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TOBIE. TEXTE


dérations mêmes on ne saurait déclarer impertinente la question de savoir si l’auteur du livre de Tobie n’aurait point voulu proposer son enseignement sous le voile d’une fiction. Cf. Initiation biblique, Paris, 1939, p. 100. C’est, ensuite, que, dans les raisons invoquées contre le caractère historique du livre, on n’en voit pas de décisives contre la réalité des parties essentielles du récit, contre l’existence par conséquent d’un noyau historique. Ceci dit.il faut bien reconnaître que le livre de Tobie ne saurait être envisagé et interprété comme un livre strictement historique. Quant à distinguer par le détail ce qui est histoire proprement dite et sa mise en œuvre par l’auteur même en conformité avec son but, ce qui est de la tradition orale ou écrite, ce qui est enfin apport des remaniements et traductions, c’est une œuvre devant laquelle la critique s’avère impuissante ; l’étude doctrinale du livre requiert davantage son attention.

IV. Langue originale. Texte actuel. — La perte du texte original du livre de Tobie pose, entre autres questions, celle de la langue dans laquelle ce livre a été primitivement écrit. Faute d’éléments sûrs, la question n’a pu encore recevoir de réponse décisive ; la conviction toutefois s’impose de plus en plus que la langue originale était sémitique, sans pour autant que l’on ait chance de la retrouver dans les quelques textes araméens ou hébreux connus du livre de Tobie.

L’original.

Saint Jérôme n’avait-il pas répondu

à notre question quand il affirmait dans sa préface au livre de Tobie, P. L., t. xxix, col. 23, que celui-ci était écrit en araméen, chaldœo sermone conscriptum ? Que l’affirmation du saint docteur puisse constituer un témoignage décisif en la matière, pas plus que certaines affirmations du même ordre relatives à ses travaux de correction ou de traduction de textes bibliques, c’est ce qu’on ne saurait démontrer. Cependant lui-même affirme que ce n’est que par l’intermédiaire d’un interprète hébreu qu’il a donné sa traduction latine ; il apparaît d’autre part que celle-ci a subi très nettement l’influence de l’ancienne version latine, tandis que le texte araméen, publié par Neubauer, The Book of Tobit. A Chaldee Text, Oxford, 1878, ne semble pas y avoir laissé une trace bien marquée.

Pour résoudre le problème de la langue originale du livre de Tobie, puisque le témoignage de saint Jérôme ne saurait y suffire, il reste l’examen des textes grecs, les plus anciens et les meilleurs que l’on connaisse. De ceux-ci on a même cru devoir faire les témoins du texte original en raison d’expressions d’une grécité trop pure pour être le fait d’un traducteur ; mais de telles expressions n’apparaissent pas en nombre suffisant pour trancher la question. D’autant qu’en regard on n’a pas manqué d’apporter, en nombre considérable au contraire, des hébralsmes et des sémitismes qui, manifestement, trahissent un original sémitique, non moins que le genre de la narration avec son défaut de construction des propositions, reliées entre elles par le monotone xat, le waw consécutif, qui revient si souvent dans les quinze versets du chapitre n par exemple. Cf. P. Joûon, Quelques hébralsmes du Codex Sinaïticus de Tobie, dans Mblica, 1923, p. 168-174. Enfin, en faveur d’un original sémitique, on a relevé, au moins comme témoignage indirect. In couleur nettement sémitique des plus anciens et des meilleurs manuscrits de ancienne version latine, particulièrement sensible dani le livre d’Esther, où, en maints endroits, la version suit l’hébreu contre le grec et le syriaque.

Si donc, on peut tenir à peu près pour certain que la langue originale du livre de Tobie est sémitique, on

ne saurait préciser la nature de et tte tangue, l’hébreu ou l’eraméctl. Les avis sont aises j> : » rt.-i^ « ’-s p.irmi les

critiques. L’affirmation de saint Jérôme, nous l’avons

vu, n’est pas décisive en faveur d’un dl iginal araméen,

non plus d’ailleurs qu’une remarque d’Origène. Ep. ad Africanum, 13, P. G., t. xi, col. 80.

