Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

22 I

UNIT l" : DE L’ÉGLISE. THEOLOGIE PROTESTANTE

2216

leur point de vue : « La participation de l’orthodoxie à ce mouvement ne signifie pas du tout qu’elle puisse renoncer en quoi que ce soit à sa tradition ou qu’elle puisse accepter un compromis… L’orthodoxie est présente aux conférences de ce mouvement pour témoigner de la vérité. « P. 268.

3° Conclusion. Les arguments tendant à prouver que L’Église romaine a brisé l’unité sont bien faibles. Une question préjudicielle, qui dépasse le cadre de cet article, devrait être examinée : qui est responsable du schisme qui sépare actuellement l’Occident et l’Orient ? Pourquoi l’union scellée à Lyon et à Florence n’a-t-elle pas duré ? L’Église romaine a-t-elle contrevenu en quelque manière aux décisions prises d’un commun accord en ces deux conciles ? Ces questions une fois résolues, les théologiens orthodoxes devraient montrer en quoi les papes se sont contredits dans l’enseignement des vérités relevant du magistère infaillible. Si des disciplines nouvelles ont été instaurées, il conviendrait d’en faire voir l’illégitimité. Et enfin, ce n’est pas parce que les théologiens catholiques sont en désaccord sur des points libres que l’unité de la foi est rompue. C’est là un reproche tout à fait immérité, surtout de la part des orthodoxes qui, sur des points bien plus importants, sont entre eux en désaccord beaucoup plus grave.

Si de la défense, nous passions à l’attaque, nous pourrions faire observer que l’unité, telle que la conçoivent les orthodoxes, ne répond pas pleinement au concept que nous en donne l’Évangile et aux exigences de la saine raison. Sans doute, entre les Églises autocéphales, il existe une certaine unité spécifique ; mais cette unité dans une ressemblance de gouvernement ne leur confère pas une réelle unité de gouvernement. Une ressemblance de constitution n’établit pas pour autant une réelle unité entre différents pouvoirs civils. Théoriquement sans doute, il y aurait, comme clef de voûte dans cette unité, le concile œcuménique ; mais, en fait, cette autorité suprême n’existe plus en Orient depuis le ixe siècle. L’autocéphalisme a tué radicalement tout centre d’unité et, très particulièrement en Russie, les tsars ont été, en fait, les chefs suprêmes de l’Église. Avant la séparation politique des États balkaniques, le patriarcat de Constantinople avait encore sur tous les chrétiens de l’Empire ottoman une certaine autorité effective ; mais aujourd’hui, après les remous politiques des xixe et xxe siècles, l’Église gréco-russe n’est plus une par son gouvernement extérieur et visible. Elle n’est plus constituée que d’Églises particulières indépendantes, qu’aucune autorité effective ne peut maintenir en communion permanente. En bref, l’Église orientale n’a pas par elle-même l’unité ; elle dépend du pouvoir civil.

L’unité de foi se réduit de plus en plus à un minimum. En principe l’accord se fait sur le symbole de Nicée-Constantinople et les définitions des sept premiers conciles œcuméniques. Mais il faut compter avec certains divergences locales, l’Église ne possédant pas d’autorité infaillible pour formuler la règle de foi. De là un grand nombre de variations de la part non seulement de théologiens particuliers, mais encore de patriarches et d’évêques réunis en synodes ; et cela, non en matière d’opinions, mais dans des questions relevant essentiellement de la doctrine : par exemple, dans les professions de foi, dans l’énoncé des conditions requises pour l’cecuménicité des conciles, dans le canon des Écritures, dans la réconciliation des hérétiques, dans la valeur à attribuer aux sacrements administrés par des « hétérodoxes », sans compter les reproches dogmatiques indûment adressés aux Latins.

