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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/368

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THOMAS D’AQUIN : CARACTÈRES DE SON EXÉGÈSE


tenu primitif, II^-II", q. i, a. 9, ad 2um ; cf. A. Gardeil, Les procédés exégéliques de saint Thomas, dans Revue thomiste, 1903, p. 445-450.

2. Théologique d’inspiration, de méthode et de. finalité, l’exégèse de saint Thomas sera avant tout scripturaire, en ce sens que la première règle d’herméneutique qu’elle mettra en œuvre sera d’éclairer la Bible par la Bible, et donc d’éclairer le sens d’un texte par la citation des lieux parallèles. Le principe n’était pas nouveau ni propre à saint Thomas. Les rabbins cherchaient à déterminer la valeur incertaine d’un mot dans tel passage par le sens qu’il avait dans d’autres textes plus clairs, mais les médiévaux, doués d’une excellente mémoire, le mirent spontanément et constamment en pratique. Ils avaient appris à lire dans la Bible, ils en avaient une connaissance familière, vivante et religieuse. Ils en savaient par cœur de longs et nombreux passages, et leur vocabulaire comme leur style et leurs images sont comme naturellement empruntés à ceux des Livres saints qui se sont en quelque sorte incorporés à la substance de leur esprit. C’est dire que les exégètes, outre les concordances manuelles dont ils pouvaient disposer, avaient toujours présents â l’esprit des textes parallèles a celui qu’ils commentaient. Une maxime biblique éveillait donc automatiquement le souvenir des autres sentences exprimant les mêmes idées et surtout contenant les mêmes mots. De là des rapprochements artificiels et curieux ou lumineux et instructifs. Jésus ayant été conduit au matin de Caïphe au prétoire, le erat autem mane de Joa., xviii, 28, suggère à saint Thomas deux citations : Mich., ii, 1 : Væ qui cogitât is inutile, et operamini malum in cubilibus vestris. In luce matutina faciunt illud, quoniam contra Deum est manus eorum ; et Job, xxiv, 14 : Mane primo surgit homicida, interficit egenum et pauperem. In Joa., p. 466.

La méthode est excellente et proprement exégétique. Saint Thomas ne commente pour ainsi dire pas un verset sans signaler des rapprochements avec d’autres textes bibliques. Mais, alors que ses devanciers citaient souvent la Bible dans un sens purement accomodatice ou comme de purs ornements rhétoriques, ce qui leur attirera la critique de Bacon : Concordantiæ violentes sicut legistæ utuntur. reprise par Nicolas de Lyre, De commendatione Scripturæ sacræ in generali, P. L., t. cxiii, col. 30, saint Thomas se montre en général plus avisé dans le choix de ses citations, beaucoup plus réelles que verbales. Lorsque le Christ, par exemple, déclare qu’il n’accusera pas les hommes, son affirmation est corroborée par de nombreux passages bibliques qui lui refusent effectivement ce rôle, In Joa., c. v, lect. 7, ꝟ. 45, p. 174 ; le texte de Joa., xii, 7 s’éclaire parfaitement par Marc, xiv, 8 ; xvi, 1, ibid., p. 325.

Par ailleurs, saint Thomas se montre particulièrement jaloux de mettre au point les divergences apparentes soit entre plusieurs assertions du même écrit inspiré, cf. In Joa., c. ix, lect. 4, t. 39, p. 276 ; c. mit, lect. 3, ꝟ. 16, p. 360 ; c. xviii, lect. 4, ꝟ. 20, p. 163 ; soit entre des livres différents, <>r, le principe de solution est presque toujours le même : il sutlit de bien entendre la teneur des textes et de distinguer les notion’, et donc de les préciser. C’est ainsi que selon Joa., xi, 33, Jésus ; i été troublé par la mort de Lazare ; mais |s ; rïc, xi. ii, 1, déclare que ! < Messie ignorera le trouble, c’est qu’il s’agit ici d’une tristesse iinmoi et. qui n’est pas nus le contrôle de la raison, réclame des œuvre. Joa., vi, 29, et Paul cmt, i. le exclure, Rom., iv, Or, l’Apôtre parle des ûeuvri extérieures dont la foi d’ailleurs es1 le principe, p. 186 ; cf. ibid, , c. xvti, lect. i 455.

D’après l’i Phllippiens, Je as i t mort par

anec, alors que l’épttre au* fiphésien attribue

son sacrifice à la charité. Il n’y a pas contradiction, car l’obéissance du Christ était inspirée par son amour. Ad Rom., c. v, lect. 5, ꝟ. 29, p. 79 ; cf. In Joa., c. xvi, lect. 1, ꝟ. 4, p. 422. Ainsi le rapprochement des textes est une source de clarté et de sécurité pour l’exégèse et surtout il enrichit la doctrine.

