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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/670

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TRADITION. LES THÉOLOGIENS (XVII* S.)


Les trois derniers chapitres résolvent les difficultés opposées par les adversaires, au nom de la sainte Écriture, des Pères eux-mêmes et de la raison.

2. Les deux jrères Adrien († 1669) et Pierre († 1675) de Wallenbourg, auteurs de l’ouvrage De controversiis tractatus générales, Cologne, 1669, réédité dans Migne, Théologies cursus complctus, t. i, col. 799-996.

Leur étude de la tradition se trouve au traité vi, De lestimoniis seu traditionibus non scriptis, col. 911924. Mais, pour comprendre le point de vue auquel se sont placés les deux apologistes, ce traité doit être encadré entre le précédent qui le prépare, De perpétua probatione fidei per testes, col. 883-910, et le suivant qui le complète, De prsescriptionibus catholicis, col. 923-940. La foi chrétienne, de par l’institution même du Christ, doit être proposée par le témoignage : fides ex auditu. Les protestants commettent une erreur fondamentale en consultant uniquement l’Écriture. Il suffit dès lors de rechercher quels sont et où sont les véritables témoins de la foi chrétienne : les auteurs énumèrent les « hommes apostoliques » qui ont continué le témoignage des apôtres en Allemagne, en Italie, en France, en Espagne, en Angleterre. Ce ne sont sans doute que de brèves indications, où la critique historique aurait vraisemblablement à relever, en fait, plus d’une assertion hasardée, mais le principe demeure juste et garde toute sa valeur. Le concile de Nicée, celui d’Épnèse et les autres conciles ne procèdent en somme que par témoignages. C’est aussi la méthode des saints Pères. C’est que l’ensemble de ces témoignages, continuant celui des apôtres, porte en lui-même la marque de l’infaillibilité doctrinale.

Ces principes une fois posés dans le traité v, il est plus facile d’en déduire, à rencontre des protestants, les conclusions concernant les traditions non écrites dans l’Église. L’argumentation est souvent directe et concrète. Les protestants sont pourchassés au nom des principes mêmes qu’ils défendent. Le mérite de l’ouvrage consiste plutôt à avoir adapté aux controverses modernes l’argument de prescription dont s’était servi jadis avec tant de succès Tertullien. Et c’est là, en réalité, un aspect du problème de la tradition qui jusqu’alors n’avait été qu’à peine touché, et qui méritait d’être mis en relief.

3. Bossue ! († 1704). — Dans son Exposition de la doctrine catholique, Bossuet s’exprime en ces termes sur la tradition :

Jésus ayant fondé son Église sur la prédication, la parole non écrite a été la première règle du christianisme ; et lorsque les Ecritures du Nouveau Testament y ont été jointes, cette parole n’a pas perdu pour cela son autorité : ce qui fait que nous recevons avec une pareille vénération tout ce qui a été enseigné par les apôtres, soit par écrit, soit do vive voix, selon que saint Paul même l’a expressément déclaré (II Thess., ii, 14). Et la marque certaine qu’une doctrine vient des apôtres est lorsqu’elle est embrassée par toutes les Eglises chrétiennes, sans qu’on en puisse marquer le commencement. Nous ne pouvons nous empêcher de recevoir tout ce qui est établi de la sorte, avec la soumission qui est duo à l’autorité divine ; et nous sommes persuadés que ceux de Messieurs de la religion prétendue réformée qui ne sont pas opiniâtres ont ce même sentiment au fond du cirur, n’étant pas possible de croire qu’une doctrine reçue dès le commencement de l’Église vienne d’une autre source que des apôtres. C’est pourquoi nos adversaires ne doivent pas s’étonner si, étant soigneux do recueillir tout ce que nos pères nous ont laissé, nous conservons le dépôt do la tradition aussi bien que celui des Écillurcs. Œuvres complètes, édit. Vives, 1867, t. xiii, p. 96-97.

