Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1891

    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. VIGILE A CONSTA NTINOPLE

1892

collusions, à Constantinople où le diacre Vigile avait accompagné le pape Agapet, entre lui et la basilissa. Nous nous demanderons encore si, au début de son pontificat, il n’est pas entré en rapport avec les chefs qualifiés du monophysisme sévérien. Mais, quoi qu’il en soit, il reste à sa charge qu’il était arrivé au Saint-Siège par des moyens plus que suspects. L’attitude qu’il prit en d’autres occasions à l’endroit du basileus semblait annoncer qu’il était prêt à toutes les complaisances. En 540 on avait vu paraître à Rome un haut fonctionnaire byzantin, exprimant l’étonnement de la cour de ce que Vigile tardait à approuver l’édit impérial pris à la suite du concile de Menas de 536, ainsi que l’exposition de foi du basileus qui avait été acceptée par Jean II et Agapet. Nous avons la réponse de Vigile ; ce n’est pas sans étonnement qu’on y lit les hyperboliques louanges que le pape décernait au souverain, « à qui Dieu a donné une âme non seulement impériale, mais sacerdotale ». Nos convertit gloriari quod (Dominus) non imperialem solum sed etiam sacerdotalem vobis animum concedere sua miseratione dignatus est. P. L., t. lxix, col. 21 sq. Même attitude déférente de Vigile quand fut soumis à sa signature l’édit condamnant les origénistes. Nous n’avons pas le texte rédigé par lui, mais par Cassiodore nous savons que son approbation fut donnée : Præsenti tempore et a Vigilio papa denuo constat (Origenem) esse damnatum. Inst. div., c. i, P. L., t. lxx, col. 11Il D.

Mais quelle attitude prendrait-il dans la présente question des Trois-Chapitres ? Partout, même en Orient, à plus forte raison chez les Occidentaux, la première impression avait été qu’il s’agissait d’une manœuvre en faveur des monophysites, manœuvre qui mettait en péril l’autorité de Chalcédoine. C’était évident pour la lettre d’Ibas et jusqu’à un certain point pour ce qui concernait les écrits de Théodoret. C’était moins clair pour Théodore. Le fait pourtant qu’on liait son sort à celui des deux autres ne laissait pas de rendre suspecte une sentence portée contre la personne d’un évêque, mort dans la paix de l’Église et que l’on semblait vouloir poursuivre par-delà le tombeau, et aussi contre des écrits que nul n’avait encore beaucoup étudiés. Une chose du moins était certaine : de même que les monophysites unissaient les trois noms dans une réprobation commune, de même, par réaction, les défenseurs de Chalcédoine - et c’étaient tous les Occidentaux — allaient en une commune défense venir au secours de ces trois noms. C’est le point de vue qui s’exprima tout aussitôt chez les Africains, d’abord dans la lettre de Fulgence Ferrand aux diacres romains Pelage et Anatole, déjà citée, mais surtout dans le volumineux ouvrage, In defensionem trium capitulorum, que n’allait pas tarder à mettre en chantier l’évêque d’Hermiane, Facundus, et qui ne sera terminé, à Constantinople, qu’après l’arrivée du pape Vigile.


V. Le pape Vigile a Constantinople.

Justinien ne pouvait ignorer cet état d’esprit de l’Occident. Il semble bien qu’il n’ait pas attendu de Vigile, une signature pure et simple comme celle donnée par Menas. Après un certain délai — un an peut-être — il conçut l’idée de faire venir le pape à Constantinople, où il pourrait plus facilement le manœuvrer. On pouvait craindre, d’ailleurs, que les Goths expulsés de Rome ne remissent la main sur la capitale ; de fait Totila la reprendra à la fin de 546 et y résidera jusqu’au printemps de 547. C’était une raison pour soustraire le pape à toute tentation de s’appuyer sur les Barbares. Bref, des ordres furent donnés pour que Vigile fût, de gré ou de force, amené à Constantinople. Le pape y restera une huitaine d’années, qui furent fertiles en péripéties de tout genre. Alternativement souple envers le basileus, puis ferme comme un confesseur de la foi, il finira par une capitulation lamentable, où se trouvera compromis le prestige de l’Église romaine.

