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THOMASSIN

THOMISME

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gnon. Son érudition était considérable, tout le monde en convient ; il est rare, même aujourd’hui, de le trouver en défaut, tant il a lu et bien lu ; son désir constant de concilier les opinions extrêmes a pu le porter, inconsciemment certes, à forcer ou à atténuer le sens de certains textes, mais c’est très rare et de peu d’importance.

Quelques appréciations de ses Méthodes sont démodées et nous étonnent aujourd’hui. Aulieu de l’en blâmer, ne vaut-il pas mieux louer le courage avec lequel, à la demande des supérieurs, il relut ses auteurs, ayant brûlé ses notes, et fit preuve d’une très grande connaissance des écrivains païens. On admire en Bossuet ce que Désiré Nisard a appelé l’union des deux antiquités ; sous une autre forme elle existe dans Thomassin, « honneur éternel de l’Oratoire, de l’érudition française et de l’Église ». H. Bremond, ibid., p. 374. Quelques-uns accusent son style d’être diffus ; il est visible, à le lire, qu’il n’y met aucune prétention ; il dit bonnement, clairement sa pensée, c’est bien quelque chose et, sans passionner à proprement dire, il intéresse toujours.

C’est le sort habituel des érudits de frayer la voie, de préparer les matériaux dont les autres se serviront pour élever l’édifice. Les savants d’aujourd’hui profitent de l’œuvre de Thomassin, même sans l’avoir lue ; il leur serait utile de la lire pour augmenter leurs connaissances ; les orateurs trouveraient dans ses Dogmata de quoi rafraîchir les preuves de l’existence de Dieu, etc. Tout le monde gagnerait à le lire ; son grand honneur est d’avoir su tout ramener à la religion : « Des gens de cette sorte devraient être immortels », écrivait l’évêque d’Angers au P. Bordes. Voir Batterel, op. cit., p. 514.

Baille t, Jugements des savants, éd. de 1722, t. iv, p. 25, 103 et passim ; Basnage, Ouvrages des savants, juin 1696, p. 422460 ; Batterel, Mémoires domestiques pour servir à l’histoire de l’Oratoire, t. iii, p. 477-515 ; Bayle, République des lettres, avril 1684, p. 210 ; mars 1686, p. 352 ; Bordes, Éloge de feu Thomassin, à la tête du Traité du négoce et de l’usure, 1697 ; vie latine au commencement du Glossarium universale hebraicum, 1697 ; Bougerel, Vie du Père Louis Thomassin, en tête de l’édition 1725 del’Ancienne et nouvelle discipline ; H. Bremond, Le P. Louis Thomassin et la prière pure, dans Métaphysique des saints, t. vii, p. 374-415 ; Brettes, Manuscrits inédits de Thomassin, Paris, 1872, in-8° ; Cloyseault, Le P. Louis Thomassin, Vies de quelques Pères, éd. Ingold, 1883, t. iii, p. 163-179 ; Ellies du Pin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, t. xxxiii, p. 90-116 ; Gratry, Connaissance de Dieu, t. ii, p. 2-45 ; Héricourt, Éloge de Thomassin, dans un Abrégé de la discipline ecclésiastique donné en 1717 ; Houssaye, Le P. de Bérulle, 1. 1, p. 50 ; t. lit, p. 371 ; Ingold, Essai de bibliographie oralorienne ; Lebrun, P. O., Éloge, dans le Journal des savants, mars 1696, p. 89, 100 ; Lepin, Idée du sacrifice dans la religion chrétienne, p. 87-128 ; P. Lescœur, P. O., La théodicée chrétienne d’après les Pères de l’Église ou Essai philosophique sur le traité De Deo du P. Thomassin, Paris, 1852, in-8° ; Mabillon, Études monastiques, in-4°, p. 181, 187, 196, 215, 359 ; J. Martin, Thomassin, coll. Les grands théologiens, Paris, 1911, in-12 ; lemême, Pelau, même coll., 1910 ; Moreri, Dictionnaire ; Nicéron, Mémoires, t. iii, p. 163, reproduit l’art, de Bougerel ; Ad. Perraud, L’Oratoire de France au XV II’et au XI Xe siècle, p. 315 ; Perrault, Hommes illustres, t. i, p. 15 ; Buinart, Prsefatio in novam editionem S. Gregorii Turon., art. 107 ; B.Simon, Critique de la bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1729, t. ii, p. 365-375 ; Tournely, Traité de la grâce ; H. van Camp, La « philosophie chrétienne » de Louis Thomassin de l’Oratoire dans la Revue néo-scolastique de philosophie, mai 1937.