Dans ses Fragments relatifs à l’Exposition, Bossuet complète cet enseignement. Il pose en principe qu’il ne faut pas perdre quelque partie de la doctrine des apôtres. Car « on convient que, soit qu’ils prêchassent, suit qu’ils écrivissent, le Saint-Esprit conduisait également leur bouche et leur plume ; et comme ils n’ont

écrit nulle part qu’ils aient mis par écrit tout ce qu’ils ont prêché de vive voix, nous croyons que le silence de l’Écriture n’est pas un titre suffisant pour exclure toutes les doctrines que l’antiquité chrétienne nous aura laissées ». Qu’il en soit ainsi en réalité, c’est ce que Bossuet démontre par la recommandation de Paul à Timothée dans la deuxième épître « une des dernières que saint Paul ait écrite », et « quoique cet Apôtre eût déjà écrit des choses admirables, on voit qu’il ne réduit pas Timothée à lire simplement ce que lui-même ou les autres apôtres auraient écrit ; mais que, sentant approcher sa fin, de même qu’il avait pris soin de laisser quelqu’un après lui qui pût conserver le sacré dépôt de la parole de vie, il veut que Timothée suive cet exemple. Il lui enseigne de vive voix les vérités chrétiennes, en présence de plusieurs témoins : il lui ordonne d’instruire à son imitation des hommes fidèles, qui puissent répandre l’Évangile et le faire passer aux âges suivants. Ainsi la tradition de vive voix est un des moyens choisis par les apôtres, pour faire passer aux âges suivants et à leurs descendants les vérités chrétiennes ». Ibid., t. xiii, p. 329. Cf. Première instruction pastorale sur les promesses de l’Église, n. 27-28, ibid., t. xvii, p. 110-112. Ce principe une fois affirmé et admis, Bossuet fait une concession, non pour restreindre la portée de l’argument de tradition, mais pour lui donner plus de force convaincante à l’égard des adversaires. Pour éliminer la confusion entretenue par les protestants au sujet de l’Église romaine, il veut se contenter des premiers siècles de l’ère chrétienne, dans lesquels le mot « Église » est appliqué plutôt à la chrétienté tout entière, « depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, et depuis le Septentrion jusqu’au Midi ». Mais alors, si dans cette Église universelle, nous trouvons une doctrine de tous acceptée, et si « ceux qui l’ont constamment prêchee marquent qu’elle venait de plus haut et n’en nomment point d’autres auteurs que les apôtres, on ne peut s’empêcher de reconnaître dans cette succession de doctrine la force des instructions de vive voix, que les apôtres ont voulu faire passer de main en main aux siècles suivants ». Ibid., t. xiii, p. 329-330.

Comment reconnaître avec certitude cette origine apostolique ? C’est le cas de rappeler la règle de saint Augustin : « On doit croire que ce qui est reçu unanimement et qui n’a point été établi par les conciles, mais qui a toujours été retenu, vient des apôtres, encore qu’il ne soit pas écrit. » P. 330. Mais n’est-ce pas fonder la foi sur l’autorité des hommes ? Non, répond Bossuet, « car nous ne fondons pas la tradition sur les sentiments particuliers des saints Pères, qui étaient en eflet sujets à faillir, mais sur une lumière supérieure et sur un fond certain de doctiine, dont les Pères rendent témoignage et que nous voyons prévaloir au milieu et au-dessus des opinions particulières ». Ibid., p. 337. En somme, la valeur du témoignage unanime des Pères repose en ceci, c’est qu’ils sont l’écho de l’enseignement infaillible du magistère ordinaire de l’Église.

Bossuet veut enfin dissiper deux malentendus. Le premier concerne les éloges apportés par saint Paul à l’Écriture, lorsqu’il déclare que « toute Écriture divinement inspirée, est propre à enseigner, à convaincre, à reprendre, à instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfait, instruit à toute bonne œuvre ». II Tim., iii, 16, 17. Admettre, à côté de cette Écriture, un enseignement purement oral, n’est-ce pas diminuer ou infirmer les éloges de Paul ? Non, car si l’antiquité chrétienne nous apporte quelque doctrine que l’Écriture taise, ou dont elle ne parle pas assez clairement, c’est l’Écriture elle-même qui nous apprend à la respecter et à la recevoir des main*, de l’Église… Nous soutenons que non seulement les tra-