Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/668

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1321
1322
TRADITION. LES THÉOLOGIENS (XVI « S.


doctrine reçue des apôtres, pour aboutir à la conception d’une tradition-magistère de l’Église, sans cependant qu’aucune de ces deux conceptions soit exclusive de l’autre.

On étudiera : 1° Les théologiens depuis le concile de Trente jusqu’à la fin du xviir 3 siècle. 2° La réaction du xixe siècle définitivement fixée par Franzelin, dans son traité De tradilione. 3° Les théologiens récents ou contemporains.

I. LU CONCILE DE TRENTE A LA FIN DU XVIIIe SIÈ-CLE. — 1° Au XVIe siècle. — Par souci de l’unité, il nous faut remonter à quelques années avant le concile de Trente.

1. J. Driedo. — Le premier théologien en date qui ait traité ex professo de la tradition est Jean Driedo († 1535), dans le 1. IV de son De ecclesiasticis scripturis et dogmatibus (1533), édit. de Louvain, 1572. Ce 1. IV est intitulé : De dogmatibus extra canonem Scripluree sacrée constitutis et de libris apocryphis. Le but de l’auteur est de traiter « des dogmes et des traditions dans l’Église et les conciles, des canons, constitutions et décrets des pontifes, et des livres des saints ainsi que des doctrines des Pères non contenus dans le canon de l’Écriture sainte ». Trois idées résument sa pensée : L’Église peut donner d’une vérité catholique un vrai témoignage, qui jamais n’a été transmis par l’Écriture ; il peut donc y avoir des traditions saintes, qui s’imposent à la foi, et qui ne se trouvent pas dans les livres canoniques déjà publiés. C. iv, fol. 238 v°243 r°. — La tradition est intimement liée à la succession apostolique : « Pour montrer que nous possédons bien les évangiles écrits par les apôtres, nous n’avons besoin d’aucun argument, sinon de la tradition de l’Église qui, tout au long de la série (de ses chefs hiérarchiques) nous a conservé jusqu’à ce jour à travers les siècles les quatre évangiles. » C. v, fol. 245 v°. — Enfin, il faut envisager dans la tradition l’autorité même de l’Église catholique qui seule peut garantir aux fidèles la vérité des dogmes non contenus dans l’Écriture. C’est l’argument dont se sont servis les Pères de l’Église et les écrivains ecclésiastiques jusqu’à nos jours : et cette autorité est manifestée par l’accord des saints Pères. C. v, fol. 241 r°. — Driedo mêle donc, sans d’ailleurs les confondre, deux considérations : celle des vérités transmises et celle de l’organe transmetteur.

2. M. Perez de Ayala. — Un théologien du concile de Trente, Martin Pérez de Ayala qui devint évoque de Guadix, de Ségovie, puis archevêque de Valence († 1566), composa un livre analogue à celui de Driedo : De divinis, apostolicis atque apostolicis traditionibus, deque authoritate ac vi earum sacrosancta, adsertiones seu libri decem. In quibus fere universa Ecclesiæ antiquitas y circa dogmala apostolica, orthodoxe elucidatur, Cologne, 1549. Ayala place l’erreur fondamentale du luthéranisme dans la doctrine qui veut trouver dans la seule Écriture la parole de Dieu règle de notre foi. La doctrine catholique, au contraire, admet en dehors de l’Écriture canonique un autre genre de doctrine, fondée d’ailleurs sur l’Écriture et indiqué même par elle, genre nécessaire, également digne de respect, que l’Écriture et les Pères apostoliques appellent la tradition. C’est à démontrer cette vérité que tend tout l’ouvrage. Ayala commence par une description de la tradition entendue au sens théologique du mot, il en propose la définition suivante : Traditio est arcana doctrina consuetudine fidelium roborata, ex aiimo in animum a majorions in posteros mrdio incurrente verbo transfusa. Et il observe que, contrairement à l’ensel gnement des Pères, l<", protestants restreignent la ira dltloti aux seules traditions humaines, alors qu’en réalité la tradition est aussi et avant tout une doctrine divine Pan I’, postulatum II, fol. 2 v°-3 r°. Au cours

