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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/463

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VACANT (ALFRED)

très exacte dans un remarquable article de la Revue du clergé français (15 mai 1900, p. 561-589). Faisant état de l’encyclique adressée, le 8 septembre 1899, au clergé de France par Léon XIII, une série de collaborateurs avait étudié la situation de ce clergé suivant les divers points de vue énumérés par l’encyclique. A. Vacant était chargé de poser la question de l’accord entre les méthodes théologiques suivies en France et celles que préconisait le document pontifical. Léon XIII, tout en prônant l’étude de la théologie scolastique, recommandait à côté d’elle la théologie positive et faisait spécialement l’éloge de nos théologiens positifs français : Petau, Thomassin, Mabillon et Bossuet. Ceci amena notre auteur à préciser le concept de théologie positive. Celle-ci, répondait-il, étudie les documents ecclésiastiques en tenant compte du lieu et du temps où ils ont été rédigés ; elle en établit l’authenticité ou le caractère apocryphe ; elle en détermine le sens d’après les documents similaires. D’abord apologétique et se proposant pour but d’établir que les dogmes ne sont pas des innovations, elle a pris allure d’une histoire des doctrines et est devenue une discipline indépendante. Et à cette question : Faisons-nous dans notre enseignement la place nécessaire à cette discipline ? il répondait : « Oui, nous faisons de la théologie positive, nos « preuves » d’Écriture sainte et de tradition en sont ; mais il faut bien avouer qu’elles ne répondent pas toujours aux exigences d’une juste critique. Parmi nos preuves de tradition, que de textes apocryphes et connus comme tels depuis longtemps, telles les Fausses Décrétales ou les Statuta Ecclesiæ antiqua d’Arles, donnés comme le IVe concile de Cartilage. En fait les preuves de tradition constituent la partie la moins soignée de nos manuels. Il serait temps d’ajouter en tête de nos traités ou de leurs principales parties une histoire de la doctrine qui y est étudiée. » Et il ajoutait : « Ces études sur l’histoire des points particuliers supposent une histoire ecclésiastique bien au point. » Parmi les manuels qui lui semblaient répondre à ces desiderata, il indiquait les adaptations françaises des ouvrages de Kraus ou de Funk, introduits depuis quelque temps au séminaire de Nancy.

Le même article signalait en outre un aspect du problème théologique dont peu de personnes s’étaient jusqu’alors souciées. La fréquentation par les jeunes clercs des facultés de l’État amenait ceux-ci à prendre conscience non seulement des méthodes de la critique soit textuelle, soit littéraire, soit historique, mais encore des solutions plus ou moins radicales données, dans certains milieux universitaires, à des problèmes exégétiques ou dogmatiques, solutions qui ne s’accordaient pas toujours avec les réponses jusque-là fournies par l’enseignement ecclésiastique. « Parallèlement à notre enseignement théologique, il se donne parmi nous un enseignement que j’appellerais laïque de la religion. Il n’y a peut-être pas conflit entre les deux parce qu’ils semblent s’ignorer. Mais les problèmes ne se posent pas moins dans l’esprit de ceux qui réfléchissent. Il convient donc de travailler sérieusement ces matières de théologie historique. » Ibid., p. 584-585.

Au moment où il écrivait ces lignes, A. Vacant était arrivé par le travail même du Dictionnaire de théologie à une conception de plus en plus exacte des devoirs de la théologie historique. Combien il est regrettable qu’après s’être appliqué lui-même à voir clair dans tous les problèmes que soulève cette discipline, il n’ait pas eu le temps d’en fixer d’une manière synthétique les grandes lignes !

Dès 1894, d’ailleurs, une Histoire de la conception du sacrifice de la messe dans l’Église latine, publiée dans l’Université catholique (tiré à part de 60 p.), avait montré l’application de ces mêmes idées à un point de la dogmatique. A. Vacant avait remarqué combien factices étaient les essais faits au xviie siècle par les néo-scolastiques pour donner une théorie satisfaisante du sacrifice de la messe. Des prodiges d’ingéniosité avaient été dépensés pour un résultat bien minime. Tous souffraient de la même tare ; aucune de ces théories ne tenait compte de la pensée des siècles passés et ne semblait se préoccuper de l’état de choses antérieur à la Réforme. Pour un peu, l’on eût dit que le xvie siècleavait le premier « réalisé » le grand mystère de l’immolation du Christ sur l’autel. L’étude attentive de l’antiquité et du Moyen Age révélait au contraire qu’à bien des reprises Pères de l’Église et docteurs scolastiques avaient rencontré ce problème. Sans doute, les soixante pages de la brochure en question étaient loin d’approfondir ledit problème comme devaient le faire les belles études parues ultérieurement, soit ici même, soit dans des ouvrages indépendants. Elles contribuaient du moins à orienter les recherches dans une direction qui devait être celle de l’avenir. En 1896, la Revue du clergé français du 1er mai donnait, dans un ordre d’idées analogue, une étude sur la confession : Le précepte divin de la confession a-t-il été connu et observé par les premiers chrétiens ? C’était l’époque où les premières études indépendantes sur la confession auriculaire avaient quelque peu ému les milieux catholiques, même les plus ouverts. Voir ici l’art. Pénitence, t. xii, col. 844. Avec une prudence, teintée de quelque concordisme, A. Vacant s’efforçait de montrer que, fussent-ils admis, les résultats auxquels aboutissait la critique indépendante ne mettaient pas en échec la donnée ecclésiastique sur l’obligation de soumettre aux chefs de l’Église les fautes mortelles dont on veut obtenir le pardon. Encore qu’assez superficiel, l’article avait au moins le mérite de ne soulever contre les faits bien attestés aucune de ces exclusives violentes et a priori dont étaient pour lors si prodigues bon nombre de publicistes catholiques.

Le Dictionnaire de théologie. — Les travaux divers que nous avons signalés avaient donné à l’abbé Vacant, dans le monde théologique français, une solide réputation. Elle l’était d’autant plus, que jamais son activité ne s’était dépensée dans ces polémiques stériles qui étaient pour lors trop fréquentes dans les milieux intellectuels catholiques. Par tempérament, A. Vacant n’aimait pas ces discussions qui, en général, ne font guère avancer les questions et prouvent seulement la fécondité dialectique des adversaires. Il se contentait d’exposer son point de vue avec sobriété, clarté et fermeté, sans donner jamais l’impression qu’il cherchait à l’imposer de vive force.

Cette autorité reconnue de tous allait lui faciliter l’élaboration et la mise en marche du Dictionnaire de théologie catholique. Disons tout de suite que, si intimement qu’il se soit identifié à l’œuvre dès le début, l’initiative ne vint pas de lui, mais de la maison Letouzey et Ané, qui venait de lancer, quelques années auparavant, selon une formule un peu nouvelle, un Dictionnaire de la Bible dont la direction avait été confiée à F. Vigouroux. A côté de cet instrument de travail, il y avait place pour un répertoire consacré aux sciences proprement théologiques, que pourraient ultérieurement prolonger des répertoires analogues consacrés aux autres sciences sacrées : archéologie, liturgie, droit canonique, histoire. Pour ce qui était de la théologie proprement dite, on en était resté en France aux vieux dictionnaires publiés en série par Migne, cf. ici, t. x, col. 1728. Un peu plus au courant se trouvait être la traduction que l’abbé Göschler avait donnée de la 1re édition du Kirchen-