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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/88

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TERTULLIEN. DOCTRINE, LA PÉNITENCE


soins de propreté et renonce aux bains, se nourrit de pain et d’eau, jeune, pleure, mugit nuit et jour devant le Seigneur. Consigné à la porte de l’église pendant le service divin, il se traîne aux pieds des prêtres, des veuves, de tous les amis de Dieu ; il supplie tous les frères d’intercéder pour lui. C’est ainsi qu’il satisfait réellement Dieu, qu’il apaise sa colère, qu’il éteint les feux de l’enfer dont il était menacé. Les prières et les larmes que les fidèles répandent pour lui sont comme les prières et les larmes du Christ ; elles attirent sur lui le pardon divin.

Pas plus qu’il n’entrait dans le détail sur la confession des péchés, Tertullien n’explique la manière dont est conféré le pardon. Il est manifeste pourtant que le pardon est assuré au pécheur repentant d’une manière officielle et qu’il doit être prononcé par un acte public ; au bout d’un certain temps en effet, le pénitent est admis à rentrer dans l’Église, à participer à la liturgie avec les fidèles et cela ne se comprend que s’il a été réconcilié au vu et su de tous. On n’entre pas comme on veut dans la catégorie des pénitents ; on n’en sort pas non plus comme on veut : il n’y a, croyons-nous, qu’une décision de l’évêque qui puisse ouvrir les portes de l’Église, après les avoir fermées. Le parallélisme rigoureux, établi entre la pénitence et le baptême, exige que la pénitence ait des effets analogues, qu’elle opère dans l’âme un véritable renouvellement, faute de quoi elle ne servirait de rien. Or, la pénitence sert ; elle est bienfaisante ; elle rend à celui qui l’a subie tous ses droits de chrétien.

On le voit, le De psenilentia laisse dans l’ombre bon nombre de questions. Telles quelles, les descriptions que donne ce traité et les renseignements qu’il apporte sont déjà d’un très haut prix. On ne saurait douter qu’aux environs de 200, l’Église de Carthage eût connu et pratiqué l’usage de la pénitence. Tous les péchés, quels qu’ils soient peuvent être accusés et remis : nulle part Tertullien ne laisse même soupçonner qu’il connaît des fautes irrémissibles. Il sait sans doute qu’il y a des fautes plus graves les unes que les autres et, de leur nature, toutes les fautes qui sont la matière d’une pénitence officielle sont déjà graves ; mais il ne fait pas de distinction entre celles qui peuvent être pardonnées et celles qui ne le peuvent pas. L’Église a le droit de faire rentrer dans son sein tous ceux qui se sont soumis aux exigences de l’exomologèse. La seule restriction concerne l’unité de la pénitence et Tertullien y insiste : après le baptême, il n’y a plus qu’une planche de salut : sed jam semel quia secundo, sed arnplius nunquam, quia proxime frustra. De psenit., va. Les relaps sont définitivement condamnés, non par Dieu sans doute, qui seul connaît les intentions et qui porte le jugement définitif sur les âmes, mais par l’Église. Même à l’article de la mort, le relaps est abandonné : son sort éternel appartient au Seigneur.

b) Le « De pudicilia ». — Le traité De pudicitia est sans doute le dernier ouvrage que nous possédions de I ri I ullien ; il est aussi le plus passionné et il est parfois difficile de faire la part entre les renseignements précis qu’il apporte et les exagérations dont il est rempli. Son témoignage est cependant précieux a recueillir.

L’occasion du traité est bien connue, Un évêque, que Tertullien désigne par ironie sous les titres de pontifex maximus, episcopus episcoporum, betudictus papa, et qui, selon toutes les vraisemblances, doit être identifié a l’évêque de Cari liage Agrippions, a fail publier un édll en vertu duquel peuvent être remises les fautes d’adultère et de fornication. Tertullien s’en indigne comme d’une nouveauté criminelle.

