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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/179

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1887

    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. PREMIER EDIT DE JUSTINIEN

1888

pape Jean II une approbation de la formule jadis préconisée par les moines Scythes. Sous l’énergique pression du basileus, Rome se résignait à adopter une terminologie à qui le pape Hormisdas avait trouvé, quelques années plus tôt, un vague relent de monophysisme. De quelle importance était la concession de Jean II, on l’a indiqué plus haut et comment elle orientait la théologie dans une direction nouvelle. A la doctrine antiochienne qui avait triomphé dans l’Acte d’union de 433, qui avait été mise au point par le Tome de Léon, qui s’était exprimée à Chalcédoine, une autre théologie — ne disons pas un autre dogme — se substituait, celle que, dans ce temps même, élaborait Léonce de Byzance. Cette théologie, nous la verrons se formuler au mieux dans les anathématismes du concile de 553. Avec elle étaient absolument incompatibles les concepts archaïques des premiers maîtres antiochiens ; il était impossible qu’un jour ou l’autre les noms de ces docteurs ne fussent entraînés dans la réprobation générale qui frappait des conceptions maintenant périmées. La doctrine cyrillienne, écartée par Chalcédoine en dépit de la révérence extérieure témoignée au patriarche d’Alexandrie, allait prendre sa revanche.

Au fait elle la prit d’abord sur le terrain des réalités ecclésiastiques. Les intrigues de Théodora réussissaient à faire nommer en 535 aux deux sièges d’Alexandrie et de Constantinople deux prélats tout dévoués à la cause monophysite, Théodose d’une part et, d’autre part, Anthime. D’abord évêque de Trébizonde, ce dernier avait jadis fait partie de la délégation catholique à la conférence de 533 ; depuis il avait clairement manifesté ses sentiments. S’adressant à Sévère, il le comblait d’éloges, déclarait s’en tenir aux conciles de Nicée, Constantinople, Éphèse, à la doctrine de Cyrille et à l’Hénotique ; de même faisait-il dans sa lettre à Théodose d’Alexandrie. Voir Zacharie de Mitylène, textes signalés par Grumel, Regestes du patriarcal de Constantinople, n. 230 et 231. S’il n’avait tenu qu’à Théodora, le monophysisme allait triompher dans l’Église byzantine. Cédant aux nouvelles instances du Sacré-Palais, Sévère arrivait à Constantinople, à l’été de 535, pour conférer avec Anthime qu’il achevait de convertir à ses idées.

L’arrivée du pape Agapet dans la capitale, en février 536, mit fin à l’aventure. Sommé de s’expliquer sur le dogme des deux natures, Anthime, conseillé par Sévère, donnait sa démission ; il était remplacé par Menas que le pape lui-même consacra le 13 mars. C’était le début d’une réaction pro-chalcédonienne, dont le pape ne devait pas voir le développement, car il mourait le 22 avril suivant. Cette réaction se manifesta d’abord au concile présidé, au mois de mai, par le nouveau patriarche, Mansi, Concil., t. viii, col. 8731176, puis dans les mesures gouvernementales prises, au cours des semaines suivantes, contre Sévère et ses adhérents. Ce fut le prélude d’une véritable terreur blanche. En SyTie, en Egypte, des mesures drastiques furent prises contre ceux qui ne voulaient pas s’incliner devant les décisions de Chalcédoine. Transportées à Constantinople, les plus en vue des personnalités monophysites pouvaient maintenant paraître annihilées. Ce fut le contraire qui arriva, car Théodora veillait. Le palais de Derkos, lieu de déportation des chefs monophysites, devenait la pépinière où se conserverait, reprendrait vigueur, finalement serait transplanté en bonne terre le monophysisme que l’on aurait pu croire expirant. À l’un de ses moines, le patriarche Théodose d’Alexandrie faisait conférer l’épiscopat ; ce nouvel évêque passait le Bosphore et parcourait l’Asie Mineure, célébrant des ordinations, reformant partout l’Église sévérienne. Puis ce fut le tour de Jacques Baradéc, qui, ordonné lui aussi par Théodose, comme évêque d’Edesse et « métropolite œcuménique », allait ressusciter partout, en Syrie et en Egypte la hiérarchie monophysite. En moins de dix ans le péril monophysite que l’on avait cru définitivement conjuré redevenait plus redoutable que jamais. Deux grandes Églises, devenues résolument schismatiques, en faisaient leur doctrine officielle. Jacobites d’un côté, Coptes de l’autre poussaient à l’envi à la désagrégation de. l’Église œcuménique et de l’État byzantin qui l’abritait.

