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UBERTIN DE CASALE
« fameux prédicateur, lecteur en théologie, chapelain

et familier du cardinal Napoléon Orsini », preuve évidente que le spirituel était de nouveau au service d’Orsini. Toutefois le cardinal rentre en Avignon, le 12 juin 1309, sans son protégé. Vraisemblablement il le laissa sous la protection du cardinal Jacques Colonna, ami Adèle des spirituels. Il est probable qu’Ubertin arriva avec ce prince de l’Église en cour d’Avignon le 8 septembre 1310. Rev. hist. francise, t. ii, 1925, p. 33.

Vers cette époque les spirituels, surtout ceux de Provence, sont cruellement persécutés. Pour faire cesser les sévices, les protecteurs des rigoristes s’adressent à Clément V et obtiennent du pape, à l’aurore du concile de Vienne, que la cause des spirituels soit évoquée devant une commission pontificale. En octobre 1309, libertin devient l’avocat autorisé des rigoristes contre les mitigés. Ici, t. vi, col. 775 et 814 ; t. xiv, col. 2533. Exempté avec les autres défenseurs de son parti de la juridiction de la communauté, bulle Dudum ad apostolatus, dans Bullarium franc, t. v, p. 65 ; cf. ici, t. vi, col. 2534, Ubertin soutint, en de nombreux factums, l’assaut de ses adversaires jusqu’à ce que, le 6 mai 1312, Clément V mit fin au débat en publiant la décrétale : Exivi de paradiso ; cf. t. vi, col. 814 ; t. xiv, col. 2536, 2537. Quelques mois plus tard, pendant l’hiver, le pape après avoir révoqué la bulle d’exemption concédée aux rigoristes, leur ordonna de rentrer sous l’obédience de la communauté. Ubertin s’y refusa, mais ne quitta pas l’ordre. Tous les avatars qu’on lui a prêtés à cette époque sont fantaisistes. Il resta franciscain. Cf. M. Bihl, Arch. franc, hisl., t. iv, p. 598.

La protection des cardinaux, N. Orsini et J. Colonna n’empêcha pas le chef rigoriste d’être accusé vers, la fin de 1316, d’adhérer aux spirituels de Provence et de propager les doctrines d’Olieu. Ubertin évita une condamnation, mais Jean XXII lui ordonna de rentrer sous l’obédience de la communauté. Le spirituel s’y étant de nouveau refusé, le pape le transféra, le 20 octobre 1317, par la bulle Verbumaltendentes(Bull. franc, t. v, p. 127), à l’ordre de Saint-Benoît et le rattacha à l’abbaye de Gembloux, au diocèse de Liège. Devenu profès bénédictin, l’ex-franciscain n’en demeura pas moins à la curie d’Avignon, au service de son protecteur, le cardinal Orsini. Cf. t. vi, col. 778 ; t. xiv, col. 2540. Le cardinal l’employa en nombre d’affaires, mais Ubertin sur les controverses en cours gardait le silence. Il le rompit, tout d’abord, le 26 ou 28 mars 1322, pour fournir une solution ingénieuse et mixte au débat sur la pauvreté du Christ et de ses apôtres, puis, ensuite, en 1323, pour publier une amplification de cette sentence sous le titre de Tractatus. .. de allissima paupertate Christi et apostolorum cjus et verorum apostolicorum (voir ci-dessous). Peutêtre quelques allusions qu’il fit en ce traité aux doctrines d’Olieu furent-elles jugées inopportunes. Quoi qu’il en soit, au cours de l’année 1325, Bonagrazia de Bergame, procureur de l’ordre séraphique, profitant d’un renouveau d’opposition aux doctrines d’Olieu, accusa Ubertin d’hérésie en se fondant sur les écrits et les propos de I’ex-frère-mineur. Jean XXII chargea Guillaume, évêque de Sainte-Sabine, d’ouvrir une enquête. Ubertin n’en attendit pas la conclusion ; vers la fin de l’été, en 1325, il s’enfuit d’Avignon. Reprit-il alors l’habit étriqué des spirituels et se cacha-t-il dans les régions où dominaient les rigoristes ? C’est possible et ce fait expliquerait que Jean XXII ait fulminé, le 16 septembre 1325, un mandat d’arrêt contre le fugitif, qu’il représente vagabundus per mundum, et qu’il ait chargé de l’exécution de cette sentence non pas les abbés bénédictins, mais les ministres franciscains. Bull, franc, t. v, p. 292.

