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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/60

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TEMPIER (ETIENNE)


téliciennes parfaitement compatibles avec la foi chrétienne, c’était un procès d’école qu’on instituait : augustinisme contre péripatétisme ; ou plus exactement c’est à l’effort d’Albert le Grand et de saint Thomas surtout qu’on prétendait faire échec puisque seuls, devant tout l’enseignement traditionnel, ils avaient eu l’audace de se dresser : doctrina… Ma novella, quasi lola contraria, quæ, quidquid docet Augustinus de regulis œternis et luce ineommutabili, de potentiis animer, de rationibus seminalibus inditis materiæ et consimilibus innumeris, destruat pro viribus et énervât, pugnas verborum injerens toli mundo. Lettre de Peckliam à l’évêque de Lincoln, 1 er juin 1285. Aussi en définitive, est-ce par un retard apporté à cette synthèse thomiste, par un regain de vie pour l’augustinisme traditionnel et, conséquence inévitable, par des tentatives indépendantes de voie moyenne ou de compromis, que va se solder au cours des cinquante ou soixante-quinze ans qui la suivirent, l’intervention d’Etienne Tempier.

A l’égard de la condamnation elle-même, les attitudes varièrent avec le temps : attitude de soumission tout d’abord, puis réserves, puis campagne pour le retrait de la sentence. La soumission, enthousiaste de la part des maîtres séculiers, respectueuse de la part des autres, avec de ci de là quelques critiques, caractérise la première période. On y voit les tenants de l’enseignement traditionnel utiliser largement ce nouvel argument d’autorité que constitue Varticulus condempnalus ou articulus episcopi ; il leur sert à consolider leurs propres positions ou à démolir leurs adversaires. Ceux-ci gardent un silence prudent et respectueux. D’ailleurs on ne voit pas surgir alors, parmi les maîtres dominicains, de disciples de saint Thomas qui fassent autorité et osent s’imposer. Par contre des auteurs indépendants, assez personnels et originaux, s’affirment durant ces années : tels Henri de G and ou Godefroid de Fontaines, qui, critiquant parfois certaines des condamnations prononcées trop hâtivement, cherchent à prendre position en marge de l’enseignement par trop traditionnel.

Après quoi s’ouvre l’ère des réactions et des réserves. Diverses causes les provoquent : tout d’abord les difficultés d’interprétation ou même d’accord entre eux que présentent certains articles condamnés et que des auteurs dénués de toute hostilité à l’égard d’Etienne Tempier sont obligés de constater ; niais aussi la réaction venue de l’étranger, des Anglais particulièrement. L’acte de 1277 n’est jamais, après tout, qu’une mesure locale : c’est pour l’enseignement parisien que portent ses prohibitions et ses sanctions ; on n’a pas à en tenir compte à Oxford ou à l’étranger. Dans ces conditions, les non-conformistes ne se font pas faute de souligner les incohérences ou les contradictions qu’offre le Syllabus parisien, de rappeler en quelles circonstances et de quelle manière, plutôt sua caution, il a été composé ; de montrer enfin les Inconvénient graves qui en découlent. Ce dernier point se trouve parfaitement exposé dans la réponse donnée par Godefroid de Fontaines, en 1295, à la question insidieuse qui lui avait été posée à son Quodl. XII, 5 ; ’(rum episcopus Parisiensis peccet in hoc quod omitlit corrigere quosdam artieulot a predeces si>rr sun condemnalos ? Respondeo dicendum quod ni f/uiiii rsi impedilivum pro/ectu » studentium, et quod est io scandait inlrr studenlea, et quod est m detrimen huit utttis doctrine est merito corrigendum. Et il die

loppe ces trois points avec force arguments. Pour le

nu-, il explique nettement que cette doctrine perutiti » sur laquelle est |etée la suspicion par suite de trop nombreux articles condamnés est celle du très

nd et excellent docteur frère I bornas. Il est bien it. en effet, qu’un certain nombre d’articles ont

été empruntés à ses écrits et que, par le fait, sa doctrine est devenue suspecte, alors qu’elle est entre toutes la plus solide et la plus utile. C’est donc un tort de maintenir une condamnation qui prive les études d’un tel secours et d’une telle lumière.

