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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/36

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1601 TRINITÉ. SAINT JEAN 1602


sommés dans l’unité, afin que le monde sache que tu m’as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m’as aimé. » Joa., xvii, 11, 20-23. L’unité que le Christ demande pour ses fidèles n’est pas seulement l’union des cœurs et des volontés dans une même foi et un même amour, l’union morale des membres d’une même association ; c’est une unité réelle, qui trouve son expression dans la doctrine du corps mystique, telle que l’expose saint Paul : ainsi les croyants ne peuvent-ils pas être séparés les uns des autres, et celui qui briserait l’unité se rendrait coupable d’une faute à l’égard du Christ lui-même dont il couperait un membre. L’unité du Père et du Fils est encore plus étroite ; elle est proposée comme un modèle, mais il ne saurait être question pour des hommes de réaliser un pareil idéal. Le Père est dans le Fils comme le Fils est dans le Père ; de telle sorte qu’il y a réciprocité complète.

Comment alors, et dans ce même contexte des discours après la Cène, Jésus a-t-il pu dire que le Père est plus grand que lui ? Simplement parce qu’il est le Père. Il y a, dans le titre de Père, une dignité unique et intransmissible. Le Père est le principe, la source, la racine de toute vie divine. On dira plus tard que, seul, il est inengendré. Le Fils vient de lui : certainement, il est dès le commencement. Il n’est pas une créature. Il n’a jamais cessé d’être avec le Père, de faire les œuvres du Père, d’être dans le Père. Mais il n’est que le Fils ; et son nom aussi marque, en quelque manière, une sujétion, une subordination, une infériorité. Sujétion, subordination, infériorité, qui n’ont rien de réel assurément : puisque du Père au Fils, du Fils au Père il y a un courant ininterrompu de vie et d’amour et qu’il est tout aussi impossible de concevoir le Père sans le Fils que le Fils sans le Père. Cela suffit pourtant pour que le Père soit plus grand. Et la supériorité du Père se manifeste au moment de l’incarnation, de manière plus sensible, puisque alors c’est le Père qui envoie et le Fils qui est envoyé. Seul le Verbe s’est fait chair. L’incarnation et la rédemption sont des mystères particuliers au Fils.

4° L’Esprit-Saint. —

La doctrine johannique de l’Esprit-Saint est des plus riches et des plus cohérentes ; et elle est à peu près exclusivement exposée dans les discours après la Cène. Pendant tout son ministère public, Jésus ne parle jamais de l’Esprit-Saint. Il insiste, il est vrai, sur la spiritualité de Dieu : « Dieu est esprit, et il veut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité », Joa., iv, 24 ; sur l’intelligence spirituelle de ses enseignements : « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien ; les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie », Joa., vi, 63 ; sur la renaissance spirituelle : « En vérité, en vérité, je te le dis, quiconque ne naît pas de l’eau et de l’esprit ne peut pas entrer dans le royaume de Dieu ; ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l’esprit est esprit. » Joa., m. 5-6. Mais il n’est pas question en tout cela de la personne de l’Esprit-Saint. Un seul passage fait allusion à sa mission. Au dernier jour de la fête des Tabernacles, Jésus déclare en effet : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ; celui qui croit en moi, ainsi que dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive sortiront de son sein. » Joa., vii, 37-38. On reconnaît ici le souvenir du rocher mystérieux dont jadis avaient coulé des torrents d’eau vive. Mais quelle est cette eau que Jésus promet à ses disciples ? L’évangéliste l’explique : « Il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croyaient en lui, car l’Esprit n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » Joa., vii, 30. La Vulgate glose ici le texte grec rivant : noiuhim enim erat Spirilux dalus ; on ne peut Cependant pas dire qu’elle fournisse une interprétation inexacte. L’Esprit Saint existait bien avant la Pentecôte ; mais il n’avait pas encore été manifesté ; nul, en dehors de Jésus, sur qui il s’était reposé au jour de son baptême, Joa., i, 32-33, ne l’avait reçu parmi les disciples ; et pourquoi serait-il venu puisque le Verbe était au milieu des hommes pour les éclairer et les vivifier, c’est-à-dire, en définitive, pour accomplir l’œuvre qui devait être la sienne après la passion et la résurrection ?

Dans les discours après la Cène, Jésus, par contre, explique dans le détail le rôle du Saint-Esprit dans l’Église. Nous pouvons relire tous les passages qui le précisent : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements et moi je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit toujours avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit ni ne le connaît ; mais vous, vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera en vous et qu’il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viendrai vers vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus ; mais vous me verrez, parce que je vis et que vous vivrez. » Joa., xiv, 15-19. « Je vous ai dit ces choses pendant que je demeurais avec vous ; mais le Paraclet, l’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, c’est lui qui vous apprendra tout et qui vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » Joa., xiv, 25-26. « Quand sera venu le Paraclet, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, celui-là rendra témoignage de moi. » Joa., xv, 26. « Je vous dis la vérité : il vous est utile que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai ; et quand il sera venu, il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement… Quand sera venu l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité, car il ne parlera pas de lui-même, mais il vous dira tout ce qu’il a entendu et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car il prendra du mien et vous l’annoncera. Tout ce qu’a le Père est à moi : c’est pourquoi je vous ai dit qu’il prendra du mien et vous l’annoncera. » Joa., xvi, 7-15.

Ainsi l’Esprit-Saint, l’Esprit de vérité, est destiné à remplacer Jésus auprès des siens. L’annonce de la passion prochaine a rempli les apôtres de tristesse. Leur maître les console ; il ne les laissera pas orphelins ; il leur enverra un autre Paraclet, c’est-à-dire un avocat, un intercesseur, un consolateur, différent de lui, mais étroitement uni à lui et capable d’éveiller dans les âmes, mieux que le souvenir, la pleine intelligence de ses paroles. Pour saisir la portée de cette, promesse, il suffit de rappeler qu’à plusieurs reprises saint Jean rapporte que lui-même et ses frères n’avaient pas compris l’enseignement de Jésus, mais qu’ils en pénétrèrent le sens un certain temps après : c’est que l’Esprit les avait alors éclairés de sa lumière.

L’Esprit est envoyé, comme le Verbe Pavait été : c’est tantôt le Père, tantôt Jésus lui-même qui sont dits les auteurs de la mission. Mais, en toute hypothèse, le Père est au point de départ ; car l’Esprit procède du Père ; et si Jésus l’envoie, c’est de la part du Père. On ne dit pas qu’il viendra d’une manière visible ; le contraire est même supposé, car il n’est pas destiné à s’incarner et il se contentera d’habiter dans les âmes des fidèles. Mais ces âmes, il les éclairera et les transformera par son action. Aucun temps n’est fixé pour la durée de son intervention dans les âmes ; et cela aussi est naturel, car il viendra tout le temps que Jésus lui-même sera absent de l’Église, C’est-à-dire jusqu’à la fin du monde.

Si quelques passages peuvent laisser croire, lorsqu’on les isole de leur contexte, que l’Esprit est Identique au Christ glorifié, — Jésus ne dit il pas qu’il ne laissera pas les apôtres orphelins mais qu’il viendra vers eux ? — il ne faut pas être dupe de 068 expressions. En réalité, l’Esprit est distinct de Jésus, comme Jésus