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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/418

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THOMASSIN


créance d’un premier principe et d’une suprême loi de vérité et de justice, parce qu’elle est demeurée raisonnable, ni se dégager si bien de la servitude des sens, qu’elle s’attachât à ce souverain maître de l’univers, sans mélange d’aucune image corporelle. » T. ii, p. 152.

— L. V. Il traite de la religion des poètes : < Ni les superstitions du paganisme, ni les libertés qu’on pardonne à la poésie n’ont pu éteindre la lumière naturelle de la raison, ni effacer les traits que la main du créateur avait gravés dans les plus profonds replis de l’âme raisonnable. » T. nr, p. 2. — L. VI. Morale des poètes. S’ils ont quelquefois erré, « Dieu s’étant fait connaître à eux, il a bien pu leur faire connaître la nature des vertus véritables et parfaites ». T. iii, p. 344-345. Mais « Jésus-Christ est le seul qui ait apporté sur la terre la vérité entière et la doctrine parfaite des bonnes mœurs, aussi bien que la grâce nécessaire pour l’accomplir ». P. 790. Cet ouvrage fut aussitôt recommandé aux professeurs oratoriens par le P. de Sainte-Marthe. Circulaire du 30 juin 1680.

2° La méthode d’étudier et d’enseigner chrétiennement et solidement la philosophie par rapport à la religion chrétienne et aux Écritures, Paris, 1685, 1 vol. in-8°. — Fidèle à sa méthode de tout rapporter au bien de la religion, l’auteur fait dans un 1. I er l’histoire de la philosophie depuis Adam, dans toutes les contrées du monde où il y a eu des sages, comme les Chaldéens, les Perses, les Indiens, les Phéniciens, les Égyptiens, etc. Au t. II, il traite des connaissances naturelles que ces hommes ont eues de la divinité, de la nature, de l’âme humaine, des anges. Le t. III, étudie ce que les philosophes et principalement Platon ont pensé de la morale et de la religion naturelle. Il est persuadé qu’ils ont admis que Dieu est à la fois premier principe et dernière tin de notre être et de nos actions. La source des vertus est dans son Verbe, d’où elles pénètrent dans nos âmes ; la Sagesse éternelle qui a dicté l’Évangile avait déjà imprimé la loi naturelle dans les âmes raisonnables. Dans ce volume, le seul consacré par lui à la philosophie proprement dite, Thomassin témoigne d’une rare érudition qu’il met au service de l’éclectisme le plus large et le plus bienveillant.

Il dit fort bien : « Tant de philosophies p ; ir le monde sont comme autant de voiles jetés sur le visage de la philosophie ; mais une seule sagesse en résulte quand on approfondit les choses. P. 137. Avec une subtilité pieuse et charmante, il démêle, selon l’expression de Cloyseault, « ce que la superstition et l’erreur ont répandu dans leurs ouvrages, d’avec les sentiments naturels de religion et les grandes vérités que leur avaient découvertes la lumière éternelle, la tradition de tous le 1 - peuples, la communication des Écritures ou la conversation des Hébreux ». Op. cit., t. iii, p. 169.

C’est dans ces méthodes surtout que l’extravagant P. Hardouin trouve de quoi déclarer le P. Thomassin un franc athée et le mettre dans ses Athci detecti. Il fait pour cela des extraits de ses ouvrages qui tiennent près de trente pages. Encore prétend-il lui faire grâce. Car, s’il avait voulu donner toutes les preuves de l’athéisme le plus complet qu’ils lui fournissaient, il aurait fallu copier mot pour mot, dit-il, les trois volumes de ses dogmes. Voir Ingold, Essai de bibliographie oratorienne.

3° La méthode d’étudier et d’enseigner chrétiennement et utilement la grammaire ou les langues par rapport à l’Écriture Sainte en les réduisant toutes à l’hébreu, l’.iris, 1690, 2 vol. in-8°. Montrer un rapport entre toutes l<s langues et l’Écriture était déjà très difficile et très risqué, mais vouloir les faire dépendre de l’hébreu, parce que l’hébreu était la langue d’Adam, nous paraît aujourd’hui une gageure que Thomassin cou (lima jusqu’au bout dans son Glossaire universel. Il commence ici par ramener à l’hébreu le gaulois, le

celtique, l’allemand, le latin, le grec. L. I-II. Dans le t. III, il prétend que les colonies des enfants de Noé, des Babyloniens et des Assyriens, des Phéniciens et par conséquent des Hébreux, qui ont peuplé toute la terre, ont répandu partout la langue hébraïque.

