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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/299

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THESSALONICIENS (Ile ÉPITRE AUX)

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et non les néophytes de Bérée, conjecture de M. Goguel, lieu, de l’hist. des religions, t. lxxi, 1915, p. 248-272. 5° À iithenticité.

C’est E.-C. Schrnid qui, le premier,

en 1804, après avoir d’abord sacrifié le bloc ii, 1-12, comme étant une interpolation montanisle, nia l’authenticité de cette deuxième lettre aux Thessaloniciens. Il fut suivi par Kern, Tùbinger Zeilschr. ftir Théologie, 1839, et par les tenants de l’école de Tubingue : Baur (1845), Weizsàcker (1886), Schmiedel, von Soden (1905), Holtzmann (1911). Récemment M. Oskar Holtzmann affirmait que cette deuxième lettre ne serait qu’une correction de la première. Das Neue Testament nach dem Siutlgarter griechischen Text ùberselzl und erklàrt, Giessen, 1925, p. 476. Actuellement l’authenticité de II Thess. est vivement contestée par la critique indépendante. Elle est cependant défendue par bon nombre de critiques : Reuss, Renan, Sabatier, Weiss, Harnack, Jillicher, Clemen, Zahn, sans parler de l’unanimité des catholiques. Nous enregistrons avec un plaisir particulier que tous les derniers commentateurs, à quelque école qu’ils appartiennent, Borncmann, Bousset, von Dobschiitz, Wohlenberg, Milligan, Findlay, Frame, Vosté, Steinmann, sont des partisans résolus de l’authenticité. « Il n’y a rien dans l’épître, écrivait naguère Goguel, qui oblige, ou même qui autorise à contester son origine paulinienne. » Introduction, t. iv a, p. 335.

1. Critères externes.

Les commentateurs n’ont pas de peine à montrer que l’épître était, elle aussi, connue et utilisée dès le n° siècle. On trouve des réminiscences chez saint Clément de Rome, I Cor., xxxviii, 4 ; cf. II Thess., i, 8, et saint Polycarpe, Phil., xi ; cf. II Thess., i, 4 ; ii, 15 ; des citations implicites et vraiment incontestables chez saint Justin, DiaL, xxxii, qui mentionne « l’homme d’iniquité » et dont le contexte montre nettement un emprunt à II Thess., ii, 3. Il faut surtout retenir les témoignages formels de saint Irénée qui attribue à Paul deux textes de cette deuxième Épître : De quo Apostolus in epistola, quæ est ad Thessal. II, sic ait : Quoniam nisi venerit abscessio prima… Cont. hær., V, xxv, 1 ; cf. xxviii, 2 ; de Clément d’Alexandrie qui attribue à l’Apôtre les paroles de II Thess., iii, 2 ; cf. Strom., t. V, c. iii, P. G., t. ix, col. 36 ; de Tertullien qui, à deux reprises au moins, cite des textes de l’épître qu’il attribue à Paul, cf. Scorp., xiii et II Thess., i, 4 ; enfin le témoignage déjà invoqué du Canon de Muralori et le fait que cette épître était reçue dans Y Aposlolicon de Marcion ; cf. Tertullien, Adu. Marc, v, 16.

2. Critères internes.

Toutes les objections formulées contre l’authenticité proprement dite, au nom de la critique interne, se résolvent sans peine.

a) De l’aveu des spécialistes, le vocabulaire de II Thess. est bien paulinien : des 250 termes qu’elle comprend, nous en retrouvons 222 dans les autres épîtres et 146 dans I Thess. De même pour les tournures et les expressions de saint Paul : 35 particularités pauliniennes se rencontrent ici, et 15 sont communes avec I Thess. Mais, de cette ressemblance frappante avec la première épître, n’allègue-t-on pas (Kern) que cette deuxième lettre semblerait le fait d’un pseudépigraphe, attentif à ne pas trahir sa fraude, plutôt que celui d’un auteur de génie disposant de tous ses moyens ? — On répond que la ressemblance des deux épîtres s’explique naturellement par l’identité des situations. L’identité du vocabulaire défie toute hypothèse de pastiche et plus encore, peut-être, cette loi des synonymes et des propositions convergentes que nous avons appelées hendiadis ou hendiatris et que nous trouvons dans la seconde épître non moins que dans la première ; cf. II Thess., i, 5 ; ii, 13 ; iii, 6.

