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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1103

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ZWINGLI. PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE


(5 novembre), dans Opéra, t. iv, p. 188-337 ; 369-433 ; 577-647).

Ce fut justement au cours de 1525 que se déroula la terrible Guerre des paysans, qui se termina par une si effroyable répression des anabaptistes. Balthasar Hubmayer était l’auteur, croit-on aujourd’hui, des Douze Articles qui avaient servi aux révoltés de charte de revendications. La guerre ne toucha que fort peu aux territoires suisses. La répression à Zurich se borna à l’exécution d’un meneur exalté. Zwingli conseilla une fois de plus de recourir à une grande dispute, qui eut lieu du 6 au 8 novembre 1525. Il y eut facilement le dessus. Le calme ne fut toutefois complètement rétabli que par l’interdiction de l’anabaptisme, par ordonnance du 7 mars 1526, et par l’exécution de Félix Manz, le 7 janvier 1527, qui fut jeté à l’eau, pieds et poings liés. Blaurock fut fustigé en public, puis banni, il sera brûlé à Inspruck, en 1529. Grebel était mort de la peste, dès 1526. Hubmayer se rétracta, sous la torture, à Zurich, puis finit sur l’échafaud à Vienne, en 1528. L’anabaptisme fut exécré en Suisse dans les Églises officielles, comme il l’était en Allemagne. Dès le 28 mai 1525, Zwingli avait dit son horreur pour lui, dans une lettre à Vadian : « Il n’y a pas, écrivait-il, de calamité plus redoutable pour l’Évangile que celle des rebaptisants. .. Toutes les luttes antérieures n’ont été que des jeux auprès de celle-ci 1° Opéra, t. viii, p. 331332. Il ajoutait pourtant : « Je n’ai pas voulu pousser à fond l’attaque de peur d’exaspérer le Conseil contre euxl » Il freinait donc, ainsi qu’on l’a dit, et parlait volontiers de « syncrétisme », c’est-à-dire de transactions, de concessions réciproques. Il avait le sens très net du tort que la soi-disant Réforme se faisait par ses dissensions. Le principe biblique se réfutait de lui-même par là. Il aurait voulu une alliance entre tous les adversaires de l’Église romaine. Mais ni Luther, sur sa droite, ni les anabaptistes, sur sa gauche, ne se prêtaient à cette politique, estimant sans doute qu’en matière biblique il n’y a pas de transaction possible. La parole de Dieu est ce qu’elle est, nul n’a le droit d’y rien changer. Seulement, qui définira le sens certain de cette parole, quand il y aura controverse ? L’antique Église chrétienne avait dit : « Rome et le concile œcuménique. » En s’écartant de cette formule, vraiment biblique pourtant, la soi-disant Réforme ne trouvait qu’incertitudes et contradictions. Nous ne reviendrons pas ici sur la célèbre querelle sacramentaire (voir ce mot), qui opposa si longtemps et si violemment Zwingli et Luther. Cette querelle remplit et assombrit les dernières années du réformateur suisse. Mais avant de dire quelques mots des ouvrages de Zwingli, nous essaierons de définir sa zone d’influence, et de rappeler les circonstances de sa mort tragique.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur la volumineuse correspondance de Zwingli, telle qu’elle nous a été conservée et en dépit des lacunes que l’on y remarque, pour constater l’énorme influence qu’il a exercée, non seulement à Zurich et dans les cantons suisses gagnés à la révolution protestante, mais dans tout le sud et le sud-est de l’Allemagne. Ceux qui lui écrivent, qui réclament ses avis, qui se font gloire de suivre ses directives et ses exemples, de lire ses ouvrages et de lui soumettre leurs productions, sont tous, comme lui, des « réformateurs » de villes libres. Citons Berchtold Haller et Kolb à Berne, hommes de médiocre envergure que Zwingli dirige comme des enfants ; Erasmus Ritter et Sébastien Hofmeister de Schaffhouse ; Fridolin Brunner, curé de Claris, la première paroisse de Zwingli, et surtout Œcolampade, l’illustre théologien de Bâle. En dehors de la Suisse, l’action de Zwingli est très sensible à Strasbourg.