L’unité de communion entre Églises orthodoxes elles-mêmes a fait défaut dès 1872. L’Église bulgare qui s’était alors séparée fut considérée par le patriarche de Constantinople comme schismatique, alors que les Églises slaves la considéraient toujours comme i une sœur irrépréhensible ». D’ailleurs, comment appeler « communion » cette agglomération d’Églises indépendantes entre elles et se multipliant en fonction de la multiplication des pouvoirs politiques dont elles dépendent ? Cf. M. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. iv, Paris, 1931, p. 206278 ; 537-539.

Dans ces conditions, on comprend que l’archiprêtre russe Sidoreskij ait pu donner à W. Palmer encore anglican cette piètre défense : « Nous n’avons aucun besoin d’examiner la question de l’Église une et visible ; nous n’y pensons jamais ! Jamais les circonstances ne nous ont forcés d’étudier ce problème par rapport à l’Occident. Notre Église n’a pas l’orgueil du clergé occidental ; elle n’a pas acquis sa puissance mondiale et ne s’est pas laissé dégrader ni corrompre. Cité par S. Tyszkiewicz, La mission de William Palmer, dans les Études, 5 juillet 1913, p. 57.


V. La théologie protestante.

Avec toute la tradition de l’Église primitive, les protestants enseignent que l’Église doit être une : le symbole de Nicée et celui d’Athanase qu’ils acceptent leur commandent cette attitude. Mais en quoi consiste l’unité ? C’est là que s’affirment les divergences.

Les luthériens.


Les luthériens commencent par compliquer la difficulté en parlant de l’Église invisible : ancienne erreur des donatistes, renouvelée par les hussites, cf. Denz.-Bannw., n. 627, 629, 631 sq. La Confession d’Augsbourg (1530), a. 7, définit l’ÉglrSe : « l’assemblée des saints, dans laquelle l’Évangile est enseigné correctement et les sacrements correctement administrés. » iMûller-Kolde, Symbolische Bûcher, 1907, p. 40. Toutefois, l’art. 8 contient cet aveu : « Bien que l’Église soit à proprement parler l’assemblée des saints et des vrais croyants, cependant parce qu’elle renferme aussi en cette vie bien des hypocrites et des méchants, il est permis de se servir des sacrements administrés par ces mauvais ministres. » Id., ibid. L’Apologie de la Confession affirme que les deux articles ont été joints, pour qu’on n’estimât pas, déclare Mélanchthon, « que nous séparions les méchants et les hypocrites de la société extérieure de l’Église ». Ils sont donc membres de l’Église, mais considérée par l’extérieur de ses signes. Mais « l’Église est principalement la société de la foi et de l’Esprit-Saint dans les cœurs des hommes… C’est cette Église qui seule est le corps du Christ… Les impies ne sont pas la sainte Église ». Ibid., p. 152.

A la société théoriquement invisible, indivisible et universelle (coeius vocatorum) correspond donc, suivant les temps et les lieux, une société qui, pour n’être pas aussi tangible que « le royaume de Rome ou la république de Venise » (Bellarmin) n’en est pas moins empirique dans une certaine mesure. Pour Luther et les luthériens, les marques empiriques de l’Église sont l’administration des sacrements, la prédication de l’Évangile, le baptême.

C’est sur ces points que devra s’affirmer l’unité de l’Église : « Ils enseignent, dit la Confession, a. 7, que l’unique sainte Église doit durer perpétuellement… La véritable unité de l’Église est suffisamment garantie là où le saint Évangile est enseigné et les sacrements correctement administrés. » Muller-Kolde, op. cit., p. 40. Voir Apologie, a. 7, n. 30, 33, p. 158, 159. Le grand catéchisme de Luther s’exprime ainsi : « Je crois à une communion formée des seuls hommes sanctifiés, rassemblés par le Saint-Esprit sous un seul chef, le Christ, dans l’unité de la même foi, des mêmes sentiments, de la même doctrine, unanimes dans l’amour, d’accord en tout, sans sectes ni schismes. » Werke, éd. de Weimar, t. xxx (1), p. 189.