Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1011

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

3551

WIMIMNA (CONRAD ;

lièrement visé dans ces thèses, avait eu l’idée de répliquer par les voies universitaires. Il avait été élève à Leipzig. Il connaissait sûrement le docteur Conrad Wimpina. Poussé sans doute par ses supérieurs de l’ordre de Saint-Dominique, Tetzel vint le trouver à Francfort-sur-1’Oder. Ensemble, ils mirent sur pied des thèses destinées à combattre celles de Luther. Tetzel les développa et les soutint, en séance publique, à Francfort, le 20 janvier 1518. Les dominicains, au nombre de plus de 400, assistaient à ce triomphe académique. Les thèses furent ensuite imprimées. Un ballot de plus de 800 exemplaires arriva à Wittenberg, en mars 1518. Dans une lettre du 21, Luther disait à Spalatin : « Les étudiants, qui sont prodigieusement las des anciens programmes sophistiques d’études et incroyablement avides de la Bible, peut-être aussi poussés par leur affection pour moi…, ont entouré le colporteur, lui ont fait peur de ce qu’il osait apporter ici de telles choses, lui en ont acheté quelques exemplaires, enlevé les autres. Quant à ce qui restait, environ 800 — après avoir lancé des invitations à quiconque voudrait assister à la combustion et aux funérailles des thèses de Tetzel de venir sur la place publique à deux heures — ils ont tout brûlé, sans avoir prévenu ni le prince, ni le sénat, ni le recteur, ni aucun de nous. Certes, cette grave insulte faite par les nôtres à cet homme nous déplaît beaucoup à tousl » Enders, Luthersbriefwechsel, t. i, p. 170. Luther ajoutait immédiatement : « Tout le monde proclame le D. Conrad Wimpina véritable auteur de ces thèses et je regarde la chose comme certaine. »

Les critiques sont unanimes à partager l’opinion de Luther. Les thèses de Tetzel avaient bien été rédigées par Wimpina. Le biographe de Tetzel, Nicolas Paulus, regarde la chose comme indubitable. Il a publié ces thèses d’après un exemplaire original de la bibliothèque de Munich. Nous suivons ici sa numération la plus récente, car les thèses, au nombre, non point de 106, comme on le dit parfois, mais de plus de 122, furent réduites plus tard à 95, comme celles de Luther. Visiblement, Wimpina s’attache à réfuter les objections de Luther. Celui-ci avait insinué que les indulgences nuisent à l’esprit de pénitence ; qu’elles donnent une fausse sécurité ; qu’elles induisent le peuple à croire que l’on peut faire son salut sans la croix du Christ, en achetant le pardon papal ; que le pape ferait mieux de bâtir la basilique Saint-Pierre de son propre argent plutôt qu’avec celui des pauvres fidèles. Enfin, l’une des principales thèses de Luther était que le pape ne peut remettre que ses propres censures et nullement les peines imposées par la justice divine, encore moins celles des âmes du purgatoire, sur lesquelles il ne possède pas le pouvoir des clés.

C’est en se rappelant ces assertions de Luther qu’il faut interpréter les suivantes de Wimpina : « Que le pape n’entende pas, par rémission plénière, celle de toutes les satisfactions, mais seulement de celles qu’il a imposées, est une erreur. » Th. 26. « Le pape peut remettre pleinement par les indulgences la peine due aux péchés contrits et confessés, soit qu’elle vienne de lui, soit de la sentence d’un prêtre, soit de quelque canon ecclésiastique, soit même de la justice divine. Le nier est une erreur. » Th. 7. Toutefois « si complètement que l’on soit délivré de la peine par l’indulgence…, le fidèle ne doit aucunement se relâcher, durant toute sa vie, des œuvres satisfactoires, qui sont curatives, préservatives et méritoires ». Th. 8, 9, 49. « Il reste en effet des blessures du péché, un penchant, une facilité de récidive, et pour les guérir, comme pour ne pas tomber de nouveau dans le péché, sont nécessaires les peines médicatives, les croix, les mortifications. » Th. 93-94.