Les t réformateurs » de cette cité, Bucer, Capito, Hedio, sont en fréquents rapports épistolaires avec lui. Tout ce qu’il dit ou fait les intéresse. Capito surtout a constamment les yeux tournés vers le rival de Luther. Il prend parti pour lui, dans la querelle eucharistique. Leurs lettres sont dures pour le réformateur de Wittenberg. Ils l’accusent sans ambages de vouloir se faire pape, de détruire tout esprit de liberté. Capito goûtait fort, par contre, le républicanisme de Zwingli. Il n’hésitait pas à le placer « pour la cause et les talents » au-dessus d’Érasme et de Luther. Opéra, t. ix, p. 218, lettre du 24 septembre 1527.

De cette correspondance abondante, nous retiendrons seulement ici les utiles conseils que donne Zwingli à Œcolampade, le 3 janvier 1527, sur les ruses à observer contre ses adversaires catholiques, ce sont celles qu’il a pratiquées lui-même à Zurich, en sorte qu’il résume lui-même sa politique : avertir par lettre les prêtres romains que, s’ils persistent à prêcher comme ils le font, ils seront dénoncés nominativement au peuple et publiquement réfutés ; s’ils persistent, comme il est probable, s’arranger pour faire assister à leurs sermons des affidés sûrs, d’esprit calme et rassis, qui rapporteront à la lettre, leurs « mensonges et vaines déclamations », réfuter leurs dires sans les nommer encore, mais avec menace de le faire, provoquer de la sorte des incidents qui obligeront le Conseil de ville à prescrire une dispute publique. Là, on est sûr de faire triompher « l’Évangile », mais il faudra faire comprendre au Conseil que < c’est une chose capable d’engendrer des troubles que de laisser, dans la même cité, le peuple tiré en sens divers par des sermons opposés ». Opéra, t. ix, p. 8. Donc, on fera interdire l’exercice du catholicisme, au nom de la paix publique !

Parmi les admirateurs de Zwingli, il faut compter encore Conrad Sam, le « réformateur » d’Ulm, organisateur assez brouillon, qui ne réussit que passagèrement à faire prédominer le zwinglianisme dans sa patrie. La puissance conquérante de l’Église zwinglienne rencontre en fait trois sortes de limites : le luthéranisme, qui, au nord de Nuremberg, lui oppose un mur infranchissable ; l’anabaptisme, qui garde des adhérents secrets dans les bas-fonds ; le catholicisme enfin qui reste maître d’une partie importante de la Suisse, comme on va le voir.

Zurich faisait partie d’une Confédération, devant laquelle ses actes lui donnaient une responsabilité qui pouvait devenir lourde. On a vu que, sous l’influence de Zwingli, la ville avait fait bande à part dans la question du recrutement militaire, dès 1521. Cette attitude politique dut s’ajouter à la raison religieuse pour motiver des suspicions. On a vu qu’à la dispute de Baden, en 1526, une grosse majorité s’était prononcée pour le champion du catholicisme. En 1528, du 7 au 26 janvier, Zwingli prit sa revanche, après une soigneuse préparation, à la dispute de Berne, où l’on se garda bien d’inviter Jean Eck, qui avait offert de venir défendre sa foi. Les réformateurs y remportèrent de faciles succès. Les thèses de Berne, après l’affirmation obligatoire du biblicisme exclusif, contenaient la condamnation de la présence réelle, de la messe, de l’intercession des saints, du purgatoire, du culte des images, du célibat ecclésiastique. Les résultats de cette dispute furent considérables. Berne fut gagné définitivement à la « Réforme ». Bâle suivit son exemple. Glaris, Schaffhouse, Appenzell étaient déjà gagnés ou allaient l’être. Cela faisait six cantons sur treize passés au zwinglianisme. L’unité politique de la Suisse était brisée. Pour se garantir contre les catholiques, les zwingliens formèrent une Alliance défensive (25 décembre 1527),