A mesure qu’augmente le crédit de saint Thomas, une troisième phase s’amorce dans cette opposition à l’acte de 1277. Elle tend à obtenir non pas le rappel complet de la décision épiscopale, mais le retrait des propositions qui, sciemment ou non, visaient saint Thomas. On sait comment, sur l’initiative prise dès 1317 par la province dominicaine du royaume de Sicile, la cause de canonisation de Thomas d’Aquin avait été introduite et la première enquête faite à Naples en 1318-1319 ; puis l’enquête supplémentaire à Fossanova en 1321, pour aboutir à la déclaration solennelle du 18 juillet 1323. Parallèlement à ces démarches se poursuivaient précisément les efforts sur le plan doctrinal en vue d’obtenir à Paris la révision souhaitée. On a encore le plaidoyer prononcé en ce sens par Jean de Naples, en 1315-1316, à propos de la question qu’on lui avait posée à son Quodl. VI, 2 : l’trum licite possit doceri Parisius doctrina fratris Thome quantum ad omnes conclusiones ejus ? (éd. par C. Jellouschek dans Xenia thomislica, t. iii, p. 88-101). Tous les points litigieux atteints par des articles du Syllabus de 1277 sont passés en revue et lavés de tout soupçon. Ces efforts, dus principalement aux frères prêcheurs, aboutirent enfin, après la canonisation, au résultat souhaité. Dans une lettre solennelle en date du 14 février 1325, qu’il publia en accord avec un grand nombre de maîtres de l’Université, l’évêque de Paris, Etienne de Bourret, après avoir fait un bel éloge de l’enseignement de saint Thomas, déclare retirer la condamnation de son prédécesseur Etienne Tempier dans la mesure où elle aurait pu atteindre les doctrines de cet auteur : supradictam articulomm condempnalionem et excommunicationi.s sententiam quantum tangunt vel tangerc asseruntur doctrinam beali Thome predicti, ex noslra scientia, tenon presentium lotalilcr annullamus… eosdem discussioni scolastice libère relinquendo. Dans Denifle-Chatelain, Chart. Univ. Paris., t. ii, p. 280-281.

Mais cette mesure est de 1325. Pendant cinquante ans les interdictions portées par Etienne Tempier, silices articles comme sur les autres, ont eu vigueur el force de loi ; et il a fallu en tenir compte bon gré mal gré dans l’élaboration des systèmes. En 1325, Seul était mort depuis dix-sept ans ; olieu depuis vingt-sept ; Ockham axait déjà lu les Sentences et soutenu ses Quodlibets. Dans cette période encore vient s’inscrire la carrière doctrinale non seulement d’un Henri de Gand ou d’un Godefroid de Fontaines, mais d’un Pierre d’Auvergne, d’un Jean de Pouilly, pour les séculiers ; celle d’un Hervé Ncdclicc et d’un Durand de Saint-Pourçain, dans l’ordre dominicain, foule la doctrine de l’école des cannes, avec Gui ferré et (iérard de Pologne : celle des ermites de Saint-Augustin, avec

Gilles de Rome, Jacques de Viterbe ou Prosper de Reggio Emilia s’était fixée déjà. Dans quelle mesure

les uns et les autres, maîtres et écoles, ont ils été allcctés par les prohibitions parisiennes ? Dans quelle mesure leurs réactions ou leurs audaces, leurs compromis ou leurs inventions sont ils la résultante, peut être bien lointaine mais réelle pourtant, de l’acte d’Etienne Tempier ? L’histoire de la philosophie et de la théologie en cette période, une des plus graves peut cire de toute la scolastique, devra S’efforcer de l’établir.

Pour l’instant, avant même que soit fait ce travail, on peu ! souscrire tout au moins ; i (elle appréciation générale de E. MondeI. L/ condamnation de G Met <lc Rome, dans Rech. de théol. une. <t méd., 1932, p. 57 :

Les historiens modernes se montrent généralement