Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/669

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1323
1324
TRADITION. LES THÉOLOGIENS (XVII* S.)


nulla scriptura contenta. On sent ici encore l’influence d’un concept de tradition, doctrine transmise.

bj On peut également citer le théologien anglais Stapleton († 1598), Relectio principiorum fidei doctrinalium per controversias, quæstiones et articulos tradita, 1596 ; l'édition ici indiquée de Paris, 1620, t. i, des œuvres complètes. Stapleton se pose trois questions : Existe-t-il des dogmes non écrits et dont la croyance s’impose au fidèle ? Dans le cas de l’affirmative, doit-on leur accorder une créance égale à celle qui est due aux enseignements de l'Écriture ? Enfin, l’Eglise peut-elle de sa propre autorité enseigner et promulguer de tels dogmes ? À la première question, Stapleton répond : « Les apôtres nous ont transmis, sans les écrire, bien des doctrines nécessaires à la foi. » À la seconde, l’auteur fait les considérations suivantes : la tradition de l'Église peut être considérée sous six aspects différents : a. Vérité transmise, non seulement de vive voix, mais par écrit ; b. Doctrine enseignée seulement de vive voix par les apôtres et les premiers prédicateurs de la foi ; c. Tradition se rapportant à des pratiques, transmise par les apôtres sans écrit ; d. Tradition non écrite, mais qui résulte soit de l'Écriture, soit de l’enseignement oral des apôtres (n. 2), tel que, par exemple, le baptême des petits enfants ; e. Toute interprétation certaine et authentique de la parole écrite ; I. Enfin, coutume plus ou moins récente, plus ou moins généralisée. Et, comme conclusion : tout enseignement touchant la foi, même s’il n’est pas écrit, doit être cru au même titre que l'Écriture sainte. À la troisième question, s’appuyant sur la pratique même de l'Église, Stapleton n’hésite pas à déclarer que l'Église « peut proposer et enseigner tout objet appartenant à la foi ». Op. cit., Contr. V, q. v, p. 790, 792 A, 794 A ; q. v, a. 5, p. 796 ; q. i, a. 1, p. 764 A. Bien plus, « l’enseignement oral des apôtres ne peut être connu que par la tradition de l'Église ». Ibid., q. v, a. 3, p. 796. Et, selon l’enseignement des Pères, l’autorité de la tradition dérive et dépend du pouvoir ecclésiastique ». Q. i, a. 1, p. 764 A. Il y a, dans cette dernière considération comme une première esquisse d’une doctrine sur la tradition, non plus seulement source de vérités, mais règle de foi.

c) Il faut encore citer ici le célèbre dominicain Banez (| 1604), dans son commentaire sur la II » -II, e, q. i, dans De fide, spe, caritate scholastica commentaria in II* m -II æ Angelici Doctoris partem, Rome, 1586. On y trouve une sorte de traité de l'Église, ses marques, son infaillibilité, enfin sur la tradition. À ce sujet la question posée est celle-ci : « Les traditions apostoliques et ecclésiastiques ont-elles, pour approuver les dogmes de la foi, une valeur comparable à celle que nous avons reconnue au souverain pontife ou au concile général ? » Et la réponse est affirmative. Banez ajoute même que « l’autorité de la tradition est aussi grande que celle de la Sainte Écriture. Et c’est là une vérité catholique, d’après laquelle nous devons juger celui qui rejette les traditions divines de l'Église tout aussi hérétique que celui qui rejette l'Écriture et les définitions des conciles et des papes ». Concl. v », col. 278.

d) Autres théologiens. — G. Vasquez († 1604), qui touche à la question dans son commentaire sur la Somme, I », q. i, a. 8, se tient dans la même ligne et tout autant Suarez, dans la Befensio fidei catholicte, 1. 1, c. ix, n. 7-22, édit. Vives, t. xxiv, p. 45 sq. Somme toute, les théologiens du xvie siècle en demeurent à la conception de la tradition source de doctrines.

2° Au XVIIe siècle. — Nous nous attacherons principalement à trois auteurs qui, chacun dans sa région, ont donné une impulsion nouvelle à la théologie de la tradition : en Italie, Bellarmin ; en Allemagne, les frères Wallenbourg ; en France, Bossuet.

