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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/182

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1893

    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. LE JUDICATUM DE 548

1894

personne de Théodore : ce dernier avait toujours été étranger à l’Église et adversaire des saints Pères, puisqu’il ne confessait pas que le Christ est le Verbe incarné, une seule hypostase (subsistenlia), une seule personne, une seule opération. [Au VIe concile de 680, quand fut lu ce document, une discussion fut soulevée sur son authenticité ; on a prétendu que ces lettres avaient été insérées après coup dans les actes du Ve concile par des monothélites. Il nous semble que l’authenticité globale des lettres n’est pas contestable. L’absence de ces pièces dans certaines collections conciliaires ne prouve rien. Comme Baluze l’a bien démontré, il y a eu deux rédactions des actes, toutes deux contemporaines des événements. Ceci étant dit de l’authenticité globale. La question de l’authenticité des mots unam lantum operationem en est distincte. Encore qu’ils aient un fort relent de monénergisme, il ne faudrait pas trop se hâter de les considérer comme une interpolation monothélite. Avant que fût soulevée la question monénergiste, ces mots n’étaient guère qu’une manière abrégée d’exprimer ce qui suit dans le texte : « c’est du même et non de deux que sont les miracles et les souffrances, etc. » ] En définitive ce que traduisaient ces lettres, c’était la répugnance de "Vigile à entériner sans plus le jugement impérial, le désir du pape de sauver son autorité en procédant à un examen personnel de l’affaire. Mais, somme toute, il donnait à entendre qu’il condamnerait les Trois-Chapitres.

Cette condamnation, elle sera prononcée dans le Judicatum du samedi saint 548. Sur la manière dont fut préparée cette pièce nous sommes assez abondamment renseignés par Facundus. Le pape avait été autorisé à réunir les évêques latins qui étaient pour lors à Constantinople. Cf. In def., prsef., col. 527 B ; Cont. Mocian., col. 859, 860, 861. Mais, au lieu de les laisser délibérer ensemble, il ne tarda pas à interrompre brusquement la séance, coupant même la parole à Facundus, et demanda aux évêques présents de fournir chacun une réponse par écrit. Ceux-ci furent alors énergiquement travaillés et Facundus a malicieusement noté la joie dont témoignaient les monophysites, quand ils introduisaient chez Vigile les évêques ainsi matés. Vigile aurait finalement apporté au Sacré-Palais, pour qu’elles fussent jointes aux signatures déjà extorquées aux Orientaux, les réponses des Latins. Ces soixante-dix signatures s’ajoutant à toutes celles que la ruse ou la violence avaient déjà obtenues, quelle aubaine pour les adversaires de Chalcédoine !

Mais aussi, par ce geste, le malheureux pape s’acculait à l’inévitable. Le samedi saint, Il avril 548, il envoyait à Menas son Judicatum. Le texte ne s’en est conservé que do manière fragmentaire, dans le message qi" Jnstinlen envoya au Ve concile, dès la i re session. Voici, au rapport du basileus, comment s’exprimait le pape :

Et quonlam his verbls, quæ nobis do nomine Théodorl Mopsuestent scripta sentes porrocta sunt, multa contraria rectæ fldei rein-çuntur… anathematizamus Thcodorum qui fuit Mopsuostiîe episcopus, ciim omnibus suis impiis scriptls qui vlndicant eum. Anathematizamus et Impiam épistolam quæ ad Martin Persam scripta essr ab Iba dldtur, tmiquam contrarlarn rect : e christiannmm fidei c et omnes qui eanj vlndicant vnl rectam esse dicunt. Anathomatlzamus et scripta doxe. Theodoreti quæ contra rectam fidem et xii capitula sancti Cyrilli scripta sunt. Mansi, Concil., t. ix, col. 181 D.

Attendu que dans les textes qui nous ont été précomme étant de Théodore de Mopsueste se lisent bien des choses contraires à l’orthodoxie… nous anathématisons Théodore, Jadis évêque de Mopsueste, avec et tous ses écrits impies et tous ceux qui le défendent. Nous anathématisons aussi la lettre Impie qui passe pour avoir été écrite à M iris le Persan, par Ibas, comme contraire a l’authentique foi chrétienne, tous ceux qui la défendent et la disent orthoNous anathématisons encore les écrits que Théodoret a écrits contre l’orthodoxie et les XII capitula de saint Cyrille.


