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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/488

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V A L E N T I N. ES C HAT L G I E


opère ses propres œuvres en s’abandonnant à la licence de passions inconvenantes. À mon sentiment, le cœur peut se comparer à une auberge ouverte à tout venant, qui souvent est percée, fouillée, remplie de l’ordure d’hommes qui s’y conduisent sans retenue, sans aucun ménagement pour le lieu où ils sont et j qu’ils considèrent comme étranger. Pareillement le cœur, tant qu’il reste hors de l’action de la Providence, demeure impur et sert de résidence à une foule de démons ; mais, lorsque le Père, qui seul est bon, a jeté un regard sur lui, il se trouve sanctifié et resplendit de lumière, et c’est ainsi que celui qui a un tel cœur est bien heureux, car il verra Dieu. » Stromat.. II, xx, P. G., t. viii, col. 1057.

Les anges travaillent à souiller l’homme par les mauvaises passions. Le salut consiste donc dans la libération de ces passions. Mais il est atteint de diverses manières suivant ceux à qui il est proposé. Les parfaits, les pneumatiques, sont presque sauvés naturellement, puisqu’ils possèdent déjà l'élément spirituel. Il leur suffira donc de prendre conscience de cet élément spirituel par la gnose, c’est-à-dire par la connaissance des mystères. Dans une homélie qu’il adresse aux initiés de la secte, Valentin s’exprime ainsi : « Vous êtes immortels dès l’origine ; vous êtes fils de la vie éternelle et vous vouliez partager la mort entre vous-mêmes, afin de la consommer et de la ruiner, afin que la mort meure en vous et par vous. Car lorsque vous dissolvez le monde, sans être vous-mêmes dissous, vous êtes maîtres de la création et de toute la corruption. » Stromat., IV, xiii, col. 1297. Quelques lignes plus bas, Clément cite un autre fragment, qui provient peut-être de la même homélie : « Autant une image est inférieure à un visage vivant, autant le monde est au-dessous de l'éternité vivante. Quelle est donc la cause de l’image ? C’est la majesté du visage qui a fourni le modèle au peintre pour qu’elle soit honorée en son nom. car la forme n’a pas été douée d’une existence Indépendante : c’est le nom qui a fourni sa plénitude à la déficience dans le modelage de la forme. L'être invisible de Dieu contribue à garantir ce qui est formé. » Stromat., IV, xiii, ibid. Ces dernières lignes ont un accent platonicien très prononcé. Le monde visible est en quelque sorte l’image du monde invisible et il est autant au-dessous de lui que l’image est au-dessous du modèle vivant. Spécialement les initiés, les justes, les pneumatiques sont les enfants de la vie éternelle ; ils apparaissent ainsi supérieurs à la matière, à la corruption, à la mort elle-même dont ils triomphent en quelque sorte par droit de nature.

Cependant, et ceci est capital, la rédemption ne peut être opérée que par l’intermédiaire de Jésus-Christ. Dans le fragment d’une lettre à Agathopous, Valentin s’exprime ainsi au sujet du Sauveur : « Tout en s’assujettissant à toutes les nécessités de la vie, il les a dominées. C’est ainsi qu’il a réalisé la divinité. Il mangeait et buvait d’une manière particulière sans évacuer. Si grande était sa force de tempérance que les aliments ne se dissolvaient pas en lui, puisque lui-même ne devait pas connaître la dissolution. » Stromat., III, vii, col. 1161. Cette christologie est franchement docète. Cela n’est pas pour nous étonner puisque, nous l’avons déjà dit, la chair de Jésus n’est pas d’origine humaine et qu’en entrant dans le monde. Jésus a passé par Marie sans rien lui emprunter. Il est inutile de se demander si ce corps était réel

ou était une simple apparence. Étranger à toutes les exigences, > toutes les conditions de la vie ordinaire, il ne pouvait en tout Cal être comparé à celui des aul res hommes.

Il suffit aux pneumatiques, pour participer au salut, de connaître la doctrine enseignée par Jésus.

DIC1. Dl I MI ni i M MOI..