de son ouvrage, l’auteur insiste sur l’autorité doctrinale de l’Église. L’autorité de l’Écriture ne nous est garantie que par l’autorité de l’Église se manifestant par la tradition. Ainsi la tradition est en quelque sorte antérieure à l’Écriture elle-même. Trois moyens peuvent donner aux croyants l’apaisement nécessaire au cas où un dogme leur semblerait mis en péril par des opinions nouvelles : en premier lieu, considérer la croyance de l’Église universelle et principalement de l’antique Église romaine ; en second lieu, se référer aux décrets des conciles généraux ; enfin, consulter les Pères orthodoxes. Pars I », assert, i, fol. 41 v°, 42 r°, 44 v°.

3. Melchior Cano († 1560). — Plus encore que les théologiens précédents, il a étudié le problème de la tradition dans son célèbre De locis theologicis. Voir ici t. ix, col. 712 sq. Pour Cano, le lieu théologique est une source d’arguments théologiques, Melchior compte dix lieux théologiques ; mais ces lieux sont loin d’avoir tous la même importance. En voir l’énumération et la classification à l’article cité, col. 717.

Le simple exposé que l’on y trouvera montre quel immense progrès a déjà fait la théologie de la tradition. Dans l’acception théologique la plus générale du mot, la « tradition » comprend non seulement le lieu des « traditions apostoliques, mais encore les cinq autres lieux propres et secondaires à savoir : l’autorité de l’Église catholique, les conciles, l’autorité de l’Église romaine, les Pères de l’Église, enfin les théologiens et canonistes. Et ce sont là des sources d’argument, soit pour manifester la révélation, soit pour en tirer des conclusions doctrinales, dogmatiques ou théologiques. Mais les différences établies par Cano entre ces sources, quant à leur genre de certitude et quant à la manière dont elles nous font pénétrer le donné révélé, constituent dès l’abord une première réponse aux attaques massives dont les protestants ont gratifié le dogme catholique.

On a déjà exposé dans le détail la valeur de chaque lieu : il suffira de se reporter au t. ix, col. 722-731. Voir surtout les quatre règles proposées, col. 725, pour reconnaître les traditions apostoliques. Aussi bien, le problème de la tradition est ici à son point essentiel, puisque le sens exact des Écritures, lorsqu’il n’est pas manifesté clairement par le texte, relève lui-même de l’enseignement apostolique. Et, de plus, les règles mises en relief par Cano font voir comment les cinq lieux secondaires n’ont en somme pour objet que d’orienter le chercheur vers le lieu primaire de la tradition apostolique.

On peut toutefois regretter que Cano ait considéré l’autorité de l’Église simplement comme un lieu théologique, c’est-à-dire une source d’arguments pour découvrir la vérité. Cano subit ici l’influence de la conception d’une tradition simple doctrine, encore qu’il ne néglige point l’autorité de l’Église comme règle de la foi. Mais « source d’arguments et règle de la foi » ne sont pas tout à fait synonymes. Il sera réservé au cardinal I-Yanzelin, après le concile du Vatican, de mettre en relief cette différence.

4. Les théologiens de la fin du XVIe siècle ne font que reprendre, avec des variantes sans grande importance, le thème si fortement proposé par Cano.

a) On peut citer d’abord Tolet († 1596), dans son commentaire sur la Somme, I », q. i, a. 8. Il trouve huit manières d’argumenter en théologie en partant de l’autorité de l’Écriture, des conciles, des tradition*-, des décrets des souverains pontifes, du consentement commun des saints docteurs, de l’autorité d’un seul ou de quelques docteurs (Pères), de la doctrine com mune de tous les théologiens scolastiqucs de la rail on naturelle, l.t il définit la tradition : EM doctrina a Christo Apostolis, vel a Spiritu Sancto Ecclesiæ data