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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/404

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THOMASSIN. LES DOGMES : DIEU


étrangère aux choses divines, qui se fie à la raison seule », n. 2 ; Claudien Mamert attribue à Platon une connaissance de la Trinité, n. 4 ; Clément d’Alexandrie admire la philosophie platonicienne, pour avoir été l’éducatrice des païens et les avoir conduits au Christ comme la loi juive fit des Hébreux, n. 6 ; d’autres au contraire comme Jean Chrysostome montrent plutôt la faiblesse de la philosophie païenne, l’accusent d’avoir posé les principes des hérésies.

Les arts libéraux servent aussi de secours et d’ornement dans l’exposé de la théologie : les poètes, les orateurs, les philosophes, les historiens sont très utiles pour former les bonnes mœurs, c. xli, 1-2 ; Origène les considérait comme un chemin qui conduit à la vérité. Saint Augustin s’est repenti de les avoir cultivés avec trop de passion, mais il reconnaît en avoir beaucoup profité. C. xliii, 1-4. Le but de Thomassin est « de ne rien ignorer de ce qu’ont écrit de vrai les philosophies étrangères au christianisme et de les faire rentrer à ce titre dans la philosophie chrétienne ». Louis Lescoeur, La théodicée chrétienne, p. 311.

La théologie scolastique s’est attachée davantage à Aristote d’une part et aux Pères latins ensuite, plus spécialement à saint Augustin qui « est regardé avec raison comme le prince et le maître de ceux qui ont traité de la théologie par l’expérience et la raison… Il n’a pas seulement rassemblé les témoignages des Pères, il les a expliqués, leur a donné de la vigueur, a réuni toute leur doctrine comme dans un compendium ». C. xiv, 8. Thomassin connaît et cite parmi les philosophes païens, non seulement Platon, Anaximène, Thaïes, Épicure, les stoïciens, mais ceux qui sont contemporains de l’ère chrétienne, Philon, Plotin, Proelus, Jamblique. Il ne se borne pas à enregistrer leurs témoignages, ce qui serait contraire à toute philosophie, mais il analyse et discute des textes innombrables et souvent obscurs : cartésien décidé, mais restant fidèle au respect de la tradition, il comprend, à une époque où « le vrai seul est aimable », le grand rôle de la sensibilité et même du mysticisme dans l’ordre des conceptions philosophiques et, pour lui, « toute science de l’infini commence et se termine par un acte d’adoration ». Lescoeur, op. cit., p. 287.

De Deo Deique proprietalibus.

C’est dans ce

traité que Thomassin peut suivre plus complètement qu’ailleurs le programme qu’il s’est tracé de ne négliger aucune lumière d’où qu’elle vienne, il montre comment et à quel degré les fondateurs de la philosophie chrétienne ont accepté ou subi l’influence du platonisme, ce qu’ils en ont rejeté.

1. Le 1. I er traite de l’existence de Dieu. — Pénétré des klées d’un siècle qui croit à la matière moins qu’à l’esprit et ne donne aux sens qu’une autorité douteuse, il expose la preuve psychologique et métaphysique avant la preuve cosmologique. Il commence par citer un très grand nombre de textes des Pères et particulièrement d’Augustin qui prouvent que nous avons tous une connaissance naturelle de Dieu : cH enseignement, qui occupe une grande place chez saint Anselme et « liez le grand nombre des docteurs antérieurs au xine siècle, n’est pas dans l’etau. I homassin parait avoir voulu réparer cette omission et les huit premiers chapitres de son 1. I er parlent « de cette Connaissance de Dieu innée ou naturelle de tous les hommes. Qu’en onl pensé les philosophes païens ? Il cite Platon, Plotin, Maxime de Tyr, Simpllcius, Salluste et conclut avec eux : Tout amour du bien, quel qu’il soit, n’est pas tant un amour nouveau que le réchauffemeiil d’un amour très ancien pour le souverain bien, qui couvall sous la rendre ; ni une exhortation ou une provocation a aimer oe souverain bien,

mais comme un vestige et une étincelle, survivante si l’Incendie de ce souverain bien autrefois aimé. » L. I,