Épiphane, Hseres., xxxi, 7, t. xli, col. 488, dit explicitement qu’ils doivent être initiés aux mystères, ce qui d’ailleurs ne signifie pas qu’ils sont obligés de connaître les mots de passe grâce auxquels ils seront autorisés à franchir les passages dangereux et à pénétrer dans le monde supérieur. On trouve ces mots de passe chez les gnostiques postérieurs et les ouvrages conservés en langue copte en fourniront de nombreux exemples. Nous n’avons pas la preuve que Valentin lui-même leur ait accordé une place.

Les psychiques sont plus difficilement sauvés. Grâce au libre arbitre, ils peuvent cependant parvenir au salut. Leur destinée dépend de leur propre choix. Sont-ils tenus de pratiquer la justice ? d’accomplir de bonnes œuvres ? Saint Irénée et saint Épiphane l’assurent également. On serait même tenté de croire qu’ils diffèrent en ce point des pneumatiques dont le salut est en quelque sorte nécessaire, car saint Irénée écrit au sujet de ces derniers : « Les hommes spirituels ne peuvent périr, quels que soient les actes qu’ils commettent. Même enseveli dans un bourbier, l’or ne perd pas sa beauté. » Cont. hær., i, vi, 2, t. vii, col. 507. L’indifférence des actes est incluse dans ces formules et les hérésiologues ont reproché aux gnostiques de toute secte leur amoralisme. Les psychiques tout au moins ne semblent pas tomber sous un tel grief. Si, pour eux aussi, le salut est essentiellement une gnose, il n’exclut pas, bien loin de là, la pratique de la vertu. La connaissance de Jésus, l’imitation de Jésus, telles paraissent les deux conditions de la rédemption. Le salut lui-même dépend-il de la croix ? Il ne le semble pas. La croix joue certes un rôle dans la doctrine de Valentin. Ce n’est pas sans raison que la limite entre les deux mondes, le plérôme et le monde d’en bas porte le nom de Stauros. Ce mot signifie pieu ; mais, dans le langage chrétien, il a surtout la signification de croix. Cependant, il n’est pas question du sacrifice du Christ et de sa mort sanglante et, si Jésus n’a pas eu un corps soumis aux nécessités de la vie physique, on ne voit même pas comment il aurait pu mourir et répandre son sang. Il s’est contenté en réalité d’enseigner une doctrine : les psychiques peuvent l’accepter ou la refuser. S’ils l’acceptent et s’ils agissent en conséquence, ils participent au salut.

Restent les hyliques, les hommes purement matériels. Il n’y a rien à espérer pour eux. Faits de matière, exclus de toute participation à l'élément spirituel, ils sont incapables d'être sauvés et le mot de salut n’a même aucun sens lorsqu’il s’applique à eux. Ils retourneront purement et simplement à la matière, sans que rien puisse empêcher leur sort de s’accomplir.

Eschatologie.

Nous sommes fort mal renseignés

sur l’eschatologie de Valentin. Déjà l’ordre et la paix ont été rétablis dans le plérôme. Seul, le monde d’en bas reste sujet au trouble. Sera-t-il sauvé lui-même en tant que tel et finira-t-il par trouver un état définitif de repos ? ou bien seuls les hommes. pneumatiques on psychiques, auront-ils part au salut ? D’après les Philosophotunena, la substance psychique est de feu, car elle est de même nature que le démiurge et celui-ci est de nature ignée selon le témoignage de l'Écriture : « Le Seigneur ton Dieu est un feu qui brûle et qui consume.. il suit de là que l'âme est de sa

nature mortelle en qualité d'être intermédiaire. » Elle est en elîel hchdnmade et repos. Elle est au dessous de l’ogdoade résidence de Sophia. [le jour] qui a revu une forme, et de Jésus, le fruit commun du plérôme ; d’autre part, elle est au-dessus de la matière, séjour du démiurge. Si elle se rend parfaitement semblable aux choses d’eu haut, à l’ogdoade. elle devient immortelle et monte dans l’ogdoade qui, dit Valentin, est la

T. — XV. — 70.