Un point sur lequel on discutait beaucoup, c’était de savoir si la contrition est nécessaire pour l’obtention de l’indulgence et pour l’achat des conjessionalia (lettres d’indulgence donnant au porteur le droit de choisir son confesseur et de se faire donner par lui, une fois dans sa vie, l’indulgence plénière au nom du pape). Très correctement, croyons-nous, Wimpina soutient que la contrition et la confession ne sont nécessaires qu’au moment de recevoir l’indulgence, mais non au moment où l’on achète le confessionale. De même, il soutient que la contrition n’est pas nécessaire pour gagner l’indulgence pour les défunts, lorsque seule l’aumône est exigée. L’indulgence pour les défunts, dit-il, n’agit que per modum suffragii. C’est du reste pour cela que, sans avoir le pouvoir des clés pour le purgatoire, le pape peut concéder de telles indulgences. Elles ne s’appliquent que selon la miséricorde divine et selon l’état de grâce des âmes des défunts. Donc, il suffit d’accomplir l’œuvre pieuse, par exemple l’aumône demandée pour la basilique Saint-Pierre, pour que l’indulgence soit applicable, si le pape l’a ainsi spécifié, aux âmes du purgatoire, per modum suffragii, th. 42, où l’auteur soutient que c’est même un dogme chrétien que ceux qui achètent le confessionale pour un ami, ou le jubilé pour les âmes du purgatoire, peuvent le faire sans avoir eux-mêmes la contrition. Par contre, pour gagner l’indulgence pour soi-même, il est formel : « Sans la foi, la dévotion, bien plus, sans la confiance dans les indulgences, elles sont inutiles. » Th. 59. — Au sujet de la basilique Saint-Pierre, Wimpina, réfutant Luther, déclare sagement : « Que le pape ne construise pas la basilique de Pierre de son propre argent, si on veut bien le comprendre, c’est un acte de pitié et non d’avarice de sa part, afin de pouvoir gratifier de ses indulgences ceux qui participent à une œuvre pieuse, leur remettre leurs peines et les sauver. C’est aussi justice que l’église commune à tous les chrétiens soit restaurée aux dépens de tous. » — On reprochait à Tetzel d’avoir dit : « Dès que retentit l’obole dans la caisse du percepteur d’indulgences, l’âme du purgatoire, pour qui elle est donnée, s’envole au paradis. » Luther avait tourné cette affirmation en ridicule. Il y avait là de toute évidence une exagération oratoire. Les prédicateurs y sont sujets 1 Wimpina répliquait prudemment : « L’âme s’envole (au paradis) quand elle entre en possession de la vision divine, ce qui ne peut être empêché par aucun obstacle (et ne demande aucun laps de temps). Quiconque déclare donc que l’âme ne peut (non citius posse) s’envoler plus vite que le denier ne retentit au fond de la caisse, se trompe. » Th. 34.

Wimpina ne cessa plus de combattre Luther jusqu’à sa mort. Dans l’intervalle, le novateur avait singulièrement élargi le champ des controverses doctrinales. Il avait bousculé sans pitié les dogmes les plus vénérables et les plus solides du catholicisme. Wimpina publia, en 1528, son principal ouvrage contre le luthéranisme, sous ce titre : Sectarum, errorum, hallucinationum et schismatum… anacephalœoseos. .. librorum partes très, Francfort-sur-Oder, 1528, désigné d’ordinaire sous le nom d’Anacephalœosis ou Récapitulation. Pour lui, le luthéranisme est le confluent de toutes les sectes et des erreurs de tous les temps. On y retrouve les hallucinations d’un Arius, mais surtout d’un Wyclif, d’un Jean Hus, de Jean de Wesel, de Wessel, et même l’antinomisme d’un Amaury de Bène. Cet ouvrage est un des plus forts qui aient été écrits, à cette époque, contre Luther et il est pénétré d’une ardente conviction.

Au temps de la diète d’Augsbourg, comme on avait publié la confession luthérienne dite des 17 articles de Schwabach (1529), Wimpina s’empressa de compo-