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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/462

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VACANT (ALFRED)

d’esprit qui s’est parfois manifestée dans les délibérations conciliaires. En dépit de cette critique, il faut reconnaître que notre théologien a su tirer le meilleur parti des textes mis à sa disposition et qu’il les a interprétés, d’ordinaire, avec un sens exact des nuances. Peut-être certaines de ses conclusions nous sembleraient-elles aujourd’hui un peu tutioristes, celles par exemple qui concernent la création du premier homme, cf. t. i, p. 229 sq., plus encore celles qui se rapportent à l’inspiration et à l’inerrance bibliques. Encore que le concile du Vatican fût très sobre sur la matière, A. Vacant crut devoir prolonger ses enseignements en commentant avec abondance l’encyclique Providentissimus, récemment parue. Sur les questions scripturaires, il n’était malheureusement pas spécialiste. Son passage à Saint-Sulpice de Paris, à une époque où F. Vigouroux y représentait le summum de l’enseignement exégétique, lui avait laissé sur les problèmes bibliques un apaisement complet. Le « concordisme » de son maître, — en prenant ce mot dans la plus large acception —, lui semblait répondre à toutes les difficultés : l’accord de la Science et de la Bible était complet, non seulement négatif, mais positif. Des problèmes que posait la critique littéraire des Écritures, il ne semble pas qu’il eût jamais entendu parler. Tout ceci explique l’allure qui nous paraît aujourd’hui un peu raide, des longs développements consacrés, dans les Études théologiques, à l’Écriture sainte, développements où l’esprit géométrique a plus de part, semble-t-il, que l’esprit de finesse. Disons d’ailleurs que ces pages reflètent au mieux l’état d’esprit qui était pour lors commun dans les milieux catholiques les plus ouverts. Elles paraissent modérées quand on les compare à tels développements de certains publicistes de la même date.

De bien meilleur aloi sont les dissertations consacrées, au t. ii, aux divers problèmes posés par les définitions du concile relatives à la foi et à ses rapports avec la raison. Les amples développements sur le magistère ordinaire de l’Église qui reprennent et mettent au point des questions déjà touchées dans un mémoire spécial, représentent une des meilleures synthèses qui aient été écrites sur le sujet. Le texte conciliaire ne consacrait qu’un mot au « magistère ordinaire et universel » de l’Église. Les Études lui accordent une volumineuse dissertation : En quoi consiste-t-il ? Quels sont ses instruments ? Comment s’exprime-t-il ? A quels signes se reconnaissent les doctrines qu’il impose ? Peut-il créer de nouvelles obligations en matière de doctrine ? A cette dernière question, A. Vacant répondait avec sa prudence coutumière : « Le magistère ordinaire peut élucider un sentiment d’abord obscur, douteux et libre et le rendre certain et obligatoire, au point que la proposition contraire méritera toutes les notes inférieures à celle d’hérésie ; mais jusqu’ici il ne paraît pas avoir transformé aucune doctrine, même certaine, en dogme de foi et il lui serait difficile de le faire. » Visiblement c’est à la doctrine de l’immaculée conception de Marie qu’A. Vacant pensait dans tout ce développement. Seul l’acte définitif du magistère extraordinaire avait pu conférer à la croyance, depuis si longtemps tenue par l’Église, le caractère contraignant qu’elle a revêtu depuis 1854.

Il y a dans ce deuxième volume des Études théologiques bien d’autres questions qui mériteraient de retenir l’attention. Celle du caractère surnaturel et de la liberté de la foi avait retenu l’attention d’A. Vacant à ses débuts ; il y revenait avec une expérience plus approfondie, moins livresque, des façons dont Dieu besogne dans les âmes. Une étude assez fouillée des conditions psychologiques où se trouvent croyants et incroyants aboutissait à cette conclusion : « C’est surtout dans les luttes de certaines âmes, dont la foi semble toujours en question, alors même qu’elles ne doutent jamais, que se révèlent les secrets de la liberté de la foi et qu’on peut étudier l’application des théories théologiques que nous avons résumées. » T. ii, p. 82. Pour être un peu plus « géométriques » dans leur expression, les idées de l’auteur sur l’accord de la foi et de la science, sur les devoirs de l’apologétique méritent d’être relevées : « En prétendant, écrit-il, trouver la confirmation indiscutable de certains récits bibliques ou de certaines thèses théologiques dans des hypothèses éphémères, l’apologiste ferait croire que la saine doctrine n’a pas d’autres bases que ces appuis fragiles, il préparerait pour un avenir prochain le discrédit de l’apologétique et de la religion. » Il conseillait encore à l’apologiste de veiller à ne point amoindrir la science alors même qu’on la lui oppose : « Il aurait tort de mépriser les véritables découvertes de l’esprit humain ou de rendre la véritable science responsable des conclusions prématurées et parfois insensées qu’on lui prête. » T. ii, p. 252.

Malgré tout les Études théologiques portent la marque de l’époque à laquelle elles ont été rédigées. On n’y sent encore passer aucun des souilles qui, dans les dernières années du xixe siècle, annoncent un incontestable renouveau des disciplines ecclésiastiques, de l’exégèse d’une part, de la théologie historique de l’autre. A. Vacant prévoyait-il dès ce moment les profondes transformations qui se préparaient et qui, avec une rapidité déconcertante, allaient poser tant et de si nouveaux problèmes ? A le lire, il ne semblerait pas. Ses chapitres, articles, paragraphes, divisions, sous-divisions continuent à s’aligner dans l’ordre impeccable d’un honnête manuel sans que, nulle part, on ne voie fuser, ne serait-ce que dans une modeste note, l’idée qu’une puissance nouvelle est à l’œuvre, dans le domaine théologique, comme ailleurs, et qui ne tardera pas à contraindre les spécialistes à modifier tout ce bel arrangement. La critique en général, la critique historique en particulier ne semble encore ni prévue, ni annoncée. Qu’il le voulût ou non, A. Vacant serait bien amené à y sacrifier un jour.

4. Théologie dogmatique. — En fait les Études théologiques résumaient tout l’enseignement donné par A. Vacant dans le cours de théologie fondamentale qu’il professa quinze années durant. Son accession à la chaire de théologie dogmatique allait l’amener à

« reconsidérer » un certain nombre de problèmes plus

spéciaux et qui sont plus impliqués que d’autres dans la complexité de l’histoire. Si elle veut enfin sortir des répétitions stériles et de la sempiternelle mise en équation de problèmes périmés, la dogmatique se doit de revenir sur ses origines ; elle n’étudiera pas seulement les formules ecclésiastiques qui l’expriment dans leur rédaction finale et ne varietur, elle se doit de suivre celles-ci dans leur progressive évolution, de montrer par quelles approximations successives, commandées le plus souvent par des circonstances historiques, faciles à reconstituer, ces textes ont fini par prendre leurs contours définitifs. Pour l’exégèse de ces formules, la dialectique se révèle comme un instrument un peu Insuffisant ; l’histoire, au contraire. donnera l’intelligence de bien des nuances qui risquent d’échapper au dialecticien le plus averti. Si la dogmatique est essentiellement — et qui donc le contesterait ? — la science des dogmes et de leur expression par l’Église, il lui est absolument impossible de ne pas faire, de la manière la plus approfondie, l’histoire des dogmes.

Ces idées, A. Vacant n’y arriva pas dès la première heure. Pourtant en 1900, il les exposait d’une manière