3. Exégèse traditionnelle.

Le recours au seul texte de la Bible ne peut suffire à éclairer les passages obscurs. Par ailleurs, il est admis comme un postulat qu’il n’est pas loisible à chacun de déterminer à son gré le sens de l’Écriture. À cet égard, les interprétations des Pères offrent à l’exégète un secours indispensable. Théologique, l’exégèse de saint Thomas est donc traditionnelle. On sait, en effet, que, comme les Juifs croyaient à l’inspiration des commentaires rabbiniques, les médiévaux attribuaient aux Pères une autorité éminente au point de les classer, avec Hugues de Saint-Victor, parmi les auteurs canoniques. C’est que l’ensemble de l’exégèse patristique est une manifestation de l’Esprit de Dieu lui-même sur le sens de l’Écriture. Cassiodore avait écrit : « Ce que nous trouvons dans les meilleurs interprètes nous le tenons pour divin, ce qui s’éloigne de la doctrine des Pères ou la contredit nous pensons qu’il faut le rejeter. « De inst., P.L., t. lxx, col. 1138. La réalisation la plus parfaite de cette conception est la confection de recueils d’extraits patristiques tels que les Tabulée originalium, et surtout la Glose continue des quatre Évangiles ou Catena aurea par saint Thomas (éd. Vives, t. xvi), plus justement appelée par celui-ci : Expositio continua in Matlhœum, Marcum, Lucam, Joannem, commentaire uniquement composé à l’aide de textes des Pères et des docteurs de l’Église : Sollicite ex diversis doctorum libris prædicli (Maithœi) Evangelii exposilionem continuam compilavi.

Le commentaire de saint Jean, qui est l’un des plus traditionnels de saint Thomas, suit pas à pas les deux commentateurs par excellence de cet évangile, Jean Chrysostome et Augustin. Voici, sauf erreur de notre part, la liste des citations explicites que l’on y relève, et qui ne tient compte ni des références erronées ni des citations implicites assez nombreuses :

Cyprien, Léon le Grand, Anselme, Alcuin, Pierre Comestor, une fois chacun ; Bède, 6 fois ; Ambroise, 7 fois ; Jérôme, 12 fois ; la Glose linéaire et interlinéaire, 20 fois ; Hilaire, 28 fois ; Grégoire-le-Clrajid, surtout les Morales, 43 fois ; les Pères grecs sont peu utilisés : Athanasc, Théophylactc, Théodore de Mopsueste et Diilymc, une fois ; le Damascène, 2 fois ; Basile, 3 fois ; Denys l’Areopagite, 7 fois ; toutefois Origène est cité 76 fois, tantôt avec approbation : Origencs vero hanc eamdem clausuUun salis pulchre exponens (p. 18) ; Origenes salis ad hoc congruo exemplo utitiir (p. 34) ; mais le plus souvent il est sévèrement jugé : Origenes turpiler erravit (p. 17) ; hoc autem (Origenis) est htvrcticum et blasphemum (p. 20) ; nt delinwil Origenes (p. 21), ele. Mais Chrysostome est cité 199 fois, et Augustin 334 fois ; ilans’.)7 cas, saint Thomas rapporte l’une après l’autre leurs opinions respectives, et il en souligne parfois l’accord iii, I, p. 77 ; iv, 35, p. 131), mais le plus souvent le désaccord, quelquefois il ne prend pas parli (f, S, p. 19 ; iv, 1(5, p. 125), et il se contente de transcrire les textes ou la pensée tics deux docteurs : Liftera islu potest legi dupliclter. Uno modo seeundum Augustinum, alto modo weeundum Chrg$ottomum (vu, 37, p. l’H), niais souvent il choisil s., il cin ysnslome : Melius dicendum est, sccuiulurn Chrgsostomum ( , 20,

p. 330) ; Clvysostomns… <diter exponil et plantai (xi, 49, p. 348) ; soit plus fréquemment Augustin : Melius dicendum est secundum Augustinum (i, 33, p. CI) ; sid hoc (Chrysostomt ) non vtdetur probablle (v, 15, p, 152). En général,

Augustin fournit l’explication spirituelle, mais c’est l’in terprétat ion la pbu m tarait qui est la meilleure : Secundum

llil.iriiim et Chrgsostomum exponltur mugis ud lilleram,

qvutmotâ l’orum muletur (v, 22. p. 159) ; llna est (ratio) se eundum Vhrysoslomtun et litteralU (n, 6-8, p. 80) ; frima tio, qurn Chrysostoml est, magU est litteralU i. 31, p. 1B9) ; Secundum Augustinum… sed hoc non vtdetur mul~ tiim ud prOposltum perttnt ne… 1 1 ideo melius vtdetur dicendum