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TÉMOINS (DEVOIRS DES) — TEMPÉRANCE

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geables redoutables pour le témoin ou d’autres personnes. D’ailleurs, le juge demandant toute la vérité n’entend pas par là toute la vérité d’une façon absolue, mais toute la vérité judiciaire, donc la vérité envisagée sous un angle déterminé. Son intention est d’éclairer cet angle et par suite son interrogatoire revêt un sens particulier et a une portée toute spéciale. En conséquence l’obligation du témoin est limitée elle-même par le sens de l’interrogatoire ; et il doit en être de même du serment, car le serment, ici chose accessoire, suit nécessairement le principal, ici le témoignage. Bref, il peut être légitime en des circonstances particulières de donner un sens restreint à cette formule : toute la vérité ; oui, toute la vérité, mais telle que la cause le demande et que le juge l’entend et doit l’entendre. Il ne sera pas toujours facile, même pour des personnes honnêtes et instruites en autres matières, de se rendre compte du sens précis et de la portée des questions prévues, partant de l’excuse qu’on peut avoir de ne pas dire toute la vérité. « Il sera donc très louable, écrit le P. Salsmans (Droit et morale, n. 402), peut-être même obligatoire, de consulter un homme de loi consciencieux et un prêtre instruit, de peur de manquer au serment. » — Établissons quelques règles qui marqueront les limites de la formule d’apparence si rigoureuse : toute la vérité.

Et d’abord, le témoin n’est tenu que de répondre aux questions posées en fait par le juge. Ce qui évidemment veut dire qu’il n’a pas le devoir de répondre aux questions captieuses de l’avocat adverse, à moins qu’elles ne lui soient transmises par le juge. Mais cela signifie surtout qu’il n’y a pour lui aucune obligation de prévenir les questions, de les faciliter, de les solliciter, de les dépasser, quand il se rend compte que l’omission ou l’oubli ou la maladresse du juge va singulièrement favoriser telle partie, en laissant échapper un point important de la cause. Certes, le témoin a le droit de le faire dans l’intérêt de la société ou d’un particulier, mais il peut aussi ne pas le faire pour ne pas nuire au défendeur ou à l’accusé.

Ensuite I-sens de l’interrogatoire est de faire déclarer au témoin ce qu il siil |>ar science directe et certaine, comme témoin oculaire ou auriculaire. Tant qu’il n’es’pas expressément interrogé sur ce qu’il sait par d’autres OU la rumeur publique, il lui est loisible de répondre qu’il ne sait plus rien sur l’affaire. Mais alors qu’il réponde avec prudence et discrétion au sujet de cette connaissance indirecte ou intermédiaire ; prudence qui lui permettra de ne faire aucun état des choses qu’il aurait apprises de personnes peu sûres. I.c même principe guidera le témoin dans le cas où il serail interrogé sur sa conviction : « le croyez-vous coupable ? » ; sans mentir il peut se dérober et rendre ainsi service a un ami, même coupable, que le tribunal ne peut juger légitimement que d’après des faits prouvés.

Enfin le témoin peut se-trouver en face d’un conflit de devoirs d’où il sortira légitimement en donnant la prédominance au devoir de la discrétion ; à la question du juge il répondra : i Je n’ai rien à répondre, je ne sais pas. ou recourrai selon son habileté) à d’autres locutions conventionnelles pouvant couvrir la vérité qu’un devoir supérieur lui commande de garder secrète. Donnons quelques exemples. Parfois c’est un |uge Incompétent qui a Tait comparaître un témoin, par exemple’n opposition avec les règles du for ecclésiastique ; le

témoin qui a dû se rendre a i.i citation a certainement

l<- droit de ne pas charger l’accuse et de ne pas dire toute la vérité telle qu’il la connaît. Il en serail de même, OU mieux il serait plus facile de refuser réponse,

a" le juge posait des questions que la loi lui Interdit de poser ; d’ailleurs, en pareil cas, l’avocat Interviendrait Immédiatement. De son côté, la charité prime sur

