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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/547

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V E N G K A N C E — VENTF


jamais permis de se faire justice à soi-même et c’est dans des cas très rares qu’un particulier peut prendre l’initiative de venger l’honneur de Dieu, le bien de la patrie, l’intérêt de la société. Voir col. 2616. Si de telles initiatives étaient permises à la foule, il en résulterait pour la société des inconvénients considérables : absence de garantie dans la légitimité de telles exécutions, erreurs fréquentes provenant de la précipitation ou de la passion. On en a vu maints exemples dans les jours qui ont suivi la libération du territoire français en 1944. Par là nous devons aussi condamner la pratique du lynchage souvent employé, aux États-Unis, contre les nègres coupables : le meurtre immédiat d’un malfaiteur, par la foule indignée, sans formalité judiciaire, demeure, aux yeux de la conscience chrétienne, un véritable crime. Cette « justice sommaire » est trop dangereuse pour être approuvée. Cf. Noldin-Schmitt, De præceptis, n. 331 c.

S. Thomas, Sum. theol., II*-II">, q. cviii, a. 1-4 ; q. clviii, a. 2-5 ; III", q. xv, a. 9 ; De malo, q. xii, a. 1 ; a. 3, ad 5um ; Ad Romanos, c. xii, lect. 3. Voir aussi : pour le commenttaire de la q. cxiii, a. 3, II*-II æ, q. lxiv, a. 2 ; q. lxv, a. 1-3 ; de l’a. 4, P-II », q. lxxxvii, a. 7, 8. Cf. J.-D. Folghera, La tempérance, t. ii, dans la Somme théol., éd. de la Revue des Jeunes, Paris, 1928, p. 58-96, avec les notes 43, 44, 45, 49, 52 et 53 du P. Noble ; du même. Les vertus sociales, même édition, Paris, 1932, p. 136-138 et notes 41-45.

Les moralistes, en général, ont traité fort succinctement cette question de la vengeance et le plus souvent ils ont envisagé la vengeance, non comme une vertu, mais comme une tendance égoïste et mauvaise. Voir cependant quelques traits moins exclusifs dans Prùmmer, Theol. moralis, t. ii, n. 612 ; Tanquerey, De virtute justitiæ, n. 587.

Sur les représailles, on se reportera à l’étude classique de L. Le Fur, Des représailles en temps de guerre, Paris, 1919. Voir aussi une esquisse doctrinale, La vengeance et les représailles, dans mon livre Questions théologigues du temps présent. I. Questions de guerre, Paris, 1918, p. 43-64. Ici même, à l’art. Guerre, quelques indications générales, t. vi, col. 1928-1931.

Les sanctions sont étudiées dans la plupart des ouvrages de philosophie morale. Voir spécialement Baudin, Morale, Paris, 1936, p. 200 sq. ; Lahr-Picard, Cours de philosophie, t. ii, mais surtout : Éléments de philosophie scientifique et morale, Paris, 1921, p. 382-392. Sur les sanctions internationales, voir la thèse de M. Codsi-Goubran, Le problème des sanctions dans l’évolution de l’arbitrage international, spécialement lil 1° partie, p. 17-80 et l’abondante bibliographie des ouvrages de MM. Le Fur et Codsi-Goubran.

A. Michel.


VENTE ET ACHAT. — Cette question, qui relève spécifiquement de l’économie sociale, touche cependant de trop près à la morale pour être passée sous silence. On envisagera ici :
I. Les notions générales.
II. Le juste prix.
III. Les devoirs de l’acheteur et du vendeur.
IV. Quelques espèces particulières de ventes.

I. Notions générales.

Vente et achat.

L’impossibilité où se trouve l’individu laissé à lui-même de produire tout ce qui est nécessaire à sa subsistance personnelle et à celle de sa famille a introduit dans la société la « division du travail ». L’un produit ce qui est nécessaire à l’autre et celui-ci se procure auprès de celui-là ce qui lui manque. Le troc primitif, ou échange d’un objet donné pour un objet reçu de valeur estimée égale, a presque complètement disparu dans les sociétés modernes et contemporaines. Les choses et les denrées échangeables sont évaluées pécuniairement, en fonction d’une monnaie ayant cours et de valeur déterminée. On fixe ainsi leur prix d’achat ou de vente. Le procédé est ingénieux et simple et favorise le commerce.