Serait-il possible, abandonnant le recours à la manière forte, de conjurer, par des concessions opportunes, ce dangereux séparatisme ? On finit par le penser au Sacré-Palais, sous l’influence d’un homme qui va jouer, désormais, dans la politique religieuse un rôle prépondérant, Théodore Askidas, promu, quelque temps après le « concile de Menas », au siège de Césarée de Cappadoce, mais qui fréquentait davantage la cour que les âpres régions dont il avait la gérance. Les contemporains ont vu en lui le principal animateur de la querelle des Trois-Chapitres. Celle-ci devait être d’ailleurs comme un prolongement de la controverse origéniste qui s’était déroulée à partir de 539. Cette année-là avait eu lieu à Gaza de Palestine un concile qui devait instruire l’affaire du patriarche d’Alexandrie, Paul le Tabennésiote, dont l’administration brutale et maladroite avait causé bien des troubles. Le concile avait été présidé par le diacre romain Pelage, demeuré à Constantinople après la mort du pape Apapet comme apocrisiaire du Siège apostolique. Profitant de la circonstance, les moines antiorigénistes de Saint-Sabas avaient saisi de leurs plaintes contre Origène l’apocrisiaire romain. C’avait été le point de départ de l’édit contre certaines doctrines du vieil Alexandrin rendu en 543. Voir l’art. Origénisme, t. xi, col. 1574 sq. Libératus, Breviarium, c. xxiv, P. L., t. lxviii, col. 1049, met directement en cause, dans cette affaire, la responsabilité de Pelage. C’est pour jouer un mauvais tour à Askidas, dont il voyait l’influence grandir de plus en plus au Sacré-Palais, au grand dam de l’orthodoxie chalcédonienne, que l’apocrisiaire déclencha la querelle sur Origène. Ancien membre de la Nouvelle-Laure, une filiale de Saint-Sabas, Askidas acquis aux idées origénistes, s’était fait à Constantinople le protecteur de tous ceux qui étaient ou se disaient persécutés pour leur attachement à ces doctrines. Obtenir la condamnation d’Origène, c’était — Pelage du moins l’espérait — démonétiser auprès de Justinien le redoutable Askidas. Si ce machiavélisme présida aux intrigues de Pelage, l’apocrisiaire romain en fut pour ses machinations ; à l’injonction impériale relative à Origène, Askidas souscrivit sans difficulté. Mais il était bien décidé à jouer à Pelage et à l’Église romaine un tour de sa façon. Ce fut l’édit de Justinien condamnant les Trois-Chapitres ; il allait mettre le Siège apostolique dans la plus fausse des positions.


IV. L’intervention de Justinien. Première condamnation des Trois-Chapitres.

Il s’agissait donc, pour Askidas, de faire pièce à Pelage, qui, par ses démarches, avait entraîné la condamnation de l’origénisme, mais aussi à Gélase, abbé de Saint-Sabas et à ses moines, ennemis d’Origène et grands admirateurs de Théodore de Mopsueste. Provoquer une condamnation de celui-ci et de ses comparses, c’était faire tort aux origénistes d’abord, au Siège apostolique ensuite, c’était en même temps faire plaisir aux monophysites. Voir une lettre de Domitianus, évêque d’Ancyre, écrite postérieurement au pape Vigile et dénonçant ce plan de ses anciens amis, dans Facundus, Pro defensione trium cap., t. IV, c. iv, P. L., t. lxvii, col. 627 ; cꝟ. t. I, c. ii, col. 532. Voici, quoi qu’il en soit de ces explications, comment les événements se déroulèrent.