Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/514

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

JU13

    1. THOMISME##


THOMISME. CONCLUSION

1014

tant à la fin de sa vie s’est rapprochée, ainsi que M. Maurice Blondel, de la philosophie traditionnelle, par les exigences supérieures d’une vie intellectuelle et spirituelle vouée à la recherche de l’Absolu.

Enfin il y a aujourd’hui divers essais de métaphysique allemande : ceux de Max Schcler, volontariste, de Driesch, qui revient à Aristote pour la philosophie de la nature, de N. Hartmann de Heidclberg, qui défend les droits de l’ontologie, du réalisme, en revenant à l’ontologie aristotélicienne, mais interprétée dans un sens platonicien. En réalité les mêmes grands problèmes subsistent toujours : celui de la constitution intime des corps, de la vie, de la sensation, de la connaissance intellectuelle, de la liberté, du fondement de la morale, de la distinction de Dieu et du monde. Par suite, les anciennes oppositions du mécanisme et du dynamisme, de l’empirisme et de l’intellectualisme, du monisme et du théisme reparaissent toujours sous des formes variées. Il importe de se faire sur elles un jugement sûr.

1. Le principe générateur de la philosophie aristotélicienne et thomiste. — En la comparant aux diverses tendances que nous venons de rappeler, nous voudrions montrer ici que la philosophie thomiste se présente comme le résultat d’un examen approfondi de la philosophia perennis, où l’on retrouve, sur le monde et l’homme, le meilleur de la pensée d’Aristote, et sur Dieu le meilleur aussi de la pensée de Platon et de saint Augustin. Cette philosophie apparaît ainsi, selon la remarque de H. Bergson dans l’Évolution créatrice, comme « la métaphysique naturelle de l’intelligence humaine » ou le prolongement de la raison naturelle.

Par sa nature et sa méthode, cette philosophie est ouverte aussi à tout ce que nous apprend le progrès des sciences. Cela tient à ce que cette conception traditionnelle n’est pas une pure et hâtive construction a priori faite par une intelligence géniale et prestigieuse, comme l’hégélianisme, mais à ce qu’elle a une très large hase induclive, qui se renouvelle constamment par L’examen plus attentif des faits. On le voit particulièrement par l’œuvre d’Albert le Grand, le maître de saint Thomas.

Elle est pourtant aussi une métaphysique, une philosophie de l’être, une ontologie, qui a scruté pendant des siè< les lus rapports de l’être intelligible avec les phénomènes sensibles, les rapports aussi de l’être et du devenir, et qui a cherché à rendre le devenir intelligible en fonction de l’être (primum cognitum), en montrant la nature propre du devenir, passage de la puissance à l’acte, en montrant aussi sa cause efficiente et sa finalité. Par ces deux caractéristiques, l’une positive, l’autre spéculative ci réaliste, le thomisme s’oppose profondément au kantisme et aux conceptions qui dérivent de lui.

Pour la même raison, parce que la philosophie arislolclii demie et thomiste a une très large hase induclive, parce qu’elle reste en contact avec les faits et parce qu’elle est en même temps une métaphysique de l’être, du devenir et de ses < anses, cette philosophie m’epte tout ce qu’il y a de vraiment positif dans les autres conceptions opposées entre elles. Elle a une très grande puissance d’absorption et d’assimilation. C’est un des critères qui permettent de Juger de sa valeur et non seulement de sa valeur abstraite, mais de sa valeur de vie.

h i nous rencontrons une réflexion profonde de Leibniz, réflexion (pli a ses racines éluI. Aristote et i ti i taint Thomas, et dont Leibniz aurait pu tirer des qu’il a seulement entrevues. En réfléchissant a ce que doit être la philosophia perenniê, il a remarqué, mais < j - façon trop éclectique) que lis sys . philosophiques son ; généralement vrais in ce qu’ils affirment et faux en ce qu’ils nient. Il s’agit ici

d’affirmations véritables, qui ne sont pas des négations déguisées, et il s’agit d’affirmations qui constituent la partie la plus positive de chaque système, à côté des négations qui le limitent.

