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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1024

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WITASSE (CHARLES) WITZEL (GEORGES)


Le Moréri est plein d’éloges pour Witasse : « Il traitait, dit-il, les mystères avec respect, l’histoire avec érudition et la scolastique avec netteté. Son style était à la fois simple, net et concis. » Par ailleurs, ses qualités morales répondaient à sa capacité. Il est, somme toute, un type fort représentatif des sorbonnistes du xviiie siècle.

Moréri, Le grand dictionnaire, t. x, au mot Witasse ; Michaud, Biographie universelle, t. xliv, au mot Vuitasse ; Hurter, Nomenclator, 3e éd., t. IV, col. 739-740, cꝟ. 844 (un peu animé contre cet adversaire de la bulle Unigenilus).

É. Amann.


WITZEL Georges, théologien et controversiste du temps de la Réforme (1501-1573).

I. Vie.

C’est un singulier personnage que G. Witzel : rallié d’abord à la cause de la Réforme, il rompt ensuite bruyamment avec les chefs de celle-ci pour se mettre au service des idées catholiques, ce qui ne l’empêche pas de mourir plus ou moins suspect aux intégristes de la Contre-Réforme.

Né en 1501 à Vacha-sur-Werra (aujourd’hui dans la Saxe-Weimar), il commence ses études à l’université d’Erfurt en 1516 ; il fréquente ensuite celle de Wittenberg, où il eut pour maîtres Luther, Carlstadt et Mélanchthon ; c’est déjà le moment de la rupture de Luther avec l’Église (la bulle Exsurge est du 15 juin 1520), mais il n’y a pas encore à proprement parler de schisme luthérien. La sympathie que le jeune Witzel éprouve dès lors pour la Réforme ne l’empêche pas de demander l’ordination à l’évêque de Mersebourg, en 1521 ; prêtre, il devient vicaire dans sa ville natale. Mais le célibat lui pèse ; en 1523, il adresse à l’abbé de Fulda, dont il dépendait, une requête demandant qu’il lui fût permis de se marier, tout en conservant sa situation ecclésiastique ; comme cette requête ne reçoit pas de réponse, il se donne à lui-même la dispense réclamée et convole avec la fille d’un habitant d’Eisenach. Il regrettera plus tard ce mariage que rien d’ailleurs ne put le décider à rompre. En 1524, ayant perdu sa place de vicaire, il est obligé de se retirer à Eisenach, pays de son beau-père. C’est là qu’il fait la connaissance de l’agitateur religieux et social Jacques Strauss, dont il seconde quelque temps les efforts. Toutefois il ne se rallie pas définitivement à Thomas Mûnzer, lors de la révolte des paysans (1524-1525) ; malgré ses sympathies pour les revendications du peuple, il essaie d’enrayer le mouvement révolutionnaire. Quand celui-ci eut été écrasé, Witzel, sorti à peu près indemne de l’aventure, se rend à Erfurt, puis à Wittenberg, où il compte encore sur l’appui de Luther, qui lui fait avoir une petite paroisse à Niemegk. À ce moment Witzel est sans doute gagné à la cause de la Réforme ; il se livre à de vigoureuses sorties contre la domination du pape, regnum Romani pontificis, mais d’autre part on sent déjà percer chez lui des plaintes contre la mauvaise tenue morale des premiers adhérents de « l’Évangile » : la doctrine de la justification par la foi sans les œuvres commence à engendrer le laxisme moral. Witzel le sent, le dit, peu à peu cette constatation va le détacher de l’évangélisme primitif. Au même résultat contribuent et l’étude des Pères de l’Église à laquelle il se livre avec ardeur, et tout autant les relations avec Érasme. Au vrai, ce qui avait conduit Witzel à l’évangélisme, ce n’étaient ni les doctrines de la Justification, ni le besoin de la certitude du salut ; il est avant tout un réformiste qui voit les abus trop réels dont soutire l’Église et voudrait l’en purifier. Or, ce cpri’il constate dans les réformateurs, c’est une sorte d’hostilité contre les bonnes rruvres et Ions les écrits de Luther sur la question ne p ; ir iemient pas à le tranquiliser. Il cherche donc un autre idéal et progressivement le luthéranisme lui apparaît dans

son allure « sectaire », antiecclésiastique. En même temps, par une sorte de fatalité, quelques relations qu’il a avec Campanus sont interprétées par Wittenberg comme un signe de son adhésion aux doctrines antitrinitaires, ce qui n’était pas exact. Bientôt la brouille est complète entre lui et les dirigeants de la Réforme ; en 1531 il abandonne Niemegk.

