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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/557

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VERBE. LES TEXTES JOHANNIQUES


le prologue, est-il précisé que, s’il est envoyé pour rendre témoignage à la lumière, il n’est pas lui-même la lumière. C’est le Verbe qui est la lumière véritable venant en ce monde pour éclairer tout homme : êpx6[i.evov se rapportant à <pwç et non à àvOpcoTrov ; cf. iii, 19 ; xii, 46. Même avant l’incarnation, cette lumière était déjà dans le monde, au moins par la présence habituelle de Dieu dans ses créatures, mais le monde, fait par le Verbe-créateur, n’a pas connu son auteur. Cf. Sap. xiii, 1 sq. ; Act., xiv, 15-17 ; xvii, 30 ; Rom., i, 16-22. Bien plus, le Verbe est venu chez lui, dans le peuple qu’il s’était choisi, le peuple juif dépositaire des promesses rédemptrices et bénéficiaire de toutes les manifestations rappelant ces promesses, et « les siens ne l’ont pas accueilli », f. Il ; cf. Matth., xxiii, 37. On pourrait dire aussi : « le Verbe est venu chez lui, dans le monde, et les siens, tous les hommes, ne l’ont pas accueilli » (S. Thomas).

Cette venue du Verbe trouvera sa manifestation suprême dans l’incarnation. Mais à tous ceux qui l’ont reçu — par la foi, car « c’est le recevoir que croire en lui » (S. Thomas) — il accorde le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Le Verbe est lumière et apporte aux hommes la vérité par la foi. Ceux qui croiront en lui renaîtront de Dieu, d’une régénération spirituelle entièrement due à Dieu, par opposition à la génération humaine, due à la volonté charnelle de l’homme. Cf. Joa., iii, 3-8. On pressent ici l’universalité de la rédemption.

On notera ici la version de Tertullien (celle aussi de Justin), rapportant le ꝟ. 13 au Christ : non ex sanguine, neque ex carne et viri voluntate, sed ex Deo natus est. De carne Christi, 24, P. L., t. ii, col. 791 A (le texte incorrectement transcrit), afin de réfuter les prétentions des valentiniens. Des auteurs contemporains, Loisy, Guignebert, Jésus, Paris, 1933, p. 129, s’efforcent de tirer de la leçon de Tertullien un argument contre la conception virginale. Voir la discussion dans Lagrange, op. cit., p. 17-19.

b) L’incarnation. — La venue du Verbe en ce monde s’est effectuée d’une manière encore plus concrète : « Et le Verbe s’est fait chair », ꝟ. 14. Le mot « chair » doit être pris ici dans le sens plus complet d’ « homme ». Voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 446-447. Et, pour appuyer le témoignage rendu au mystère de l’incarnation, l’évangéliste précise les raisons de crédibilité de ce témoignage : « Il a habité parmi nous. » Cf. I Joa., i, 1. À cette première affirmation, il faut joindre ce qui suit : « Et nous avons contemplé sa gloire. » Réminiscences de l’ancienne présence de Dieu parmi son peuple, la demeure accompagnée de la gloire, la Chekina. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 2375 ; Gloire, t. vi, col. 1388 ; Trinité, t. xv, col. 1559 ; cf. Ex., xxv, 8 ; Lev., xxvi, 11 ; II Reg., vii, 6, etc. Mais ces réminiscences ne découvrent qu’une partie de la pensée de l’évangéliste qui ajoute aussitôt : « gloire qu’un tel Fils unique tient d’un tel Père » ; gloire qu’aucune image humaine ne peut représenter, mais qu’il avait été donné à Pierre et à Jean de connaître à la transfiguration ; cf. II Petr., i, 16-18 ; Joa., i, 14. Gloire divine, qui atteste la divinité du Verbe, et dont le rejaillissement dans la personne de Jésus-Christ se traduit par une « plénitude de grâce et de vérité ».

Ce grand mystère de l’incarnation du Verbe préexistant dans sa divinité reçoit une dernière confirmation de Jean-Baptiste lui-même. L’évangéliste rapporte ce nouveau témoignage qu’il avait sans doute entendu autrefois dans le désert. Le Précurseur atteste que le Verbe incarné, venu après lui, a passé avant lui, Joa., i, 30, et cela en toute justice, car il était avant lui, en raison de sa préexistence éternelle.

