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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/180

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1889

    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. PREMIER EDIT DE JUSTINIEN

1890

L’édit de Justinien.

Pelage était reparti pour Rome en 543 ; Askidas fit le siège de Justinien. « Ayant trouvé l’empereur, dit Libératus, occupé à écrire contre les acéphales (c’est-à-dire les monophysites), Théodore, appuyé par Théodora, représenta au souverain la peine inutile qu’il se donnait. Il y avait un moyen beaucoup plus rapide de ramener les acéphales. Contre Chalcédoine les schismatiques avaient ce grief qu’il avait entendu sans sourciller les louanges données à Théodore de Mopsueste et qu’il avait déclaré orthodoxe, par jugement exprès, la lettre d’Ibas qui se révélait de toute évidence nestorienne. Si l’on anathématisait Théodore avec tous ses écrits et cette lettre d’Ibas, cela paraîtrait une correction apportée au synode, qui serait alors reçu par tous. L’empereur, continue Libératus, prêta l’oreille à cette suggestion et promit de réaliser bientôt ce désir. Askidas et les siens insistèrent alors pour que Justinien fît paraître un vrai livre à la condamnation des Trois-Chapitres ; une fois publié et répandu un peu partout, le prince se ferait honte de l’amender et la condamnation serait irrévocable… Justinien entra dans ces vues et, laissant là son étude sur les acéphales, composa, pour la condamnation des Trois-Chapitres, ce fameux livre qui n’est que trop connu. Breviarium, c. xxiv, P. L., t. lxviii, col. 1049.

Peut-être Libératus a-t-il un peu schématisé. Toujours est-il, qu’à une date impossible à déterminer avec précision, entre 543, date de l’édit antiorigéniste, et 545, date du départ du pape Vigile pour Constantinople, un volumineux édit fut lancé par Justinien. Le texte en est perdu ; il n’en reste que quelques fragments conservés par Facundus, op. cit., t. II, c. iii, col. 566 B, et col. 567 A ; t. IV, c. iv, col. 628 B ; ces deux derniers passages étant libellés sous forme d’anathématismes :

Si quis dicit rectam esse ad Marin) impiam epistolam qitæ dicitur ab Iba esse facta aut ejus assert or est, et non magis anathemati subjicit, utpote maie tractantem sanctum Cyrillum, qui dicit quia Deus Verbum factus est homo, et ejusdem sancti Cyrilli duodecim capitulis detrahentem, et priraara Ephesinam synodum impetentem, Nestorium vero défendent om, laudantem autem Theodorum Mopsuestlse, A. S. Col. 567 A.

Si quis dicit hsec nos ad abolendos aut excludendos sanctos Patres qui in Chalcedonensi fuere concilio dixisse, A. S. Col. 628 B.

Mais il y avait aussi des considérants plus ou moins prolixes, qui introduisaient ces formules de condamnation, témoin la première citation de Facundus :

Oportet aperte Inspicere ad Marim epistolam, omnia quldem sine Deo et impie dicentem, illud tantummodo ostendentem bene, quia ex illo Theodonis per Orientem in Ecclesia anathematizatus est. Col. 566 B.

On pourrait s’en faire quelque idée par l’édit nouveau de 551, voir ci-dessous, col. 1897. Le premier édit aurait ainsi comporté un exposé doctrinal suivi d’anathématismes contre Théodore de Mopsueste dont la personne et les écrits étaient condamnés, contre certains écrits de Théodoret, enfin contre la lettre d’Ibas. Rien d’étonnant que ces trois noms fussent accolés. Ceux d’Ibas et de Théodoret l’avaient été par les sévériens à la conférence de 533. Théodore de Mopsueste était désormais classé comme le père reconnu du nestorianisme. Dans son traité Contra eutychiano* et nestorianos, au t. III, Léonce de Byzance venait d’en accumuler les preuves : la plume à la main il avait dépouillé l’œuvre entière de l’Interprète et relevé tous les passages qui lui semblaient suspects : liste Impressionnante de propositions qui, détachées de leur contexte, paraissaient plus abominables les unes que les autres. Filles et aient introduites par un réquisitoire en règle contre Théodore. Voir le texte malheureusement Incomplet dans P. G., t. lxxxvi a, col. 1357-1396 ; se reporter de préférence à l’édition de Maï, Spicilegium romanum, t. x, p. 661 sq. Justinien pouvait puiser à pleines mains dans un arsenal aussi bien garni.