Alors commence la lutte ouverte contre la « secte » luthérienne En même temps il est à la recherche d’une situation dans l’Église catholique, situation que son mariage ne lui permettait pas facilement de trouver. Il échoue dans bien des démarches, en dépit de la bonne volonté de certains catholiques qui comprenaient le renfort qu’un tel homme apportait à leur cause. En 1533 toutefois, le comte de Mansfeld le fait admettre comme prédicateur dans l’église Saint-André d’Eisleben, où il dirige un groupe minuscule de catholiques tout en polémiquant par la parole et la plume contre les protagonistes de la Réforme. Puis le duc Georges de Saxe se l’attache et l’emmène avec lui à Dresde et à Leipzig (après 1538). Avec son protecteur il cherche, puisque les espoirs de concile souhaité ne se réalisent guère, à grouper, dans les deux camps, les hommes de bonne volonté qui voudraient, par des concessions réciproques, amener la pacification religieuse de l’Allemagne. C’est ainsi qu’il prend une part importante au colloque de Leipzig, avril 1534. Cf. Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. vin b, p. 1180 sq. Le duc l’encourage à la publication d’un recueil de réflexions sur l’Écriture qui serait l’antidote des Postillen’de Luther et qui serait imposé en Saxe. La mort du duc Georges (1539), remplacé par Jean-Frédéric, acquis au luthéranisme, vint mettre un term^à ces projets ; Witzel doit s’enfuir en Bohême ; de là il tente de passer à Berlin, où il espérait trouver dans l’électeur de Brandebourg quelqu’un de favorable à son réformisme catholique. En fait Joachim II ne tardait pas à passer au franc luthéranisme. C’est pour Witzel le début d’une vie errante, qui le mène en Lusace, en Silésie, à Bamberg, à Wurzbourg. A partir de 1541, il est à Fulda, où l’abbé lui donne un asile qui le mettra à l’abri du besoin pendant une dizaine d’années. De là il suit avec attention les différentes tentatives de rapprochement entre catholiques et protestants soit avant l’ouverture, soit après les débuts du concile de Trente. Il est à la dicte de Ratisbonne (printemps de 1542) — on a dit qu’il fut l’auteur du fameux Livre de Ratisbonne ; ce n’est pas prouvé — il est à celle de Spire de 1544 ; il sera à celle d’Augsbourg de 1548, dont il défendra les résolutions connues sous le nom d’Intérim. Mais le séjour à Fulda n’est plus sûr pour lui ; déjà en 1547 il avait été obligé de le quitter provisoirement ; en 1552 il s’enfuit de manière définitive et vient s’installer à Maycnce, où il passera les vingt dernières années de sa vie, sans qu’on puisse dire avec certitude s’il professa à l’université. C’est de Maycnce qu’il se rend en 1557 aux entretiens de Worms, où il renoue connaissance avec Pflug, évêque de Naumbourg, avec qui il avait collaboré jadis à Ratisbonne, et lie des relations avec G. Cassandcr. Ferdinand l’avait nommé conseiller impérial ; Maximilien, à partir du 1° septembre 1564, lui faisait une pension annuelle de 100 florins. Mais sa situation continuait d’être bizarre, sinon Irrégulière. Après la mort de sa première femme, en 1554, il avait contracté avec sa servante un mariage Secret. Celle-ci morte en 1562. il convolait encore en troisièmes noces, fout cela, sans compter les idées qu’il affichait,

sans compter les attaques auxquelles il se livrait

volontiers contre les jésuites, ne laissait pas de faire planer des doutes sur le sérieux de sa religion. Pourtant il inouï ut en catholique et fut enterré dans l’église

Saint-Ignace (16 février 157.’)).