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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/420

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THOMISME. SOURCES : ŒUVRES DE SAINT THOMAS


sont pas tant les dernières et les plus élevées des conclusions de la philosophie sur Dieu et sur l’âme, que les éléments de la philosophie, comme on demande à Euclide ceux de la géométrie ; mais il y trouve ces éléments approfondis et proposés souvent de la façon la plus exacte, au-dessus des déviations contraires de Parménide et d’Heraclite, de l’idéalisme pythagoricien et du matérialisme des atomistes, du platonisme et de la sophistique. Saint Thomas trouve dans le réalisme modéré d’Aristote ce que l’on a justement appelé « la métaphysique naturelle de l’intelligence humaine » qui part de l’expérience sensible pour s’élever progressivement jusqu’à Dieu, Acte pur, Pensée de la Pensée.

Dans ses commentaires sur les livres du Stagirite, le saint Docteur écarte les interprétations averroïstes contraires aux dogmes révélés de la Providence, de la création libre ex nihilo et non abœterno, de l’immortalité personnelle de l’âme humaine. En ce sens il baptise en quelque sorte la doctrine d’Aristote, en montrant comment ses principes peuvent et doivent être entendus pour se concilier avec la Révélation. Ainsi s’élabore progressivement la philosophie chrétienne en ce qu’elle a de plus ferme.

En ces commentaires, saint Thomas prend position contre certaines thèses des augustiniens ses prédécesseurs, qui lui paraissent inconciliables avec ce qu’il y a de certain dans les principes d’Aristote. L’âme humaine y est conçue comme l’unique forme substantielle du corps humain, l’unité naturelle du composé humain est nettement affirmée ; l’intelligence humaine y apparaît comme la dernière des intelligences à laquelle correspond comme objet propre le dernier des intelligibles : l’être intelligible des choses sensibles. C’est donc dans le miroir des choses sensibles qu’elle connaîtra Dieu et, par analogie avec ces choses, qu’elle connaîtra sa propre essence et ses facultés, pour les définir et déduire leurs propriétés.

Saint Thomas connaît Platon par certains de ses dialogues qu’il a utilisés : le Timée, le Ménon, le Phédon. Il le connaît aussi par Aristote et par saint Augustin, qui lui transmet le meilleur de la doctrine platonicienne sur Dieu et sur l’âme humaine. Le néoplatonisme arrive jusqu’à lui par le Livre des causes, attribué à Proclus, et par les écrits du pseudo-Denys, qu’il a aussi commentés.

Parmi les traités spéciaux de philosophie qu’il a écrits, il faut citer : le De unitate intellectus contre les averroïstes, le De subslantiis separatis, le De ente et essentiel, le De regimine principum.

3. Ouvrages théologiques.

Les principaux sont le Commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard, ceux sur les Noms divins de Denys, sur la Trinité et les Semaines de Boèce, le Contra Gentes, les Questions disputées, les Quodlibets et surtout la Somme théologique.

a) Par le Commentaire sur les Sentences, saint Thomas se rend exactement compte des lacunes, des imperfections du travail théologique antérieur, et peu a peu sn pensée personnelle se précise et s’affermit. Pierre Lombard divisait les matières dont l’aile la théologie, non pas par rapport à son objet pris en soi, mais par rapport a deux actes de notre volonté : frui el uli : 1° Dr hit gui bus frurndum est : scil. de Trinitate, dr bei scientia, potrnlia, voluntate ; 2° De his qiiibus nlrndtim est. sril. de creaturis : de angtltt, dr hominr, dr gratta, dr prreato ; 3° De his quibus siniul friirndum ri ntrndum rst, scil. de Christo, dr sacramrnlis, dr nOPiittltlit. Saint Thomas voit la nécessité d’une division plus objective, prise de l’objet de la théologie considéré eu lui-même : 1° de Dieu, des lent de lui ; 2° du mouvement de la ire raisonnable vers Dieu ; 3° du Sauveur qui

est, comme homme, la voie pour tendre vers Dieu. En commentant les Sentences, où les questions morales ne sont traitées qu’accidentellement à l’occasion de certaines questions dogmatiques, saint Thomas voit la nécessité de traiter spécialement de la béatitude, des actes humains, des passions, des vertus en général et en particulier, des divers états de vie. En même temps, il prend de plus en plus conscience de la valeur des principes de sa synthèse sur Dieu, sur le Christ et sur l’homme.

b) Le Contra Génies est comme une apologie de la foi chrétienne, pour la défendre contre les erreurs les plus répandues à l’époque, celles surtout qui venaient des Arabes. Il y examine d’abord dans les trois premiers livres les vérités naturellement démontrables qui sont les préambules de la foi, puis, au livre IV, il traite des vérités surnaturelles, surtout du mystère de la Trinité, de l’incarnation, des sacrements, de la vie du ciel. — En chaque chapitre de cet ouvrage saint Thomas propose un assez grand nombre d’arguments, simplement reliés par les adverbes adhuc, amplius, item, prælerea ; on les dirait simplement juxtaposés ; on peut cependant y discerner un ordre et distinguer des arguments directs, d’autres indirects par réduction ad absurdum aut ad inconvenientia. Nous sommes encore loin de la simplicité de ligne de la Somme théologique, où il n’y aura souvent dans le corps de l’article que l’argument formel ex propria ratione, approfondi et défendu ; s’il s’y trouve plusieurs arguments, leur ordre apparaîtra clairement et la raison pour laquelle chacun d’eux est invoqué, par exemple selon telle ou telle des quatre causes.

c) Dans les Questions disputées, saint Thomas examine les problèmes les plus difficiles, en donnant au début de chaque article jusqu’à dix ou douze arguments pour l’affirmative, autant pour la négative, avant de déterminer la vérité. Au milieu de cette complexité d’arguments pour et contre, le saint Docteur s’élève progressivement vers la simplicité supérieure qui se trouvera dans la Somme théologique, simplicité qui est riche d’une multiplicité virtuelle et doni la valeur et l’élévation passent inaperçues pour ceux qui n’y voient que les assertions principales du sens commun et du sens chrétien, parce qu’ils n’y sont pas parvenus par la lecture patiente des Questions disputées. La recherche qui s’exprime en celles-ci est une lente ascension, souvent fort difficile, mais nécessaire pour arriver au sommet, d’où l’on peut voir d’un seul regard la solution de ces problèmes.

Dans ces questions disputées, il faut lire surtout le De verilate, le De potentia, le De malo, le De spirilualibus creaturis. Les Quodlibets sont des recherches du même genre sur les questions les plus difficiles agitées à l’époque.

d) La Somme théologique présente enfin la synthèse supérieure telle qu’elle s’est définitivement formée dans l’esprit de saint Thomas. Comme il le dit dans le prologue, il l’a composée pour les commençants, ml eruditionrm incipienlium. en traitant les questions selon l’ordre logique, secundum ordinrm disciplina, en évitant les répétitions, les longueurs, la multiplicité des questions inutiles, et celle des arguments accès soircs, accident ellement proposés à l’occasion d’une discussion.

De ce point de vue il détermine le sujet ou l’objet

propre de la théologie : Dieu révélé, inaccessible aux forces naturelles de la raison (I", q, t. a. 8) et par rapport à cet objet pris en soi, il divise toute la théologie

en trois parties : 1° De Dieu un et trinc, de Dieu leur ; 2° Du mouvement de la créature raisonnable

I)ieu : 3° Du (dirist, qui, comme homme, est la Voie pour tendre vers Dieu (I*, q. ii, prol.i.

I n cet ouvrage saint Thomas domine « h p]m en