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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/589

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TOBIE. AUTEUR ET DATE DE COMPOSITION


cette ancienne version latine, dépendance qui, par endroits, est si marquée qu’il ne peut être question que d’une simple copie, par exemplexii, 7 ; c’est encore cette dépendance qui explique la présence dans la Vulgate de fautes provenant des manuscrits défectueux de l’ancienne version, cf. par exemple ii, 4, 9, 10 ; vi, 5 ; vii, 9 ; xi, 11, 18 ; xii, 11, etc. ; ou encore d’expressions étrangères au latin habituel de saint Jérôme soucieux de correction, tel iii, 5, sinceriter ; in, 4, 7, improperium ; v, 21, comiletur vobiscum ; v, 27, comitetur ei. La rapidité avec laquelle se fit la traduction, une journée y suffît, ne permettait guère d’éviter de telles imperfections.

Faut-il pour autant refuser à la Vulgate toute valeur, ainsi que le veulent Fritzsche et Nôldeke ? Non, de l’avis d’autres critiques, Schulte, Gutberlet et surtout Galdos, qui la jugent : aliis longe superior… in rébus et ideis. Commentarius in librum Tobit, 1930, n. 86 ; dans le même sens F. Ogara, dans Gregorianum, 1934, p. 613. Exact à certain point de vue, selon la remarque de dom Athan. Miller, ce jugement ne tranche pas la question de savoir si les leçons qui lui sont propres sont en fait plus proches du texte original inspiré que les autres recensions. Ce n’est pas, semble-t-il, le cas, à en juger du moins par la tendance théologique qui la distingue de tous les autres témoins, soit dans la conception idéale du mariage, iii, 18-19 ; vi, 17-22, soit dans celles de la piété, dont la crainte de Dieu est un élément essentiel, i, 4-8, 15 ; ii, 9, 12-18 ; iii, 15-18 ; ix, 12 ; xiv, 4, 7, 15-17 ; d’autant plus que, dans ces passages aussi bien que dans quelques autres, l’expression de la pensée fait songer aux doctrines eschatologiques d’époque tardive et même chrétienne, iv, 3, 10. Dans le même sens on a relevé, à côté d’amplifications manifestes comme ii, 12-18 ; iii, 16-23 ; vi, 16-22 ; vii, 13-15, des abréviations et même des omissions, ainsi : i, 4, 6-7, 8, 22-25 (cf. Sinaïticus, i, 19-22) ; m, 16 (Sinaïticus, 14-15) ; v, 19 (Sinaïticus, 14-15) ; xiv, 6-9 (Sinaïticus, 4-7). Dans ces omissions en particulier, on retrouve la manière caractéristique de saint Jérôme, laissant de côté tel détail jugé peu important ou tel personnage dont la mention n’intéresse pas de très près la trame du récit, par exemple, v, 19, pour Ananie et Nathan (Jonathas dans le Vaticanus), ou encore passant sous silence tel épisode qui pourrait paraître choquant, comme la résolution de Sara de mettre fin à ses jours pour échapper à tous ses malheurs, in, 10. De cet ensemble de remarques se dégage la conclusion que la Vulgate n’est pas de première valeur pour la critique textuelle du livre de Tobie ; conclusion qui n’infirme en rien l’intégrité substantielle de la Vulgate, non plus quesavaleur dogmatique. Cf. A. Miîler, op. cit., p. 20. Pour la comparaison des deux textes, Vulgate et grec, cf. Galdos, op. cit.

La version araméenne, qui appartient à ce même groupe, est tenue en haute estime par son éditeur, Neubauer, qui prétend même que dans sa forme complète — il manque maintenant les c. xiii et xiv — elle aurait été l’original araméen dont parle Jérôme et ne dépendrait pas en conséquence des textes grecs du deuxième groupe. Estimation et jugement qu’on ne saurait partager ; la comparaison, en effet, avec le texte grec établit que la version araméenne en est inséparable, encore qu’il ne soit pas toujours possible de préciser la nature des rapports des deux textes. Cf. A. Miller, op. cit., p. 18.