L’achat ou la vente peuvent donc se définir : « Un contrat onéreux par lequel est transféré la propriété d’un objet moyennant un prix déterminé. » Trois éléments essentiels entrent dans ce contrat :
1. Le mutuel consentement de celui qui achète et de celui qui vend ;
2. L’objet, mobilier ou immobilier, constituant la marchandise ;
3. La somme d’argent, prix de la marchandise. Le deuxième élément différencie la vente du change de monnaie ; le troisième la différencie du simple troc.

D’après le droit naturel, le transfert de propriété existe dès que les deux parties contractantes sont d’accord sur la marchandise et sur le prix. Mais, d’après le droit civil, certaines conditions peuvent encore être requises pour que le contrat devienne effectif : conditions de poids, de nombre, de mesure, de goût, d’essai préalable, prévues dans la convention. Ces conditions doivent être d’abord remplies pour que la vente et l’achat aient leur plein effet. Code civil français, art. 1582-1593.

Acheteur et vendeur.

L’achat ou la vente étant un contrat, le droit naturel ne peut admettre comme acheteurs ou vendeurs que des individus jouissant suffisamment de leur raison, pour comprendre les obligations qu’ils contractent. Sont donc exclus les enfants n’ayant pas l’usage de la raison, les déments perpétuels, les individus ivres ou furieux pendant le temps de leurs crises. Sans les exclure absolument, le droit naturel considère comme moins habilités à l’achat ou à la vente les demi-fous ou les personnes ne jouissant de leur raison que par intermittence. Les impubères ayant l’usage de la raison pourraient valablement acheter ou vendre.

Mais le droit civil apporte ici d’heureuses restrictions en ce qui concerne les mineurs, les interdits, les femmes mariées, les époux entre eux, les tuteurs par rapport aux biens dont ils gèrent la tutelle, les mandataires par rapport aux biens qu’ils sont chargés de vendre, les administrateurs relativement aux biens confiés à leur administration, les officiers publics, les juges, les magistrats civils, etc. Voir Code civil français, art. 388-487, 489-512, 1401-1496, 1595, 1596, 1597.

Marchandise.

Le principe général, admis par tous, est que le vendeur ne peut céder que des choses dont il est le légitime propriétaire. Cf. Code civil, art. 1598-1601. Si le vendeur cède, même de bonne foi, un bien ne lui appartenant pas, , l’acquéreur, même de bonne foi, ne devient pas légitime propriétaire. C’est alors que se posent les cas de conscience relativement aux possesseurs de bonne foi, de foi douteuse, de mauvaise foi. Voir Tanqueray, Synopsis theol. moralis, t. iii, n. 461 sq.

De plus, le droit naturel exige que la chose vendue ne soit pas substantiellement viciée ou modifiée. Un défaut qui rendrait l’objet acheté nuisible ou inutile, alors que l’acheteur entendait acquérir quelque chose de profitable et d’utile, empêche très certainement la vente ou l’achat d’être valable. Toutefois, pour couper court aux discussions possibles, le droit civil français déclare de tels contrats valables, mais rescisibles. Cf. Planiol, Traité élém. de droit civil, Paris, 1905, t. ii, n. 1053, 1055, 1056, 1058.’La qualité de la marchandise livrée à l’acheteur doit donc être exactement celle dont, on est convenu. Voir plus loin. Aussi la morale naturelle, soutenue ici par la loi civile, interdit-elle les fraudes de toutes sortes. Au sujet de ces fraudes, qui vicient plus ou moins la qualité de la marchandise, se posent une quantité de cas de conscience concernant l’obligation de restituer ou de compenser. Si la fraude vicie substantiellement la denrée vendue, le contrat est, comme on l’a dit, ou nul ou rescisible. Si elle ne la vicie que d’une manière accidentelle, le contrat est rescisible au gré de l’acheteur, si toutefois elle est intervenue pour décider la vente. Cf. Tanquerey, op. cit., n. 611.