’une vera theologia, les orienter vers le christianisme. De civ. Dei, l. VI, c. viii, P. L., t. xli. col. 186. Batiffol, art. cité, p. 209-210. Mais cette vera theologia n’est pour lui qu’une philosophie digne de ce nom, dont il trouve un exemple authentique chez les platoniciens. Au delà de la theologia fabulosa des poètes, au delà même de la theologia naturalis de Varron et des stoïciens, qui n’est qu’une interprétation du monde et une physique, Augustin revendique une théologie plus fidèle à son objet, Dieu, et qui est pour lui la philosophie platonicienne. De civ. Dei, t. VIII, c. i et v, col. 223 sq., et 229

Il semble bien qu’il faille attendre jusqu’Abélard pour trouver le mot theologia avec le sens qu’il a pour nous. J. Rivière, theologia, dans Revue des sciences rel., t. xvi, 1936, p. 47-57, qui a fait une étude critique détaillée de ce point, écarte les auteurs qu’on aurait pu faire prétendre à une priorité, comme Raoul Ardent et Honorius d’Autun avec son Elucidarium sive dialogus, P. L., t. clxxii, dont le sous-titre, De summa totius christianæ theologiæ, est d’une authenticité douteuse ; il montre que, si les titres d’Introductio ad theologiam et d’Epitome theologiæ christianæ sont dus non pas à l’auteur, mais aux éditeurs, si ce dernier ouvrage, désigné par Abélard comme un Theologiæ tractatus, est une monographie sur le dogme trinitaire où theologia n’aurait que le sens admis par plusieurs Pères grecs, par contre Abélard avait conçu une Somme de la doctrine chrétienne, dont il ne put rédiger que les premières parties et qu’il désignait lui-même et laissait désigner par les autres du nom de theologia. Encore le mot sert-il ici à désigner le contenu concret d’un ouvrage portant sur l’ensemble des dogmes chrétiens et non abstraitement, une discipline comme la géométrie ou la philosophie. Ibid., p. 54. Au reste, dans l’école d’Abélard, la tradition se maintiendra, selon laquelle theologia ne désigne que la doctrine portant sur le Dieu invisible, un et trine ; ce qui concerne la christologie et les sacrements sera désigné par le mot beneficia : ainsi en est il dans les Sententiæ Parianenses, éd. Ostlender, Bonn, p. 12 ; dans les Sententiæ Parisienes, éd. Landgraf, dans Écrits théologiques de l’école d’Abélard, Louvain, 1934, p. 29 ; dans les Sententiæ Rolandi, éd. Gletl, p. 151-155, moins le mot beneficia ; enfin, cf. Abélard lui même, Introd. in theol., l. I, c. iv. P. L. t. clxxviii, col. 986 D et Epitome, c. iii et xxiii, col. 1697 et 1730 ; mais l’Epitome est, d’après Ostlender, l’œuvre du disciple d’Abélard, Hermann.

Il faudra quelque temps encore pour que theologia prenne son sens épistémologique. Il semble bien que celui-ci ne sera définitivement acquis que dans le courant du xiiie siècle. Et même trouverons-nous long temps encore la théologie désignée par l’une ou l’autre des expressions qui avaient servi jusque là à la nommer : doctrina christiana (saint Augustin), sacra scriptura, sacra eruditio, sacra ou divina pagina, voir ci-dessous, col. 354, enfin, sacra doctrina, qui est le terme dont saint Thomas se sert dans la première question de la Somme théologique.

Les éditeurs ont, dans la suite, introduit le mot theologia dans le titre de plusieurs articles de cette question ; mais, dans le texte authentique, ce mot ne se rencontre que trois fois, I{e|a}}, q. i, a. 1, obj. 2 et ad 2um ; a. 3, sed contra, tandis que l’expression sacra doctrina ou hæc doctrina se rencontre près de quatre-vingts fois : et encore theologia n’y est-il pas pris au sens actuel du mot théologie, mais au sens étymologique de considération ou discours sur Dieu. Dans d’autres œuvres de saint Thomas, on rencontre theologia, soit au sens moderne, pour désigner une certaine discipline bien définie, l’explication rationnelle du révélé, ainsi In Boet. de Trin., q. ii, a. 3, ad 7um ; Contra Gent., IV, c. xxv, soit dans le sens objectif concret d’une considération faite du point de vue de Dieu ou de la cause première, et non du point de vue de la nature propre des choses créées prises en elles-mêmes, ainsi Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxi, a. 6, ad 5um, soit encore dans un sens qui comprend les deux précédents, Resp. super xlii art. ad Mag. Ord., art. 42 ; enfin, il arrive à saint Thomas d’évoquer la distinction des trois théologies de Varron, Sum. theol., IIa-IIæ, q. xciv, a. 1 ; Com. in Rom., c. i, lect. 7 fin, et aussi d’éviter l’emploi des mots theologia, theologus, comme à Contra Gent., t. II, c. iv, où l’opposition entre la connaissance naturelle et la connaissance surnaturelle n’est pas exprimée par l’opposition entre theologia et philosophia, mais par l’opposition entre doctrina philosophiæ et doctrina fidei d’une part, philosophus et fidelis d’autre part. Mais, évidemment, seule une enquête exhaustive permettrait des conclusions fermes. Ce que nous venons de dire suffit à inciter à la circonspection dans l’interprétation du vocabulaire de saint Thomas sur ce point.


II. LA THÉOLOGIE. ÉTUDE HISTORIQUE.

Lorsqu’on aborde l’histoire de la notion de théologie proprement dite, on est tenté de prendre son point de départ à la fin de la période patristique : saint Jean Damascène († 719), pour l’Orient, le siècle qui s’étend entre la mort de saint Isidore († 636), et celle de saint Bède († 735), pour l’Occident. C’est ce que fait, par exemple, M. Grabmann dans sa Geschichte der katholischen Theologie, Fribourg-en-Br., 1933. Peut-être une telle manière de procéder est-elle Inspirée par une conception un peu rigide de la théologie, entendue d’emblée comme une synthèse systématique des doctrines chrétiennes. Par quoi plusieurs auteurs sont amenés à noter que les Pères n’ont guère fait de la « théologie », puisque nous ne trouvons guère chez eux une synthèse systématique de l’ensemble du dogme, mais plutôt des traités spéciaux visant à illustrer, pour l’édification des âmes, ou à défendre contre l’erreur, ici dogme particulier ; ainsi Dublanchv. à l’art. Dogmatique, ici, t. iv. col. 1540 sq., et 1517 : Grabmann, op. cit.. p. 16. En conséquence, ces auteurs, lorsqu’ils énumèrent les œuvres théologiques des Pères, s’en tiennent-ils à recueillir les synthèses systématiques ou ce qui s’en rapproche le plus. L’exposé suivant justifiera, pensons nous, un traitement plus large, et commencera avec les origines mêmes du christianisme.


I.Avant saint Augustin.
II. Saint Augustin (col. 350).
III. L’héritage du VIe siècle (col. 353).
IV. D’Alcuin au XIIe siècle (col. 360).
V. La Renaissance du XIIe siècle : la théologie sous le régime de la dialectique (col. 361).
VI. L’Age d’or de la scolastique : la théologie sous le régime de la métaphysique (col. 374).
VII. Problèmes nouveaux et lignes nouvelles de la théologie moderne (col. 411)
VIII. Coup d'œil sur la théologie du XVIIe siècle à de nos jours (col. 431).