Cette remarque de Leibniz paraît très juste, elle est même assez évidente pour tous. Le matérialisme en effet est vrai en ce qu’il affirme l’existence de la matière ; il est faux en ce qu’il nie l’esprit, et inversement pour le spiritualisme idéaliste ou immatérialiste, comme celui de Berkeley. De même, et Leibniz ne l’a pas assez compris, le déterminisme psychologique est vrai en ce qu’il affirme la direction intellectuelle de la volonté dans le choix volontaire, mais aux yeux de beaucoup il est faux en ce qu’il nie la liberté proprement dite ; inversement pour le « libertisme » qui rêve d’une liberté d’équilibre sans direction intellectuelle.

Cette remarque générale sur les systèmes philoso phiques, qui fut faite du point de vue éclectique, peut être reprise par un aristotélicien thomiste d’un point de vue supérieur à celui de l’éclectisme. Elle se fonde sur ceci qu’il y a plus dans le réel que dans tous les systèmes. Chacun d’eux affirme en effet un aspect du réel, en niant souvent un autre aspect. Cette négation provoque presque toujours une antithèse, comme l’a dit Hegel, avant que l’esprit n’arrive à une synthèse supérieure.

Nous estimons donc que la pensée aristotélicienne et thomiste, n’étant pas seulement une géniale mais hâtive construction a priori, reste toujours très attentive aux divers aspects du réel, en s’efforçant de n’en nier aucun, de ne pas limiter indûment la réalité, qui s’impose à notre expérience externe et interne toujours perfectible, et à notre intelligence à la fois intuitive à sa manière et discursive. La pensée aristotélicienne et thomiste reste ainsi d’accord avec la raison naturelle, mais elle domine de beaucoup le sens commun, en montrant la subordination nécessaire des divers aspects du réel, selon la nature des choses. Le thomisme s’élève ainsi très au dessus de la philosophie des Écossais, qui se réduisait au sens commun. Il y a une immense différence entre Thomas Reid et Thomas d’Aquin.

Cette philosophie traditionnelle diffère aussi de l’éclectisme, parce qu’elle ne se contente pas de choisir dans les différents systèmes, sans principe directeur, ce qui paraît être le plus plausible ; mais elle éclaire tous les grands problèmes à la lumière d’un principe supérieur, dérivé du principe de contradiction ou d’identité et du principe de causalité, à la lumière de la distinction entre puissance et acte, distinction qui rend le devenir intelligible en fonction de L’être, premier intelligible ; distinction qui, selon Aus’oic et saint Thomas, est nécessaire pour concilier le prhn ipe d’identité, affirmé par Parménide : i l’être est, le nonêtre n’est pas », et le devenir affirmé par Heraclite.

Le devenir est ainsi conçu comme le passage de la puissance à l’acte, de l’être encore indéterminé, comme le germe de la plante, à l’être déterminé ou actualisé. Le devenir ainsi défini ne peut se produire sans L’|nflu£nce d’un agent, qui détermine un sujet en vertu de sa propre détermination actuelle ; il n’y a pas en effet d’engendré sans engendrant ; et ce même deve nir ne se produirait pas en telle direction et tel sens déterminés plutôt qu’en tel autre, s’il ne tendait pas vei s une lin. vers un bien, vers uni-perfection à réaliser ou a obtenir.

Le devenir, ce que Descartes n’a pas compris, est ainsi défini ou rendu intelligible en fonction de l’être

par la distinction de puissance et d’acte : le dev< nir de l’engendré est essentiellement ordonne ji L’être de

celui ci, ensuite son progrès tend a la perfection de l’âge adulte, ele. Nous sommes loin de la ronieplion (artésienne du mouvement. réduit au mouvement