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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/29

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TANNER (ADAM


la science de Dieu, t. I, disp. II, q. 8, l’auteur en vient rapidement à celui qui, seul, soulève de réelles difficultés : les elïels futurs contingents conditionnés, surtout ceux qui de fait ne se réalisent pas. À cet objet bien spécial correspond en Dieu ce que Molina a appelé la science moyenne. Mais, relativement à la science moyenne, Tanner distinguera avec soin deux questions à traiter séparément : la question de réalité (an sit) et la question de modalité (qualis sil).

Sur la réalité de la science moyenne (dub. v), il ne juge pas superflu de déployer tout un appareil dialectique. La thèse s’avance jalonnée par plusieurs propositions successives : 1. Dieu connaît infailliblement tous les effets futurs contingents non conditionnés ; 2. il connaît au moins quelques futurs contingents conditionnés ; 3. et cela in^iilliblement ; 4. bien plus, il les connaît tous, même ceux qui ne se réalisent jamais ; 5. quel que soit le sens de la condition : causal, conditionnel pur, disparate, pourvu que le lien soit effectif ; G. et cela en dehors de tout décret prédéterminant. Les arguments répartis entre ces différentes affirmations constituent un choix judicieux parmi ceux des molinistes antérieurs, en particulier de Suarez. Les textes scripturaires invoqués sont : I Reg., xxiii, 10-12 ; III Reg., xi, 2 ; IV Reg., xiii, 19 ; Sap., iv, 11 ; Is., i, 9 ; Jer., xxxviii, 17-18 ; et pour le Nouveau Testament : Matth., xi, 21 (Luc, x, 13) ; Matth., xxiv, 22 ; Luc, xvi, 31. Pour les Pères, cinq seulement sont retenus parmi ceux que Suarez a utilisés : Grégoire de Nysse, Chrysostome, Grégoire le Grand, Ambroise et surtout Augustin, dont la doctrine est spécialement étudiée en plusieurs passages. Enfin, du point de vue rationnel, réponse affirmative est donnée à la question de savoir si un énoncé futurible est susceptible de vérité.

Mais c’est la nature ou modalité de la science moyenne qu’il importe le plus de tirer au clair ; dans la terminologie scolastique cela revient à déterminer quel peut être le médium in quo de cette connaissance divine. Tanner procédera ici par élimination. D’abord les futurs conditionnels non réalisés ne sont pas connus de Dieu en eux-mêmes (dub. vi). Certes toute connaissance suppose un objet qui termine l’acte du connaissant. En ce sens les futurs contingents sont bien connus de Dieu en eux-mêmes. Mais la connaissance paraît impliquer aussi que la faculté est déterminée par l’objet. Or, comment admettre qu’un objet créé exerce une causalité vis-à-vis de Dieu, surtout s’il n’existe pas ? — Ce n’est pas davantage par leurs causes que Dieu connaît les futuribles (ibid.), parce qu’ils n’y sont pas assez déterminés pour être par là connus infailliblement : assertion qui oppose Tanner à son maître Grégoire de Valencia. — Serait-ce, comme on l’a dit encore, « dans leur existence objective formellement réalisée ab seterno » ? Mais justement ils n’existent pas (ibid.). Il faut donc dire que Dieu connaît les futurs contingents, absolus ou conditionnels, en lui-même (dub. vu). Seulement on n’expliquerait rien en faisant seulement appel aux idées divines. Celles-ci doivent bien être supposées dans la divine connaissance ; mais elles ne suffisent pas à rendre compte de l’existence concrète et conditionnelle, c’est-à-dire libre, dont il s’agit dans le cas des futuribles. Surtout qu’on se garde de chercher notre médium in quo dans un libre décret de la volonté de Dieu. Non que Dieu ne puisse pas connaître le futur libre dans un décret de sa volonté. Mais le décret divin ne sauvegarde le caractère libre de l’acte sur lequel il tombe, qu’à condition d’être guidé par la science moyenne. Il ne saurait donc expliquer celle-ci. La chose est particulièrement manifeste en ce qui concerne la connaissance que Dieu a des actes peccamineux futuribles.