Le texte actuel.

Si le texte original du livre de

Tobie est perdu, il ne manque pas en revanche de traductions, qui témoignent de la faveur et de la diffusion de ce livre dans l’antiquité. Ces traductions présentent entre elles de nombreuses différences qui intéressent non seulement la forme mais encore le fond même du livre, et en l’absence d’un point de comparaison possible avec l’original, il est difficile de se prononcer sur l’origine autant que sur la valeur de ces traductions.

On les répartit généralement en trois groupes : Un premier groupe est constitué tout d’abord par les deux manuscrits Vaticanus (B) et Alexandrinus (A), offrant un texte à peu près identique pour notre livre ; puis par la plus grande partie des minuscules et le papyrus d’Oxyrhynchos 1594, du iiie siècle. C’était le texte en usage dans l’Église grecque ; les nombreuses traductions qui en ont été faites, syriaque, i-vii, 5, éthiopienne, copte, hébraïque (celle dite de Fagius), témoignent de sa large diffusion. La Bible Polyglotte de Vigouroux donne en première colonne le texte de l’édition sixtine, basée sur le Vaticanus, avec les variantes les plus importantes. Cf. Rahlfs, Septuaginla…, 1935.

Un deuxième groupe est représenté par le Sinaiticus (X), dont le texte est sensiblement différent de celui du groupe précédent. On y relève deux lacunes assez importantes au c. iv, 7-19 b et au c. xiii, 8-Il c. L’ancienne version latine dépend de ce texte, pour la recension critique duquel elle est un élément précieux. Les autres versions qui en dépendent également, comme la Vulgate, les versions araméenne et arabe, attestent l’ampleur de son influence.

Le plus important témoin de ce groupe est l’antique version latine, qui, en maints endroits, présente un texte nettement meilleur que celui du Sinaiticus et permet ainsi la reconstitution du texte, entre autres pour les deux lacunes signalées ci-dessus des c. iv, 719 b et xiii, 8-Il c. Il faut reconnaître toutefois que cette ancienne version n’a pas été sans subir l’influence d’autres recensions, sans parler d’altérations, d’additions et de corrections. Dom De Bruyne avait entrepris l’inventaire des manuscrits de l’ancienne version latine pour les livres de Tobie et de Judith, comme il l’avait fait pour les livres des Machabées, environ quinze manuscrits. De ce travail, non encore publié, mais dont l’auteur d’un commentaire du livre de Tobie, dom Athanase Miller, a pu prendre connaissance, il résulte que, pour la reconstitution du texte original du Sinaiticus à l’aide de l’ancienne version latine, suffisent en général deux mss de cette dernière : le 6239 de Munich (VLm), du vin » siècle, édité par .1. Iklsheim, et le Sangermanensis 15 (Saint-Germaindes-Prés), également du vin siècle ( VLa), édité jadis par Sabaticr ; tous deux, malgré quelques fautes légères, en donnent le meilleur état. Dom Athan. Miller, Das Buch Tobias, Bonn, 1940, p. 18 (dans Die Heilige Schrift des A. T. de Fr. Feldmann et H. Hcrkenne).

Quant à la Vulgate, sa valeur objective et critique est sujette à des appréciations diverses. Cf. Schumpp, Das Buch Tobias, 1933, p. xxviii sq. Si, d’une paît, on ne peut guère mettre en doute que saint Jérôme ait utilisé un texte araméen, comme l’indiquent : 1° l’emploi de la troisième personne au début du récit jusqu’à iii, 6, qu’on ne retrouve que dans la version araméenne ; 2° sa relative concisions 3° l’attribution du même nom de Tobias au père et nu lils. contrairement à l’ancienne version latine et a toutes les i. sions grecques ; d’autre part, maints Indices décèlent une étroite dépendance da la Vulgate à l’endroit de