L’étonnement de Tertullien nous étonne nous même. Dans le De pmnitentia, nous venons de le rappeli i. Iii rivain ne connaît pas de fautes Irrémissibles. i.w/". Mm, .. i. : i. il énumëre tept i

DU l. Dr, i ni OL.’i BOL.

particulièrement graves : septem maculis capdalium delictorum… idololatria, blasphemia, homicidio, adullerio, stupro, falso lestimonio, fraude. Mais il ne songe pas à dire que ces péchés sont exclus du pardon ecclésiastique. Dans le De pudicitia, au contraire, il affirme avec netteté qu’il y a trois fautes irrémissibles : l’idolâtrie, l’impudicité et l’homicide. Il ne se contente pas de l’affirmer. Il s’efforce de le prouver en faisant appel au témoignage de l’Écriture elle-même.

Si forte est son indignation qu’il nous est difficile de croire à une feinte. Deux hypothèses s’offrent à nous pour l’expliquer. D’une part, il y a lieu de tenir compte des exigences de la morale montaniste, plus rigoureuse et plus sévère que la morale catholique. Tertullien, complètement gagné par la nouvelle prophétie, n’ayant plus à garder aucun ménagement envers ceux qu’il désigne sous le nom injurieux de « psychiques », ne saurait admettre qu’on acceptât dans l’Église des baptisés coupables de l’une des trois fautes indiquées. Mais cela ne suffit pas. Car il est manifeste qu’Agrippinus, évêque catholique de Carthage, a décidé d’absoudre les impudiques et les adultères. Donc, on ne le faisait pas avant lui ; tout au moins était-on resté quelque temps sans le faire. On est donc amené à croire qu’entre le De psenilentia et le De pudicitia, la discipline de l’Église de Carthage s’était modifiée dans le sens de la sévérité et qu’Agrippinus avait cru devoir revenir aux pratiques indulgentes de ses prédécesseurs. Nous n’avons pas à être surpris de ces variations. Saint Hippolyte nous atteste qu’à Rome, le pape saint Calliste a témoigné également beaucoup d’indulgence pour les pécheurs repentants, et que ses réformes ont été vues d’un mauvais œil par les partisans de la sévérité. Plus tard, au temps de saint Cyprien, se posera d’une manière pressante la question des lapsi et ce n’est pas du premier coup qu’en sera fournie la solution définitive.

Plus importante que le pardon accordé aux adultères et aux impudiques qui font pénitence est l’indication du ministre de ce pardon. Le De psenilentia était muet sur ce point. On voit clairement, dans le De pudicitia, que le droit de pardonner appartient à l’évêque. L’édit insiste : Eqo… dimitto. Agrippinus s’appuie sans doute sur les exemples du Sauveur, sur les leçons données dans le Nouveau Testament ; mais c’est lui qui commande, el après avoir justifié sa mise ricorde, il légitime encore ses droits : l’Église a le pouvoir de remet Ire les péchés et l’Église est représentée par l’évêque qui en est le chef : n’est-ce pas l’évêque, en effet, qui a hérité des droits conférés à Pierre par le Seigneur lui-même ?

L’embarras avec lequel Tertullien accueille ces fières déclarations est visible. Il ne peut pas contester le principe général, le pouvoir de l’Église de remet Ire les péchés ; seulement, il fail ici une distinction subtile : l’Église, dit-il, est proprement et principalement l’Espril, c’est-à-dire la Trinité divine, l’ère. Fils et Saint-Ksprit, puis les fidèles qui s’y agrègent. Ainsi l’Église remettra les péchés, mais l’Église-Esprit, par le ministère de l’homme spirituel, et non l’Église collection d’évéques : Ipsu Ecclesia propria et principaliter est Spirilus… lit iilco Ecclesia quidem delicta donabit, sed Ecclesia Spirilus, per sptritalem hominem, mm Ecclesia numeriu episcoporum, Dr pudic, . (.’est la pure

doctrine montaniste. Ici. elle n’est pas autre chose qu’une échappatoire et nous ne savons pas comment Tertullien lui même en aurait fail l’application.

Il est vrai qu’il conteste la portée de l’argument mis en avant par Agrippinus. > Tu prétends, dit il. que le pouvoir <le délier el île lier a passé également Ù loi.

i due a toute Église voisine de Pierre, <"’te… ni est ad omnen Bcclesiam Petrl propinquam. Qu’es-tu

donc, pour détruire et transformer l’intention ni.ini b lie du Seigneur, qui a rouble pei snnnellement ce

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