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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/558

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2645 VERBE. ORIGINES DE TERME. 2646

comme appartenant à la rédaction primitive de l’épître. Le passage douteux a été mis entre parenthèses. Voir dans Lebreton, 'op. cit., p. 645-652, un bon résumé des conclusions critiques, avec une bibliographie très suffisante.

Au sujet de ce verset des « trois témoins », deux décisions romaines ont été portées. La première, du Saint-Office (13-15 janvier 1897) était ainsi libellée : Utrum tuto negari aut saltem in dubium revocari possit esse authenticum textum S. Joannis in epistola prima, c. v, ꝟ. 7 ? — R. Negative. — La seconde également du Saint-Office (2 juin 1927) restreint et précise la portée de la première décision ; elle consacre la distinction déjà faite par d’excellents théologiens entre authenticité de doctrine et authenticité d’origine (genuinitas). Texte dans l'Enchiridion biblicon, n. 121. Voir l’exposé de la question dans l’Ami du clergé, 1928, p. 237-238.

L’Apocalypse.

C’est au milieu d’une description apocalyptique du triomphe du Christ que l’auteur jette, comme en passant, le nom du Verbe, xix, 11-16.

Je vis le ciel ouvert, et il parut un cheval blanc. Celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véritable ; il juge et combat avec justice. Ses yeux étaient comme une flamme ardente ; il avait sur la tête plusieurs diadèmes et portait un nom écrit que nul ne connaît que lui-même ; il était revêtu d’un vêtement teint de sang ; son nom est le Verbe de Dieu. Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de fin liii, blanc et pur. De sa bouche sortait un glaive affilé pour en frapper les nations ; c’est lui qui les gouvernera avec un sceptre de fer, et c’est lui qui foulera la cuve de vin de l’ardente colère du Dieu tout-puissant. Sur son vêtement et sur sa cuisse, il portait écrit ce nom : Roi des rois et Seigneur des seigneurs ».

On le constatera plus loin : dans ce passage, rien ne rappelle ni de près ni de loin les spéculations de Philon sur le Logos. C’est plutôt le souvenir de la

« Parole toute puissante de Dieu », telle que la décrit

le livre de la Sagesse, qui a inspiré ici saint Jean :

« Votre parole toute-puissante s’élança du haut du

ciel de son trône royal, comme un guerrier impitoyable, au milieu d’une terre vouée à l’extermination, portant comme un glaive aigu votre irrévocable décret » Sap., xviii, 15-16.


II. Origines du logos johannique. —

L’Ancien Testament : la Parole. —

La « Parole de Dieu » est une métaphore fréquemment employée pour exprimer l’efficacité immédiate de la volonté divine. Gen., i, 3 : « Dieu dit : que la lumière soit et la lumière fut ». Ps., xxxiii (xxxn), 6, 9 : « Par la parole de Jahvé (LXX : τῷ λόγῳ τοῦ κυρίου) les cieux ont été faits… Il dit, et tout a été fait ». Cf. Ps., cxLvIn, 5 ; Eccli., xcii, 15 ; xt, 26 (ἐν λόγῳ αὐτοῦ σύγκειται πάντα) ; Sap., ΙΧ, 1 (ὁ ποιήσας τὰ πάντα ἐν λόγῳ σου). Sur l’efficacité de cette parole, voir aussi Osée, vi, 5 ; Ez., xxxvii, 5 ; Eccli., xlviii, 3. D’autres textes, plus expressifs, semblent personnifier la parole et en faire la messagère de Dieu. Cf. Is., lv, 10-11 ; ix, 7 ; Ps., cvii (cvi), 20 ; cxlvii, 4, 7. Dans un sens analogue, le prophète Zacharie va jusqu’à personnifier la

« parole de malédiction », rouleau long de vingt

coudées et large de six, qui se déploie sur toute la face du pays et balaie tout devant lui. Zach., v, 1-4. Ce ne sont là que de hardies figures de langage ; en aucun texte, la « parole i n’est conçue comme une hypostase distincte de Dieu.