Quoi qu’il en soit, à dater de ce moment l’ex-spirituel disparaît dans l’ombre. À la vérité l’un de ses contemporains, Mussatus, assure que, le 18 avril 1328, Ubertin de Casale aurait, avec Marsile de Padoue, prononcé à Rome un réquisitoire violent contre Jean XXII, en présence de Louis de Bavière, mais il semble bien qu’il y ait là confusion de personnes. D’ailleurs d’autres contemporains comptent l’ancien spirituel parmi les adversaires des frères mineurs ralliés à Louis de Bavière. Quant aux diverses versions imaginées sur la fin du spirituel, elles relèvent de l’imagination, non de l’histoire. Peut-être la solution de cette énigme nous est-elle fournie par un texte fralricelle hérétique, postérieur à ces événements : De’suoi discipoli (à Olieu) fu quel santo d’altoe di levalissimo spirito fraie Ubertino da Chasale, il quai fu gran chonforto de’frati spirituali, che rimusono dopo lui, del quai si dice per alchono che per esse verità (la, doctrine d’Olieu) fu amm]azato. F. Tocco, Studi franc Naples, 1909, p. 516. D’après ce document, Ubertin, en raison de son attachement aux doctrines des spirituels et d’Olieu, aurait été mis à mort par quelque obscur comparse de ce bras séculier auquel le pape l’avait dévoué. Rien jusqu’à présent n’est venu contredire cette version, qui a le mérite d’expliquer et la brusque disparition d’Ubertin et le silence qui entoure sa fin.

II. Œuvres. — 1° Écrits authentiques. — 1. L’Arbor vitse. — La première en date des œuvres authentiques d’Ubertin est un ouvrage mystique : l’Arbor vitse crucifvx. ee. Jesu, dont le titre est bien probablement emprunté au Lignum vitse de saint Bonaventure.

Ubertin cite, à travers tout son livre, des textes de la Genèse, des Proverbes, de Job, des prophètes, des évangiles, des Actes et des épîtres des Apôtres, de l’Apocalypse. Il use et abuse, en son exégèse, du sens accommodatice. Il met très fréquemment à contribution les Pères, les docteurs grecs et latins qu’il cite d’après les traductions latines et des auteurs plus récents. L’un de ses auteurs préférés est saint Bernard ; cꝟ. t. II, c. v, fol. 52 r° ; t. III, c. iii, fol. 72 v°, c. xiii, fol. 92 r°, 110 v°, 1Il r°, 116 v° ; t. IV, c. xxxiii, fol. 182 r°, etc. Mais son grand inspirateur est Joachim de Flore. Les œuvres authentiques du prophète calabrais : Concordia Novi et Veteris Testamenti, Expositio super Apocalypsim, Psalterium decem chordarum, cf. ici t. viii, col. 1429, 1451, 1452, et aussi ses œuvres apocryphes, entre autres l’Epislola ad Cijrillum, ibid., col. 1431, ont inspiré à Ubertin son ascétisme rigide et son mysticisme exalté, cf. Arbor, t. V, passim. En outre il a exploité les sources franciscaines : La Lettre eucharistique et certains cantiques spirituels de saint François, l’intentio regulse, les Verba sancti Francisci de frère Léon, le De finibus pauperlalis d’Hugues de Digne, le Sacrum commercium sancti Francisci cum domina Paupertate (du bienheureux Jean de Parme ?), le Lignum vitse, le Vitis mystica, le De quinque festivitatibus pueri Jesu, Y Apologia pauperum, les Sermones de B. V. Maria et d’autres encore, l’Officium de Passione Domini et en général les œuvres mystiques de saint Bonaventure ; l’Inlroductio ad evangelium œternum de fr. Gérard de Borgo San-Donnino, ici t. viii, col. 1433, et la Poslilla super Apocalypsim, ici t. xi, col. 987 d’Olieu, enfin certains opuscules d’Angèle de Foligno.

L’ouvrage comprend cent onze chapitres, totalisant, dans le foliotage moderne de notre exemplaire, deux cent quarante-sept folios, suivis d’une « Table des chapitres » et d’un « Registre », fol. 248 r° et v°. Un Prologus primus, fol. 1 à 3, et un Prologus secundus, fol. 3-1, fournissent une autobiographie de l’auteur. L’Arbor est divisé en cinq livres qui tous, sauf le t. V, sont précédés d’un prologue. Le t. I, racine de