Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1595 TRINITÉ. SAINT JEAN 1596


création, et c’est par lui que Dieu a créé les mondes, qui, par lui, continuent à subsister dans leur état.

Cependant, le Fils éternel de Dieu est venu en ce monde et l’incarnation l’a établi prêtre et médiateur de nos faiblesses : « Celui qui avait été abaissé un peu au-dessous des anges (en devenant homme), Jésus, nous le voyons, à cause de la mort qu’il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur, afin que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort pour tous. Car il convenait que celui pour qui et par qui tout existe perfectionnât par les souffrances celui qui avait conduit à la gloire beaucoup de fils et qui est l’auteur de leur salut… Il fallait qu’il fût en tout rendu semblable à ses frères, afin de devenir un grand-prêtre miséricordieux et fidèle dans toutes les relations (des hommes) avec Dieu, pour expier les péchés du peuple. Car, ayant été lui-même éprouvé par la souffrance, il peut secourir ceux qui sont éprouvés. » Heb., ii, 9-11 ; 17-18.

Ces passages et d’autres semblables ne signifient pas que le Christ est devenu Fils de Dieu par la voie du renoncement et du sacrifice. Fils de Dieu, il l’était avant les siècles ; il possédait toute la perfection de Dieu. Seulement, en se faisant homme, il a assumé une nature qu’il ne possédait pas ; et cette nature humaine lui a permis de prendre de nos faiblesses, de nos souffrances, une connaissance toute différente de la science divine qu’il en possédait. Il fallait que nous eussions un grand-prêtre semblable à nous., qui fût capable de compatir à nos infirmités, voire à nos péchés, pour en avoir mesuré par lui-même les réalités. La connaissance qu’il avait de ces choses dans l’éternel repos divin avait en quelque sorte un caractère théorique ; les abaissements de l’incarnation en ont changé l’aspect. Mais lui-même, le Fils de Dieu ne s’est pas transformé, il n’a rien acquis ; il est resté ce qu’il avait toujours été ; et ce n’est que par rapport à nous qu’il est le pontife de notre rédemption.

IV. saint jean.

A peine est-il besoin de rappeler une fois de plus le caractère unique de l’évangile de saint Jean : il suffit de lire cet Évangile pour en être saisi et pour se poser le problème de son origine et de sa valeur. Nous n’hésitons pas à reconnaître ici l’œuvre du disciple que Jésus aima et qui, au cours de la dernière Cène, reposa sur sa poitrine ; nous n’hésitons pas davantage à écrire le nom du disciple : Jean, fils de. Zébédée et frère de Jacques, l’un des Douze.

Mais nous croyons aussi, conformément aux témoignages les plus autorisés de la tradition, que saint Jean a écrit tardivement son évangile et qu’il l’a médité durant de longues années avant de le confier au papier. Pendant ce temps, il a pu voir les premières communautés chrétiennes s’organiser et se développer ; il a pu être le témoin attristé des premières tentatives de schisme et d’hérésie ; le souvenir du Maître qu’il avait aimé et au service duquel il s’était consacré, aux jours de plus en plus lointains de sa jeunesse, n’a pas cessé de rester présent à son esprit et à son cœur. Si bien qu’un jour, les instances de ses disciples, plus encore les secrets désirs de son âme et l’action inspiratrice du Saint-Esprit l’ont amené à prendre la plume pour raconter à son tour ce que ses yeux avaient vii, ce que ses oreilles avaient entendu, ce que ses mains avaient touché du Verbe de vie. I Joa., i, 1. Témoin véritable et fidèle, il n’avait pas à recommencer ce que les écrivains des Évangiles synoptiques avaient fait une fois pour toutes d’une manière aussi parfaite que possible. Mais, puisque ceux-ci avaient été incomplets, puisqu’ils n’avaient pas tout écrit, ne convenait-il pas que lui, resté le dernier des apôtres, fît connaître, pendant qu’il en était encore temps, les enseignements du Sauveur, dont il était seul désormais à conserver la mémoire ?