En rapprochant la « Parole » et la « Sagesse », les livres sapientiaux fournissent une personnification un peu plus accentuée de la Parole. Comme la Parole, la Sagesse est sortie de la bourbe du lu Haut. Voir Fils de Dieu, t. v, col. 2307-2371 ; Trinité, t. xv, col. 1555. Dans sa prière, pour demander la sagesse, Salomon attribue à la Parole un rôle parallèle, sinon identique à celui de la Sagesse et il fait asseoir la Sagesse près du trône de Dieu. Sap., ix, 1-2, 4. Plus loin, il représente la parole divine « s’élançant du haut du ciel, de son trône royal ». xviii, 14. Sans doute, la parole n’est pas hypostasiée en ces textes ; néanmoins, ces métaphores permettent des développements ultérieurs, y compris, sous l’influence de l’inspiration divine, la conception d’une

« Parole », d’un Logos personnifié.

La théologie juive palestinienne.

Un de ces développements est celui des targoums avec la Memra. Voir les textes à Fils de Dieu, t. v, col. 2374 « Sans cesse, dit J. Lebreton, dans les targoums on rencontre la Memra de Jahvé ; elle vit, elle parle, elle agit ; mais si l’on veut préciser la portée de cette expression, on ne trouve le plus souvent qu’une périphrase substituée par le targoumiste au nom de Jahvé. Ainsi que l’a justement remarqué M. Dalmann, Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, t. i, p. 188, « on est très éloigné d’en faire une hypostase divine ; on prononce « la parole » mais on pense « Dieu ». J. Lebreton, 'op. cit., p. 162. Les rabbins n’osent nommer Dieu aussi souvent qu’il est nommé dans la Bible ; en voilant la majesté divine derrière la périphrase de la Parole ou de la Demeure, ou de la Gloire souvent jointe à la Demeure, leurs scrupules sont calmés. Cf. Fr. Zorell, De reverentia erga nomen divinum in S. Scriptura quibusdam caulelis significata, Rome, 1925.

Les rabbins ont si peu voulu personnifier ces expressions que, familière aux targoums, la « Parole » devient d’un emploi très rare dans le Talmud et dans la Midrach, peut-être par défiance du dogme chrétien. Il ne faut donc pas faire de rapprochement réel entre la Memra des targoumistes et le Logos de saint Jean ; une simple analogie verbale suffit. Ce qui n’empêche pas que la terminologie rabbinique ait pu être présente à l’esprit de l’évangéliste quand il écrivait son prologue et qu’on puisse, avec quelque vraisemblance, en trouver une trace non seulement dans le Logos, mais encore dans la gloire du Verbe et sa demeure en nous.

Théologie néoplatonicienne de Philon.

La théorie philonienne des puissances intermédiaires entre Dieu et le monde sensible et la doctrine du Logos, le premier et le plus important de ces intermédiaires, a été suffisamment exposée à Fils de Dieu, col. 2381-2385 et à Trinité, col. 1567-1571. Il suffit ici d’établir, dans la mesure où ils existent, les points de contact entre la conception philonienne et la doctrine johannique du Verbe.

1. Comparaison générale. —

Le point de départ des deux doctrines est le même : il s’agit de trouver l’intermédiaire qui rapproche un Dieu infiniment parfait de ses créatures infiniment distantes de lui. Mais, dans leurs lignes générales, les solutions apparaissent bien différentes.

a) Le Logos philonien.

Le Logos est le premier et le plus important des intermédiaires entre Dieu et le monde sensible. Mais Philon lui prête une multitude de rôles qui manifestent les divers aspects de sa qualité d’intermédiaire : le Logos est sagesse et raison divines ; fils, ange et grand prètre de Dieu ; il est l’image de Dieu, le modèle et l’idée du monde sensible, sa loi vivante, sa force vitale, le lien entre ses éléments ; il est l’instrument de la création. Il est celui par qui nous connaissons Dieu et qui intercède pour nous, par lequel nous nous élevons progressivement à la contemplation divine. Comme dit Philon,

« il a le privilège d’être mitoyen entre la créature et le créateur et de séparer l’un de l’autre… ; il est,

près des sujets, l’ambassadeur du Roi ». Qui* rerum divin, heres, 205 (édlt, Mangev. t. i. 501). Le Logos se présente donc comme n’étant ni sans principe