A. MOLIEN.

THOMISME. — Cet article a pour but de présenter un exposé de la synthèse thomiste ramenée aux principes communément reçus chez les plus grands commentateurs de saint Thomas et souvent formulés par lui. Nous n’entreprenons pas de montrer historiquement que tous les points de doctrine dont il sera question se trouvent explicitement dans les œuvres mêmes du saint Docteur ; mais nous indiquerons les principales références à ses œuvres, et nous mettrons surtout en relief la certitude et l’universalité des principes de la doctrine thomiste, sa structure et sa cohérence.

Pour se faire une juste idée de l’école thomiste, il convient de lire dans ce dictionnaire les articles Frères Prêcheurs, Capréolus, Silvestre de Ferrare, Cajétan, Vittoria, Banez, Jean de Saint Thomas, Salamanque (Théologiens de), Gonet, Gotti, Billuart. En ces articles on a noté les particularités de l’œuvre de chacun de ces commentateurs ; nous exposerons ici ce en quoi ils s’accordent généralement.

Nous dirons d’abord quels sont les principaux ouvrages où cette synthèse thomiste est exposée, quels sont les commentateurs les plus fidèles et les plus pénétrants ; une brève introduction philosophique rappellera la synthèse métaphysique que suppose la théologie thomiste. Nous exposerons ensuite ce qu’il y a d’essentiel et de capital en cette doctrine par rapport aux traités De Deo uno et trino, De Verbo incarnate, De gratia, et nous indiquerons brièvement ce qu’il y a de plus saillant dans les autres parties de la théologie, en renvoyant à divers articles de ce Dictionnaire.


I. Sources de la synthèse thomiste (col. 824).
II. Métaphysique (col. 831).
III. Nature de la théologie (col. 847).
IV. Le traité De Deo uno (col. 853).
V. La sainte Trinité (col. 889).
VI. Les anges (col. 902).
VII. L’homme (col. 908).
VIII. L’incarnation rédemptrice (col. 921).
IX. Mariologie (col. 939).
X. Les moyens de salut et les fins dernières (col. 946).
XI. La fin dernière et la béatitude (col. 960).
XII. Les actes humains (col. 963).
XIII. Les vertus et leurs contraires (col. 966).
XIV. La grâce (col. 972).
XV. Les vertus théologales (col. 992).
XVI. Les vertus morales ; la perfection (col. 1001).
XVII. Conclusion (col. 1010).

I. Sources de la synthèse thomiste. —

1° Œuvres de saint Thomas. —

La synthèse thomiste s’est préparée peu à peu par les commentaires de saint Thomas sur l’Écriture, sur Aristote, sur le Maître des Sentences, par la Somme contre les Gentils, les Questions disputées, et elle est arrivée à sa forme définitive dans la Somme théologique.

1. Commentaires de l’Écriture. —

La principale source de la doctrine théologique de saint Thomas est évidemment la Bévélation divine, l’Ancien et le Nouveau Testament. Ses Commentaires sur l’Écriture sainte comprennent ceux sur le livre de Job, les 51 premiers psaumes, le Cantique des cantiques, Isaïe, Jérémie, les Lamentations. Parmi les livres du Nouveau Testament il a expliqué les quatre Évangiles, les Épîtres de saint Paul, et a laissé une glose continue sur les quatre Évangiles, composée avec des extraits des Pères et connue sous le nom de Catena aurea.

Dans ces différents ouvrages les Pères qu’il cite le plus souvent sont saint Jean Chrysostome, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, saint Léon le Grand, saint Grégoire le Grand, saint Basile, saint Jean Damascène, saint Anselme, saint Bernard.

2. Écrits philosophiques. —

Ils comprennent tout d’abord les Commentaires sur Aristote : l’Interprétation (perihermenias, sur le jugement), les Seconds analytiques (où il étudie longuement la méthode pour la recherche des définitions et la nature de la démonstration, sa valeur), la Physique ou philosophie naturelle, le Ciel et le monde, la Génération et la corruption, l’Ame, la Métaphysique, la Morale à Nicomaque, la Politique (les quatre premiers livres).

Ce que saint Thomas cherche chez Aristote ce ne