1. Bellarmin († 1621). — À l’article Beixap.min, t. ii, col. 560 sq., on n’a fait qu’indiquer, col. 578 et 588, la controverse Be verbo Dei, dans laquelle se trouve, au t. IV, le traité de la tradition.

Le c. I er est un rapide coup d’oeil sur l'état de la question : attaque et défense de la tradition. — Au c. ii, l’auteur expose « ce qu’est la tradition et quelles sont les traditions ». Après quelques indications sur le sens du mot, le controversiste précise que ce mot a été pris par les théologiens pour signifier « la doctrine non écrite ». C’est en ce sens-là que Bellarmin l’emploiera à son tour. Il s’agit toujours, on le voit, du concept de doctrine transmise et non de règle de foi. Tout en demeurant sur ce terrain, Bellarmin apporte des précisions non négligeables : il distingue traditions divines, apostoliques, ecclésiastiques et, selon leur objet, traditions touchant la foi et touchant les mœurs, lesquelles à leur tour sont ou perpétuelles et temporaires, ou universelles et particulières, ou nécessaires et libres. Distinctions utiles pour répondre aux objections protestantes. Dans le c. iii, sont abordés trois points essentiels de la controverse anti protestante : d’abord, l’affirmation qu’en dehors de la parole de Dieu écrite existe nécessairement une parole de Dieu non écrite, c’est-à-dire les traditions divines et apostoliques ; ensuite, la réfutation de la position des adversaires qui, tout en admettant que les apôtres ont institué, en dehors du contenu de l'Écriture, des rites ou des pratiques dans l'Église, prétendent que ces institutions ne sont pas obligatoires, mais libres : les apôtres n’auraient transmis rien de ce qui concerne la foi et les mœurs, en dehors de l'Écriture ; enfin, la réfutation de l’assertion qui prétend que les traditions apostoliques, si tant est qu’elles aient existé, sont aujourd’hui pour ainsi dire inexistantes, puisqu’il est impossible de démontrer avec certitude l’existence d’une tradition apostolique.

Dans le chapitre suivant, Bellarmin démontre qu’en soi la sainte Écriture n’est pas absolument nécessaire pour conserver la doctrine du Christ : avant Moïse, la religion primitive ne s’est-elle pas gardée dans l’humanité sans le secours de Livres saints ? D’où, la nécessité de la tradition. C. iv. Qu’il existe des traditions doctrinales, où se trouvent contenues des vérités révélées, c’est là un fait que prouvent les Écritures ellesmêmes, c. v, les témoignages des papes et des conciles, c. vi, les Pères, c. vii, et plusieurs arguments de convenance, c. vin. Dans le c. ix, Bellarmin, à l’instar de saint Augustin, mais d’une manière plus didactique, établit cinq règles permettant de parvenir à la connaissance des véritables traditions :

Première règle : Quand l'Église universelle reçoit comme un dogme de foi une vérité qui n’est pas contenue dans l'Écriture, on peut être assuré que cette vérité provient de la tradition apostolique.

Deuxième règle : Quand l'Église universelle conserve une institution que Dieu seul a pu établir et qui cependant ne se trouve consignée en aucune Écriture, on peut être assure que cette institution vient du Christ ou des apôtres.

Troisième règle : Une institution que l'Église universelle a toujours conservée dans les siècles passés, doit à juste titre être considérée comme une institution apostolique, même si elle pouvait à la rigueur être une institution purement ecclésiastique.

Quatrième règle : Si tous les Pères de l'Église, soit réunis en concile général, soit écrivant chacun séparément, sont unanimes pour affirmer l’origine apostolique d’une vérité ou d’une institution dans l'Église, il faut croire qu’en efiet on se trouve en face d’une tradition apostolique.

Cinquième règle : Si, dans une Église, on peut par la succession des évêques remonter sans interruption à un apôtre et si on peut démontrer qu’aucun évêque n’a introduit à un moment donné une doctrine nouvelle, il faut tenir poui certain que cette Église a conservé les traditions apostoliques.