Un troisième groupe est constitué par un petit nombre de manuscrits minuscules, 44, 106, 107, du moins pour ce qui est des c. vi, 7-xiii, 8, car, au commencement, on y lit le texte de la seconde recension. Dans la version syriaque Peschitto, le début i, 1-vn, 12 est également de cette même recension, tandis que la suite donne un texte à peu près identique à celui de

notre troisième groupe, auquel on rattache encore les quelques versets du c. ii, 2, 3, 4, 8, trouvés sur le papyrus 1076 d’Oxyrhynchos. Nau, dans la Polyglotte de Vigouroux, y ajoute pour les c. vi, 6-x, 7, ! e texte du manuscrit 609 de Paris (P*, ou 610 de Rahlfs) qui représenterait le plus fidèlement, d’après Ceriani, la révision faite au commencement du ive siècle par l’évêque égyptien Hésychius. Le texte de cette troisième recension, aujourd’hui fragmentaire, reproduisait tout le livre originairement, comme le prouvent les quelques versets du début du papyrus 1076. Ce texte tient le milieu entre les deux précédentes.

Le problème que soulèvent ces trois recensions grecques du Livre de Tobie se trouve encore compliqué du fait du papyrus 1594 d’Oxyrhynchos, du iiie siècle, qui, avec ses quelques versets, xii, 14-19, présente des variantes qu’on ne retrouve dans aucune des trois recensions.

De ce rapide aperçu se dégage la complexité du problème que pose la reconstitution du texte du Livre de Tobie, en même temps que la très grande difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité, d’atteindre, par delà la multiplicité des recensions, le texte original. Seules cependant les deux premières de ces recensions retiennent pratiquement l’attention des critiques, soit parce que l’une et l’autre furent très estimées et répandues dans l’antiquité, soit parce que, sans conteste possible, elles témoignent d’une réelle valeur, encore que, au cours de leur histoire, elles n’aient pas échappé à maints remaniements. Mais à laquelle de ces deux recensions donner la préférence ? L’une et l’autre ont leurs partisans. Fritzche, Nôldeke, Vetter, Lôhr, Goettsberger, Schumpp tiennent pour la première. Reusch, Schûrer, Thackeray, Cornely-Merk, dom De Bruyne et le dernier commentateur en date du Livre de Tobie, Athan. Miller, tiennent pour la seconde. Cf. De Bruyne, Revue bénédictine, 1933, p. 260-261 ; A. Miller, op. cit., p. 21-22.

V. Auteur, date et lieu de composition. — 1° Origine.

La tradition ne nous donne que peu ou

rien sur l’origine du livre, les anciens Pères ne l’ayant pas interprété, seul saint Ambroise ayant écrit sous le titre de « Tobie » un livre contre l’usure. Dans le texte même, on a relevé quelques indices que certains auteurs ont cru pouvoir retenir comme preuves de la composition du livre, ou du moins d’une partie importante sous forme de mémoires, par les deux Tobie. Dans les anciennes versions, en effet, si l’on excepte la Vulgate et la traduction araméenne (Neubauer), Tobie le père parle à la première personne depuis le début du livre jusqu’au commencement de l’histoire de Sara, i, 1-m, 6. D’autre part, xii, 20, du moins dans le grec et l’ancienne version latine, rapporte l’ordre donné par Raphaël aux deux Tobie d’écrire tout ce qui s’était passé, TidtvTa raûxa xà auiiSàvra ûfxïv (X), TO&vra xà aov-reXeaGévTa (BA). On ne saurait toutefois voir l’exécution de cet ordre dans ce qui est dit, xiii, 1 (B), à savoir que Tobie écrivit une prière. S’il est vrai que le récit des c. i, 1-m, 6 à la l re personne est plus ancien que celui qui est fait à la 3e personne, on ne peut en conclure que le livre soit de Tobie, car il ne s’agit que du début de la narration et peut-être ne faut-il voir dans cet emploi de la 1° personne qu’un procédé littéraire. Si la Vulgate y a substitué la 3e personne, ce serait, selon dom De Bruyne, que saint Jérôme ne croyait pas à la rédaction du livre par Tobie. Si Tobie n’est pas l’auteur, il ne paraît pas possible d’en indiquer quelque autre. Tout ce qu’on peut dire, d’après le caractère général de l’ouvrage, c’est que son auteur était un Juif. Le nom de Tobie a été donné au livre, ainsi que celui de Ruth par exemple à un autre livre de l’Ancien Testament, pour en marquer simplement le héros principal.