Ces enseignements, il les avait amoureusement médités, si bien qu’il avait fini par se les approprier. Ne serait-il pas amené, au cours de son récit, à faire parler Jésus, comme il avait l’habitude de parler lui-même ; d’attribuer à son Maître des formules qui seraient en réalité les siennes ? Un tel problème ne se posait pas pour lui, parce qu’il était sûr de ne rien inventer et de transmettre les vraies leçons du Seigneur. Qu’importait dès lors le style de ces leçons ? Qu’importaient même les prolongements qu’il pourrait être appelé à leur donner ? On s’inquiète parfois aujourd’hui de trouver, dans l’évangile de saint Jean, tant de récits dont on ignore la fin, parce que l’auteur s’est laissé aller à ses réflexions et a paru oublier les personnages qu’il avait mis en scène : l’histoire de Nicodème est caractéristique à cet égard. Saint Jean ne connaissait pas de pareils scrupules. Nicodème était vraiment venu trouver Jésus ; il l’avait réellement entretenu de la naissance spirituelle ; quel intérêt offrait encore la suite de l’histoire et pourquoi l’évangéliste se serait-il interdit de terminer à sa manière le discours de Jésus ?

Ce que nous cherchons, ce que nous trouvons dans le quatrième évangile, ce n’est pas saint Jean : c’est bien Jésus et sa doctrine ; mais Jésus mieux compris et plus profondément pénétré ; Jésus présenté non par le dehors, mais par le dedans. Les miracles qu’il accomplit ne sont pas des prodiges destinés à provoquer l’admiration, ce sont des signes faits pour prouver l’œuvre de la lumière et de la vie. Les discours qu’il prononce ne sont pas des appels à la pénitence ; ce sont des invitations à suivre la lumière et à gagner la vie. Bien loin d’être un fantôme, le Christ de saint Jean est une réalité étonnamment vivante ; mais c’est du dedans que le considère l’apôtre ; et il faut se placer à son point de vue pour comprendre son œuvre.

1° Le prologue.

L’évangéliste lui-même semble nous indiquer la voie à suivre, puisqu’il fait précéder son récit d’un prologue qui nous fait connaître les grandes lignes de sa doctrine sur Dieu. Ce prologue doit être lu avec attention : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était vers Dieu et le Verbe était Dieu. Il était au commencement vers Dieu. Tout a été fait par lui, et sans lui rien n’a été fait. Ce qui a été fait était vie en lui, et la vie était la lumière des hommes et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas comprise. Il y eut un homme envoyé de Dieu : son nom était Jean. Il vint en témoignage, pour témoigner sur la lumière, afin que tous crussent par lui. II n’était pas la lumière, mais (il venait) pour rendre témoignage à la lumière. La lumière véritable qui éclaire tout homme venait dans le monde. Il était dans le monde et le monde a été fait par lui et le monde ne l’a pas connu. Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu. Mais tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui ne sont pas nés du sang, ni du vouloir de la chair, ni du vouloir de l’homme, mais de Dieu. Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire : gloire comme un fils unique en reçoit de son père, plein de grâce et de vérité… Tous nous avons reçu de sa plénitude et grâce pour grâce, car la Loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. Personne n’a jamais vu Dieu : le Dieu monogène, qui est dans le sein du Père, celui-là l’a fait connaître. » Joa., i, 1-18.

Un commentaire détaillé de ces lignes si pleines serait ici déplacé. Nous nous bornerons à quelques remarques. Dès la première ligne, nous sommes arrêtés par cette affirmation énergique : « Au commencement était le Verbe. » Nous voici donc invités à nous reporter avant l’origine des choses créées, à ce moment obscur où le temps n’existe pas encore, mais où, peut-être, il va commencer à exister avec la première chose créée. Alors il n’y avait rien, mais il y avait déjà le Verbe. Sur ce mot de Verbe, les exégètes se sont penchés à l’envi. Nous savons déjà la place que Philon, ci-dessus, col. 1567 sq., pour ne parler que de lui, assi