l’obligation de dire toute la vérité, quand le témoin s’aperçoit que sa déclaration va nuire à un accusé certainement innocent ou à un défendeur qui indubitablement a le bon droit pour lui ; il s’abstiendra donc de donner tel détail imprudent et il se contentera d’une réponse évasive ou même, s’il ne peut faire autrement, d’une nette dénégation. La solution est la même, si la justice lui défend d’apporter au tribunal des connaissances qu’il n’a pu acquérir qu’au moyen d’indiscrétions injustes en interceptant par exemple la correspondance de celui à qui la déclaration va faire un tort considérable ; il est en effet défendu d’employer des moyens injustes même sous prétexte de faire acte d’obéissance. La charité pour soi-même sera aussi une excuse légitime au silence et à une formelle dénégation à la question du juge, quand une réponse tout à fait exacte devrait entraîner pour le témoin lui-même de graves inconvénients, comme par exemple son arrestation immédiate ou son déshonneur. Enfin et surtout c’est le respect du secret commis qui empêche obligatoirement un témoin de dire toute la vérité. À toute question touchant ce secret, particulièrement le secret professionnel dont on n’est pas délié, et évidemment le sceau sacramentel, le témoin doit avoir une réponse toute prête : « je ne sais pas » ; il serait même imprudent, spécialement pour un confesseur, de laisser deviner que c’est à cause du secret qu’il lui est interdit de répondre. La loi d’ailleurs admet cette excuse, et généralement, dès l’instruction, le témoin cité la fera agréer par le juge. Voir l’art. Secret.

III. RÉPARATION DES DOMMAGES CAUSÉS.

Le troisième devoir du témoin, éventuel celui-ci, est de réparer les dommages en cas de faux témoignage. Nous venons de préciser qu’il ne peut y avoir faux témoignage quand, après serment de dire toute la vérité, un témoin a repondu négativement à des questions auxquelles une loi supérieure lui défendait de répondre. Le faux témoignage a à sa base un mensonge proprement dit, et non un silence ou une réponse évasive. Or, ce mensonge positif, proféré de mauvaise foi malgré la promesse faite sous serment, a pu causer de graves dommages à une des parties en cause ; et comme ces dommages matériels ou personnels dans l’honneur ou la liberté sont strictement injustes, celui qui en est responsable par sa déposition a le devoir de les réparer. Il en a même le devoir quand, de bonne foi. il a fait une déposition contraire à la vérité ; mais en ce cas non obligat cum tanto incommodo.

Cette réparation, il peut sans doute chercher a la rendre le moins dommageable possible pour sa bourse et sa réputation. Toutefois, s’il ne trouve pas les moyens d’échapper aux conséquences de sa faiblesse coupable ou de sa méchanceté, il devra les subir, même en rétractant sa déposition et en s’exposanl ainsi à une poursuite pour parjure. Les théologiens vont jusqu’à enseigner que le faux témoin, en tant que calomniateur, est tenu à réparation, dût il pour ce fait encourir un dommage égal ou même supérieur à celui qu’il a causé à la victime. Salsmans, Droit rt morale, n. 403.

S. Thomas, Sum. theol., ID-II", q, i.xx, a. 1 ; S. Alphonse. Throl. mor., I. III, n. 154 ; D’A uni lia le, Siimntnlii theol. mur..

t. ii, n. 587î A. Ballerinl-Palmteri, Opui theol. mor., I. iv, n. MO ; Berardi, Profit con f essor lorum, t. i. n. 1130 ;

I.elinikuhl, Theol. mor., t. I, n. 830-821 ; Noldin. Summu theol. mor.. t. ii, n. 728-7 : 11 ; Salsmans. Droit et morale.

Bruges, 1934, u. 401-403.

P. Chrétien.


TEMPÉRANCE. La tempérance est la quatrième des vertus cardinales. Les délectations qu’elle est appelée ft modérer sont si vives et s’offrent À nous si fréquemment, que l’absence de cette vertu se ferait sentir par d’Innombrables désordres ci par la ruine da