Les premières tractations de Vigile. Le judicatum du Il avril 518.

Parti ou, si l’on veut, enlevé de Rome le 22 novembre 545, Vigile ne devait arriver à Constantinople que fin janvier 547. Il séjourna d’abord près de dix mois à Catane. Aussi bien pendant ce séjour que durant le voyage ultérieur, il eut tout loisir de se faire une religion ; de nombreux avertissements lui signalèrent le danger de porter atteinte à Chalcédoine : visite de Dacius de Milan, de messagers en provenance d’Afrique et de Sardaigne ; légation envoyée par Zoïle d’Alexandrie pour s’excuser d’avoir signé. Cf. Facundus, op. cit., IV, m et iv, col. 623 C, 626 A. On ne s’étonnera donc pas que, dès avant son arrivée dans la capitale, il ait annoncé à Menas et à Justinien qu’il ne s’inclinait pas devant le fait accompli, déclarant même au patriarche que, s’il ne se rétractait pas, lui, Vigile, sévirait contre sa personne. Facundus, Con<. Mocianum, col. 862 A ; cf. In def., IV, iii, col. 623. Aussi bien le basileus ne pouvait plus ignorer les idées de l’Occident. D’Afrique, outre les renseignements oraux que répandait Facundus, tout fraîchement débarqué, on avait reçu, avec la réponse de Ferrand, déjà citée, la lettre d’un évêque Pont.ien. Cf. P. L., même tome, col. 995-998. Elle disait combien l’on s’était ému, dans les provinces recouvrées, des sentences prononcées par l’édit ; on s’insurgeait à l’idée de condamner des morts incapables de se défendre et dont le sort avait été réglé par le souverain Juge ; on soupçonnait là-dessous quelque manigance eutychienne.

Telle était la situation quand Vigile, le 25 janvier 547, arriva dans la capitale, où il fut reçu avec tous les honneurs dus au titulaire du premier siège. Les fêtes passées, il fallut bien s’occuper de Menas qui ne voulait pas retirer sa signature. Vigile rompit la communion avec lui. Cont. Mocian., col. 862 D. Au Sacré-Palais on évita de réagir ; on voulait plutôt énerver progressivement la résistance du pape ; on le connaissait ; on savait sa prédilection pour les voies obliques et la diplomatie secrète. On commença par lui communiquer divers documents propres à le faire réfléchir. É. Schwartz a publié récemment une pièce assez curieuse : la traduction de deux lettres de Constantin le Grand, adressées, l’une à l’Église d’Alexandrie, l’autre à celle de Nicomédie, où le premier empereur chrétien revendiquait le droit de s’immiscer dans les choses spirituelles ; le lemme final est caractéristique : Hœc exemplaria duarum epistolorum domnus imperator Justinianus beatissimo papæ Vigilio translatas de græco in latino direxit die V kal. jun., sexies post cons. Basilii (28 mai 547).

Quel qu’ait été l’effet sur Vigile de ces pièces et d’autres se rapportant de façon plus directe à l’affaire des Trois-Chapitres, il ne paraît pas contestable qu’il ait commencé dès ce moment à donner des signes de faiblesse. Pelage, d’ailleurs, venu pour quelques jours seulement en mission politique à Constantinople, n’était plus là pour encourager son maître à la résistance. Le pape finit par exprimer, en deux lettres secrètes adressées à l’empereur et à la basilissa en juin 547, son sentiment personnel sur l’affaire. Par un véritable abus de confiance, ces lettres seront ultérieurement communiquées au Ve concile, à la vir » session, comme des témoins des premières dispositions du pape. Mansi, Concil., t. ix, col. 351. Vigile y déclarait qu’élevé dans la foi orthodoxe, il n’avait aucun désir de soutenir les hérétiques. S’il tardait à exprimer une condamnation ouverte, c’était pour sauvegarder les droits du Saint-Siège. Toutefois, pour satisfaire le basileus, il anathématisait dès maintenant la lettre d’Ibas à Maris, les enseignements de Théodoret et la