Voir Joa., iii, 26 sq. (les t. 31-36 rapportant, non une parole de Jean-Baptiste, mais une réflexion personnelle et combien profonde de l’évangéliste lui-même).

c) Les bienfaits de l’incarnation. — Dans le Verbe incarné, il y a plénitude de grâce et de vérité : vie, grâce, vérité sont en lui solidaires, sinon identiques, la vérité marquant ici ce sens profond de la réalité divine vers laquelle l’homme régénéré doit tendre pour parvenir à sa fin. De cette plénitude nous avons tous reçu : tous, c’est-à-dire tous ceux sans exception, soit dans le Nouveau Testament, soit même dans l’Ancien, qui appartiennent au Christ par la foi (vérité) et par la grâce. « Grâce après grâce », non pas sans doute la Loi remplacée par l’Évangile, mais, d’une manière plus générale, l’enchaînement des grâces reçues de celui qui en a la plénitude, dans une gradation sagement ordonnée. Cf. Boyer, Xàptv àv-ri /âpi-roç, dans Biblica, 1925, p. 454-460. La Loi, en effet, a été donnée par Moïse ; mais la grâce et la vérité, dont le Verbe possède, en tant que Dieu, la plénitude, se sont répandues par le Christ. Par un dernier trait bien conforme à toute la teneur du prologue, saint Jean rattache cette effusion de grâce et de vérité à sa source première, la divinité, nonobstant l’invisibilité essentielle de celle-ci ; et cela, grâce à un Dieu, le Fils unique qui, étant dans le sein du Père, nous a cependant parlé, ꝟ. 18 ; cf. Matth., xi, 25-27.

Sur les difficultés de l’exégèse de ce verset, voir Zahn, Das Evangelium des Johannes ausgelegt, Leipzig, 1912, Excursus, iii, p. 712 sq. ; le résumé dans Lagrange, op. cit., p. 26-28. Des trois leçons : [i.ovoy£vr ( ç sans Geoç ni uîôç ; ii, ovoy£v/)ç uîôç ou (xovoyevïjç Geôç, la dernière semble de beaucoup préférable.

Première épître.

Deux textes sont relatifs

au Verbe. — 1. Le préambule de l’épîlre, i, 1-3.

Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché du Verbe de vie — car la Vie nous a été manifestée, et nous l’avons vue, et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la Vie éternelle, qui était près du Père et nous a été manifestée — ce que nous avons entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ.

Les deux premiers versets semblent n’être qu’un résumé du prologue du IVe évangile. On y retrouve les deux aspects de la doctrine christologique exposée plus haut ; mais ils sont présentés en sens inverse. Dans le ꝟ. 1, c’est le Verbe incarné, dans sa réalité visible et tangible, écho de Y Et Verbum caro factum est. Le ꝟ. 2 s’attache au côté divin et éternel de ce Verbe qui, près du Père, était Vie et dont Jean a eu

la révélation, écho du début du prologue
in principio

erat Verbum… et Deus erat Verbum. On retrouve également la Vie conçue comme une prérogative substantielle du Verbe. Le Verbe de vie s’est manifesté et c’est grâce à sa manifestation que saint Jean peut annoncer la Vie éternelle qui n’est autre que ce Verbe lui-même. Et le Verbe nous mettra en communion avec le Père par l’acceptation de la lumière, c’est-à-dire de la vérité qu’il est venu apporter aux hommes. Cf. dans la même épître, i, 7, 8 ; ii, 8-11, 24-25 ; v, 6.

2. Le comma Johanneum, v, 7-8.

Il y en a trois qui rendent témoignage (dans le ciel, le Père, le Verbe et l’Esprit ; et ces trois sont un. Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre) : l’Esprit, l’eau et le sang, et ces trois sont un.

Le t. 7, où sont énumérés les trois personnes divines, constitue un beau témoignage de la foi en la Trinité. Mais il ne semble pas qu’on puisse le considérer