b) On ne remarque pas, dit-on encore, en cette lettre le sentiment de tendresse qui se manifestait dans

l’épître précédente. — Nous en avons déjà donné la raison. Quant à la familiarité, ce n’est guère le moment pour les supérieurs de s’appliquer à faire oublier la différence des conditions, lorsqu’ils doivent user de leur autorité : Paul avait cette fois plusieurs réprimandes à adresser à ses néophytes.

c) On constate encore des divergences sur l’époque de la parousie : tandis que, dans la première lettre, l’Apôtre affirmait l’imminence du jour du Seigneur, dans la deuxième il l’ajourne à une époque indéfinie.

— Nous reviendrons plus loin sur cette question de la parousie. Qu’il nous suffise de signaler simplement que, dans cette deuxième lettre comme dans la première, Paul maintient toujours la possibilité de l’événement. Ce qu’il conteste, c’est son imminence. Et à bon droit.

d) Mais l’argument principal pour battre en brèche l’origine paulinienne de II Thess. se tire du concept et de la description de l’Adversaire (Kern, Baur, Holtzmann, Schmiedel). Ce portrait, disent ces critiques, « n’a pu être tracé qu’en se servant de l’Apocalypse de Jean, ou, tout au moins, des idées qui avaient cours, à ce moment-là, dans les communautés chrétiennes d’Asie Mineure. L’ « homme de péché » s’identifie à merveille avec la « Bête » du voyant de Patmos ; c’est le Nero redivi vus dont on craignait le retour ; le « Retenant » qui, pour un instant, l’empêche de reparaître est Galba, ou peut-être Vespasien et Titus. Mais bientôt l’obstacle sera renversé, et Néron, remontant sur le trône, reprendra son rôle de persécuteur, de messie de Satan. C’est alors que le Messie viendra le frapper et inaugurera, par cette victoire, les gloires et les joies du royaume messianique ». Toussaint, t. i, p. 144. Sur cette légende du Nero redivivus, cf. Székely, Bibliotheca apocrypha, Fribourg, 1913, t. i, p. 59-60 ; Rigaux, L’Antéchrist, Paris, 1932, p. 350353 ; Allô, L’Apocalypse, 3e éd., Paris, 1933, excursus xxxvii, p. 286-289.

Qu’il y ait des analogies et des points de contact entre l’eschatologie de saint Paul et celle de saint Jean dans l’Apocalypse, cela est hors de doute. Mais, outre l’hypothèse de la dépendance de Paul vis-à-vis de Jean, il en existe une autre que les critiques ne mettent pas assez d’empressement à envisager : c’est celle qui fait dépendre Jean et Paul d’une source biblique commune, voire évangélique et d’une même source orale. Nous sommes donc parfaitement autorisés à reconnaître Paul pour l’auteur de la seconde comme de la première épître aux Thessaloniciens.

Rapport des deux épîtres avec saint Matthieu.


Saint Paul serait-il donc dépendant de cette troisième eschatologie du Nouveau Testament qu’est le discours des fins dernières rapporté par saint Matthieu, xxivxxv ? « Il semble, écrit Plummer, que le discours escha tologique de saint Matthieu ait été familier à saint Paul, qu’il ait même été présent à son esprit quand il dictait ses deux épîtres. » Commentary on 2 Thessalonicians, 1918, p. 46. Récemment, le P. Orchard, O. S. B., a présenté la synthèse des similitudes qui existent entre les parties apocalyptiques des deux épîtres aux Thessaloniciens et les discours eschatologiques de Matth., xxiv-xxv, telle qu’elle résulte des travaux des exégètes anglais, surtout de Plummer, Lighlfoot et Kennedy (Saint Paul’s conception of the last things), cf. Thessalonicians and the synoptic Gospels, dans Biblica, 1938, p. 19-42. Nous avons déjà souligné et apprécié l’effort du P. Orchard dans une note des Recherches de science religieuse : Saint Paul et saint Matthieu, 1938, p. 473-479. Les rencontres verbales sont d’autant plus frappantes qu’elles portent sur des mots et des expressions plus rares : aâlmy’i, I Thess., iv, 16 et Matth., xxiv, 31 ; àroivTaaiç, I Thess., iv, 17 et Matth., xxv, 6 ; y.Xé7rn)ç év vux-cL I Thess., v, 2 et