C’est la première fois que nous lisons dans un texte officiel la condamnation des Trois-Chapitres, puisqu’aussi bien nous n’avons plus l’édit impérial les concernant. Mais il n’est pas douteux que Vigile dans son Judicatum n’ait repris, sinon les expressions, au moins les idées de Justinien. Les mots du pape font une distinction très nette entre Théodore et ses coaccusés. C’est la personne même de Théodore qui est soumise à l’anathème, avec l’idée vague que la sentence prononcée peut avoir quelque répercussion dans l’au-delà ; avec sa personne sont également condamnés « tous ses écrits impies », toute l’œuvre littéraire de l’évêque de Mopsueste. La suite du texte vise non plus des personnes, mais des écrits : la lettre impie qui passe pour avoir été écrite à Maris par Ibas (il faut remarquer dès maintenant cette précaution de juriste ) et, parmi les écrits de Théodoret, ceux qui sont dirigés contre la foi orthodoxe et les anathématismes cyrilliens. Pour imprécise qu’elle soit, la phrase vise certainement tout ou partie des œuvres de Théodoret que nous avons recensées plus haut, col. 1873 sq.

Pourtant le. pape, dans ce Judicatum, avait pris ses précautions pour que la condamnation portée par lui n’infirmât point l’autorité de Chalcédoine. Justinien, dans son message au Ve concile, n’a pas fait état des paroles fort nettes prononcées à ce sujet par Vigile. Mais celui-ci, dans son Constilutum de mai 553, a pris soin de les rappeler. Texte dans Mansi, Concil., t. ix, col. 104 ; et mieux dans la Collectif) Avellana, pièce 83, n. 298 sq., Corpus de Vienne, t. xxxv a, p. 316 sq. Entre autres choses il disait : « Que demeurent sauves et perpétuellement valables les dispositions arrêtées par les vénérables conciles de Nicée, Constantinople, Éphèse et Chalcédoine et confirmées par l’autorité de nos prédécesseurs. Et, dès lors, que demeurent condamnés ceux qui l’ont été dans lesdits conciles, de même que doivent demeurer absous ceux à qui ces mémos conciles ont donné l’absolution. » En d’autres termes, et plus explicitement : nous n’entendons rien entreprendre contre les personnes d’Ibas ou de Théodoret, qui ont reçu de Chalcédoine une absolution en forme. Vigile disait encore : « Nous anathématisons quiconque ne suit pas fidèlement et ne vénère pas également les quatre conciles, prétendrait corriger comme mal dit ce qui a été décrété par eux, ou y ajouter quelque chose comme s’ils étaient imparfaits. » Sages précautions en vérité., mais il n’en restait pas moins qu’en souscrivant l’édit impérial Vigile prêtait les mains à ceux qui ne rêvaient qu’une chose : la destruction de Chalcédoine.

L’opposition contre le Judicatum. Virgile doit le retirer.

L’atteinte à l’autorité de Chalcédoine, c’est ce que bien des gens virent tout aussitôt dans l’acte pontifical. Une très vive opposition se déclencha immédiatement contre Vigile.

Cette opposition prenait son point d’appui dans l’entourage même du pape. Deux diacres, dont l’un, Rusticus, était le propre neveu de Vigile et dont l’autre, Sébastien, avait été peu auparavant chargé d’une mission, n IHyricuin, faisaient tout le nécessaire pour que la plus large publicité fût donnée au Judicatum et pour que fût inspectée partout l’orthodoxie de leur maître. De guerre lasse, celui-ci finit par les excommunier et avec eux six autres fonctionnaires de la curie (août 550). Mais il était trop tard et à cette date’es agissemi nts de tout ce monde avalent porté leurs fruits. Sur tond cette affaire voir les lettres. Jatte, liegesta pontif., n. 927, 924, 925 ; ces diverses pièces