Passant maintenant à la partie positive, Tanner

présente ainsi sa pensée : tout ce que Dieu connaît en dehors de lui, il le connaît « secondairement et d’une manière quasi réflexe », dans « le verbe qui le représente » comme futur et qui est seul digne île mouvoir l’intelligence divine (dub. vii, assert. G). Et ce qui fait que cette connaissance s’étend au contingent conditionnel, c’est, d’une part, la perfection infinie de l’intelligence divine et, d’autre part, le lien d’exemplarité qui unit toute chose — et en particulier le futur contingent, par sa futuribilité — à l’essence divine. On peut renonnaître là une idée de Molina complétée grâce à Suarez.

L’étude des autres attributs de Dieu fournit l’occasion de compléter cette théorie de la science moyenne et d’en faire l’application d’abord au concours de la volonté divine à l’acte libre, t. i, disp. II, q. 10, dub. vu. À l’exception du péché, Dieu prédétermine ab œterno tout acte libre. Ceci suppose la science moyenne : Dieu sait ce qu’il veut. Quant au péché, Dieu ne le veut que d’une prédélermination concomitante : il ne le veut qu’en subordination à la décision de l’homme ; de même le châtiment, après prévision de la faute : car Dieu ne peut en aucune manière être cause du mal. La science moyenne est nécessaire tant pour l’efficacité de la volonté de Dieu que pour sauvegarder la liberté de l’homme. Ce dernier point est traité à part en détail (dub. viii). On distingue trois sortes de prédéterminations : décret conditionnel, décidant le libre concours à la volonté créée (prédétermination concomitante) ; prédétermination de la cause qui fera agir le sujet libre (vertu, vocation, grâce efficace) ; prédélermination absolue en dehors de la volonté créée. La première ne touche en rien à la liberté ; la seconde va être spécialement étudiée à propos de la grâce ; la troisième est sujette à controverse, mais Tanner tient avec Suarez, contre beaucoup de molinistes, la possibilité de la liberté en ce cas, grâce à la science moyenne, en vertu de laquelle il n’y a rien dans la détermination divine qui gêne la volonté créée.

L’application des mêmes principes au problème de la providence et de la liberté, t. i, disp. III, q. 1, dub. v, et à celui de la prédestination, t. i, disp. III, q. 6, dub. iii, continue à mettre en lumière la nature de la science moyenne.

Enfin, à propos de la discussion sur la grâce efficace, Tanner fut accusé d’avoir manqué au décret pontifical. Est-ce à cause de l’ardeur avec laquelle il s’applique à grossir le nombre des adversaires de la prédétermination physique, de la sévérité des jugements qu’il note ou de l’attitude caractéristique qu’il adopte à l’égard d’une théorie, périmée à son sens et près de disparaître ? Après l’avoir ainsi écartée, t. ii, disp. VI, q. 2, dub. iii, il rejette aussi la détermination morale et la « congruité non basée sur la science moyenne » (dub. iv), puis il critique la tendance opposée et rejette la « pure coopération » (dub. v). Ces deux dernières positions, pure congruité et pure coopération, qui ont pour auteurs des partisans notoires de la science moyenne, d’une part Mascarenhas, de l’autre Molina, Vasquez, Lessius, sont discutées avec beaucoup d’intérêt et de soin. La vraie théorie, selon Tanner (dub. vi), doit reposer sur la thèse de la science moyenne, comme celles de la providence et de la prédestination. Elle veut s’inspirer du congruisme de Suarez, de Bellarmin et des discussions De auxiliis. Comme arguments théologiques, le seul témoignage de saint Augustin : Cujus Deus miseretur, sic eum vocat quomodo scit ci congruum ut vocanlem non respuat. Et voici l’argument de raison : L’efficacité de la grâce doit tenir à sa nature et non au consentement auquel elle est antérieure. Elle n’est infaillible que grâce à la science moyenne, comme toute prédétermination absolue. Ainsi l’efficacité de la grâce n’est pas simple-