L’édit impérial et les autorités ecclésiastiques.

Œuvre de l’autorité civile, l’édit impérial avait besoin de l’assentiment des autorités ecclésiastiques ; de même que l’édit antiorigéniste des années précédentes, celui-ci fut soumis à la signature des cinq patriarches.

En Orient la première réaction fut de se mettre en défense. Les antichalcédoniens avaient depuis trop longtemps confondu dans leurs attaques le « concile maudit » et les noms de Théodore, d’Ibas et de Théodoret, pour qu’il fût possible de se méprendre sur les origines vraies de l’acte impérial. Encore qu’il ne manquât pas de souplesse, le patriarche de la capitale, Menas, hésita d’abord à signer. Lors de sa consécration par le pape Agapet, il avait promis de ne rien faire en matière doctrinale sans en référer au Siège apostolique, Se nihil acturum sine apostolica Sede promiserat. Il protesta que l’édit allait contre le concile de Chalcédoine. On apaisa ses scrupules en lui garantissant qu’en cas d’opposition du premier siège il pourrait retirer sa signature. Travaillés par lui, les évêques du synode permanent, en dépit des avertissements que leur donnait Etienne, l’apocrisiairc du pape, finirent aussi par signer. Voir Facundus, op. cit., t. IV, c. iv, col. 625. Éphrem d’Antioche et ZoTle d’Alexandrie envoyèrent aussi leur adhésion, mais sous la menace et en se rendant bien compte du caractère compromettant de leur démarche. Facundus, ibid., col. 626, et Contra Mocianum, ibid., col. 861 CD. A Jérusalem, le patriarche Pierre et l’higoumène de Saint-Sabas, Géîase, déclarèrent l’édit contraire à Chalcédoine, mais Pierre fut appelé à Constantinople et dut s’exécuter lui aussi. Bref, dans les milieux les plus divers on se rendit compte plus ou moins clairement qu’il y avait dans l’édit une machination contre le concile ; ce qui pouvait transpirer des moyens mis en œuvre par Askidas était bien de nature à confirmer ces soupçons. Toutes les explications que l’on donnera par la suite atténueront peut-être ces appréhensions du premier jour, elles ne réussiront pas à les faire disparaître entièrement. Et c’est ce que l’histoire doit retenir.

En Occident, la réaction allait être beaucoup plus violente et dégénérer très vite en une opposition acharnée. Au premier moment l’apocrisiaire du Siège apostolique à Constantinople, Etienne, avait refusé d’approuver l’édit et avait rompu les relations avec les signataires, à commencer par Menas. Dans la capitale se trouvait aussi à la même date l’évêque de Milan, Dacius ; il fit ce que faisait Etienne. Facundus, t. IV, c. iii, col. 623-624. A Rome qu’allait-on faire ? Laissé à lui-même le pape Vigile, qui, depuis avril 537, occupait la chaire de Pierre, aurait peut-être cédé immédiatement. Mais il lui fallait compter avec son entourage, d’abord, puis bientôt avec Pépiscopat occidental. Auprès de lui il y avait pour lors son diacre Pelage, au courant mieux que personne des tenants et aboutissants de l’affaire. Pour éclairer sa propre religion, Pelage s’adressa à la plus grande lumière de l’Afrique, le diacre Fulgence Ferrand, disciple et héritier de Fulgenee de Ruspe ; il lui demanda de provoquer une délibération du primat de Carthage et. de ses ressortissants. Nous n’avons que la réponse du diacre : « condamner les Trois-Chapitres c’était porter atteinte à l’autorité de Chalcédoine. » Ferrand, Episl., w, P. L., t. lxvii, col. 921-928.

Nous reviendrons ailleurs sur les conditions dans lesquelles Vigile était arrivé à la chaire de saint Pierre. Voir son article et aussi Sn.vfcRF, t. xiv, col. 2065. Nous étudierons en particulier la question de savoir si, antérieurement à l’ordination de Vigile, il y eut.Us