c. ii, 7. Les Pères de l’Église le concluent de l’idée de la félicité première : ainsi Boèce, Cassiodore, Grégoire le Grand, Augustin ; de ce que, à travers des diversités de détail, le genre humain a cru à l’existence d’un seul Dieu ; de ce que tous nous désirons le bonheur et cherchons la justice : « De même qu’il est certain que nous voulons être heureux ; de même, il est certain que nous voulons être sages, parce que nul ne peut être heureux sans la sagesse. » S. Augustin, De lib. arb., t. II, c. ix, cité, c. v, 2. — Il le conclut du jugement, par lequel nous discernons le juste de l’injuste ; de la loi naturelle inscrite dans tous les cœurs ; de la parenté de notre esprit avec Dieu : nous avons l’idée de l’infini, de l’immense, de l’étemel, du souverain parfait : c’est l’argument de saint Anselme. Les textes occupent les c. i à vin. La non existence de Dieu ne se comprend pas ; l’athéisme, dit saint Anselme, c’est l’inintelligible. C. xvi, 2. Et même, malgré les nuages qu’assemblent nos passions, tous les hommes possèdent à des degrés divers la vision de Dieu ; ils peuvent ne pas s’en rendre compte, mais la connaissance que nous avons de Dieu est plus certaine, plus profonde et plus réelle que celle que nous avons de nos proches, parce qu’elle est sans intermédiaire. Il pense, avec Augustin, qu’entre notre esprit par lequel nous comprenons le Père et la vérité, c’est-à-dire la lumière intérieure par laquelle nous le comprenons, aucune créature n’est interposée. L. III, c. vii, 1. L’âme peut toutefois refuser de rentrer en elle-même : « Vous étiez au dedans et moi dehors et c’est là que je vous cherchais… vous étiez avec moi et je n’étais pas avec vous. » Conf., t. X, c. xxvii, cité, t. I, c. xvii. Cependant, l’homme créé pour voir Dieu, y aspire constamment : « Vous nous avez fait pour vous et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne se repose pas en vous. » Conf., t. I, c. i, 1, cité, t. VI, c. vii, 4. Tout ce c. vu contient un grand nombre de citations sur ce sujet.

Comment expliquer cette connaissance naturelle de Dieu. Il y a beaucoup de moyens, et quatre sont cités : a) La réminiscence platonicienne obscurcie en nous par les fantômes des choses sensibles, mais jamais effacée : l’œuvre de la philosophie est de la réveiller par l’admiration et l’amour. — b) Les notions imprimées par Dieu en nous : « certaines idées qui sont inscrites dans les âmes naissantes et qui passent de la main de Dieu créateur dans le corps. » L. I, c. xx, 1. Aussi l’auteur n’admet-il pas l’adage : Nihil esse in intellectu quod non priva /ucril in sensu. Il faul, dit-il, « abandonner tout à fait et rejeter de l’esprit des théologiens catholiques ce préjugé… » L. I, c. xiv, I. En effet, ajoutc-t-il, « la connaissance de Dieu est dans l’esprit de tous avant aucune expérience des sens corporels. .. soit que cette connaissance reste chez les chrétiens un souvenir de notre étal primitif avant le péché, soit qu’elle provienne de l’impression produite en nos âmes par Dieu créateur, ou qu’elle soil en nous la manifestation même de Dieu. Quoi qu’il en soit, il est quelque chose dans l’intelligence qui n’est point passé par les sens ». Ibid. — c) La substance même de l’âme « qui, à sa façon, est essentiellement tout, qui en prenant conscience d’elle-même et en secouant les fibres dont elle est enveloppée, comprend toul l’Intel ligiblc. L. I, c. xx, I. d) Le rapport, l’union constante entre elle et l’absolu, car toujours l’absolu esi présent à l’âme. Ibid.

D’après cela, l’existence de Dieu n aurait pas besoin d’être démontrée. Thomassin donne cependant la preuve cosllloloiiique. !.. I, < -. i v. — il) Aussi bien, depuis le péché, l’âme prrcgriiiatur et sripsmn juqit ; par suite elle connaît Dieu au moyen du monde corporel plus que par elle-même ; mais, au premier regard qu’eue |etts sur cet univers si beau, elle corn* prend qu’il a été fait ai qu’il est administré par une sou-