4° La méthode d’étudier et d’enseigner chrétiennement et solidement les historiens profanes par rapport à la religion chrétienne et aux Écritures, Paris, 1693, 2 vol. in-8°. — Il était peut-être plus facile de ramener toutes les parties de ce sujet à la religion et de montrer que l’histoire antérieure à Notre-Seigneur prépare son avènement ; les événements modernes sont l’accomplissement de sa mission. Thomassin commence par faire un abrégé de l’histoire du genre humain, des grands États ayant existé jusqu’à Jésus-Christ qui en est la fin. Ensuite, il note quels ont été les sentiments des anciens historiens à l’égard de la religion, de la morale, de la politique. Il ajoute à leurs réflexions celles des saints Pères sur les grands États de l’antiquité, sur les monarchies qui les gouvernaient, rapportant tout à faire connaître et estimer la religion, à faire préférer sa connaissance à toute autre. Pour lui, « la monarchie est le plus parfait des gouvernements et les peuples, par l’ordre de la loi divine, sont obligés d’obéir à leurs rois comme aux plus vives images de Dieu, qui est le seul et le suprême monarque de tous les êtres ». T. ii, p. 2.

Quand ces deux volumes parurent, Thomassin était réduit à l’impuissance, l’avertissement et la préface qui répond à quelques objections, ne sont pas de lui. Le dernier ouvrage auquel il ait travaillé et qui contribua fort à l’épuiser est : Glossarium universale hebraicum, quo ad hebraicæ linguæ fontes linguie et dialectici pêne omnes revocantur, Paris, 1697, in-fol., imprimé par le P. Bordes et M. Barat. Dans la Méthode d’étudier les langues, il s’était efforcé de prouver que toutes les langues du monde viennent de l’hébreu et avait donné quelques exemples : « Toujours plein de son idée, écrit Batterel, il entreprit de donner ce dictionnaire hébreu, dont tous les mots qu’il rapporte sont, selon lui, autant de racines d’un grand nombre d’autres des diverses langues mortes ou vivantes de l’univers. C’est au lecteur à juger si la dérivation lui en paraît communément aussi naturelle qu’elle semble l’être à l’auteur. Ma’s. quoi qu’on en pense, on ne peut s’empêcher de voir que c’est un travail d’une recherche et d’une patience Infinie. » Op. cit., p. 509.

V. Conclusion.

Elle se dégage tout naturellement de sa vie et de ses ouvrages : « On trouvait en lui tout à la fois la simplicité d’un enfant jointe à la plus profonde érudition. L’innocence de sa vie et la candeur de son caractère ne lui laissaient voir que le bien dans tout ce qu’il regardait, dans les livres, dans les auteurs, dans les communautés, dans les ordres. Pénétré de la religion, qu’il aimait souverainement, il la trouvait et la faisait trouver partout. Les pensées les plus chrétiennes naissaient naturellement dans ses entretiens, ainsi que sous sa plume* Ce qu’il y a même de plus profane dans les auteurs prenait un sens édifiant en passant par sa bouche ou par ses mains. » Batterel, op. cil., p. 511. Le P. Lescreur salue en lui « un des esprits les plus larges et les plus philosophiques, en même temps les plus érudits que le xvii° siècle ait produits… <l, dans un simple religieux, le plus humble, le plus fervent des chrétiens, la raison la plus haute, la plus vaste, la plus libre et à coup sûr la plus conciliante dont l’histoire de la philosophie du XVTT 1 siècle puisse faire mention ». Op. ni.. Intr., p. 13, 28.

Cet esprit de modération lui avait procuré d très amis : des savants comme MM. du I lamel et du

Cange ; des évêques comme de Péréfixe, de Marca, de Harlay, du Bousquet, Godeau ; des magistrats comme le rallier, Le Pelletier, « le LamOlgnon, Jérôme Bt »