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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/583

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Mais voici que de grands changements se préparent en Angleterre, où le roi Henri VIII vient de mourir, le 27 janvier 1547. Le primat de Cantorbéry, Cranmer, se hâte de « réformer » son pays. Il lance, pour cela, des invitations et des offres alléchantes aux plus illustres professeurs du protestantisme. Pierre Martyr et Ochino sont parmi les premiers qui répondent à son appel. Vermigli, que suit toujours l’inévitable Santerenziano, reçoit le titre envié de professeur royal de théologie à l’université d’Oxford, tandis que Bernardin Ochino revêtait la même dignité à l’université rivale de Cambridge. Bucer et Paul Fagius les rejoignaient, deux ans plus tard, à la suite de l’Intérim d’Augsbourg, qui les chassait d’Allemagne. Entre ces « réformateurs » et les tenants de la tradition anglocatholique, la lutte fut tout de suite très vive. Elle fut marquée par des émeutes et des injures graves. Mais les novateurs étaient fortement soutenus par Cranmer et par le gouvernement royal. L’épisode le plus marquant fut la dispute d’Oxford de 1549, à propos de l’eucharistie. Nous verrons, dans la seconde partie de cet article, les arguments présentés contre la doctrine catholique par Pierre Martyr et ses amis. Ces arguments eurent la plus grande influence sur la rédaction du Prayer-Book de 1549. Pierre Martyr et ses partisans ne trouvèrent cependant pas les concessions qui leur étaient faites au sujet de la messe et de la présence réelle suffisantes pour leurs prétentions. Ils firent tant que le Prayer-Book fut changé en 1552. Pierre Martyr eut la plus grande part, avec Bucer, à la rédaction des formules qui l’intéressaient si particulièrement. Lorsque plus tard les 42 articles de 1552 devinrent les 39 articles de 1571, aucune modification appréciable ne fut faite à cette rédaction, si bien que J. Trésal a pu écrire : « L’Église anglicane a gardé jusqu’à nos jours, pour la célébration de la cène, les prescriptions de 1552. » Les Origines du schisme anglican, Paris, 1908, p. 282.

Dès 1553, cependant, Pierre Martyr vit son œuvre menacée. Edouard VI était mort. Marie Tudor accéda à la couronne. Elle était catholique et consacra toutes ses énergies à la restauration de l’ancienne religion en Angleterre. Pierre Martyr et Ochino quittèrent le pays. Bucer et Fagius y étaient morts, mais leurs restes furent arrachés au tombeau, ainsi que ceux de la première femme de Pierre Martyr, et brûlés par le bourreau sur un bûcher.

Vermigli redevint, en 1554, professeur de théologie à Strasbourg, d’où il passa, en 1556, à Zurich. Il était devenu l’une des plus hautes autorités de la Béforme et l’un des oracles du protestantisme, surtout en Italie et en Angleterre. Il entretenait une correspondance très active avec ses nombreux consultants et admirateurs. Il faut voir une preuve de sa grande notoriété dans le fait qu’il accompagnait Théodore de Bèze au Colloque de Poissy, convoqué par Catherine de Médicis, du 9 septembre au 13 octobre 1561. Pierre Martyr essaya en vain d’user de son prestige auprès de la reine Catherine de Médicis, qui était de Florence, comme lui-même. Il eut avec elle de longs entretiens, dans leur commune langue maternelle. Mais tous ses efforts furent vains. Théodore de Bèze et lui avaient trouvé un adversaire redoutable dans le P. Laynez, qui eut de sévères paroles pour rappeler l’apostasie de l’ancien chanoine régulier de Saint-Augustin de Fiesole. Pierre Martyr mourut, un an plus tard, à Zurich, le 12 décembre 1562.

IL Doctrine. — Pierre Martyr ne peut être considéré, au point de vue doctrinal, que comme un épigone. Il n’a pas eu, à proprement parler, de doctrine à lui. Il est purement et simplement zwinglien et, par suite, très hostile à la fois au luthéranisme et au

catholicisme. Dans son dernier écrit, daté d’avril 1562, répondant à une consultation de la communauté calviniste française de Francfort, au sujet du baptême des enfants par des ministres luthériens, en raison de l’impossibilité pour la communauté d’avoir ses ministres à elle, il répond catégoriquement : « Plutôt pas de baptême du tout que le baptême luthérien ! Et il ajoute : « En aucun cas, un second baptême. » Ce qui veut dire sans doute que, si des enfants de la communauté en question avaient été baptisés par des luthériens, il n’y avait en aucun cas à renouveler le baptême. Et il donne comme raison générale de son sentiment que « le baptême n’est pas nécessaire au salut ». Il considérait, en effet, à la suite de Zwingli, les sacrements (dont le nombre était réduit à deux, baptême et cène) comme de purs symboles d’union chrétienne.

Mais Pierre Martyr était regardé comme un spécialiste des questions eucharistiques. Si l’on en croit Pierre de la Place, dans son Commentaire de l’estat de la religion et république (1. VII), l’un des principaux orateurs catholiques au Colloque de Poissy, en 1561, le docteur en Sorbonne Claude d’Espence « donna cette louange audict Martyr, qu’il n’y avoit eu homme de ce temps qui si amplement et avec telle érudition eust escript du faict du Sacrement que lui. » Il est vrai (pue Pierre de la Place, qui devait être assassiné comme huguenot notoire, à la Saint-Barthélémy, éprouvait pour les défenseurs de la cause huguenotte une sympathie particulière. Il a pu prendre pour une vérité reconnue une simple formule de courtoisie. Quoi qu’il en soit, nous ne retiendrons de la doctrine de Pierre Martyr que les arguments développés, sous son patronage, à la Dispute d’Oxford, de 1549 (voir plus haut), contre l’enseignement catholique, au sujet de l’eucharistie. Ces arguments furent les suivants :

1° À la Cène, quand Jésus prononça ces mots : Ceci est mon corps, il était impossible que le pain fût confondu avec son corps, que les apôtres voyaient de leurs yeux. Jésus parlait donc en figure.

2° On ne pouvait pas davantage confondre son sang avec ce qu’il appelait « le fruit de la vigne ».

3° Saint Paul, parlant de l’une et de l’autre espèce, dit : Le pain que nous rompons et la coupe que nous bénissons. Et quand il en parle après la bénédiction, il dit encore : ce pain et cette coupe. I Cor., x, 17. C’est donc encore du pain et du viii, même après la consécration.

4° Les apôtres étaient des Juifs, accoutumés aux cérémonies de la Loi. Ils ne pouvaient donc manquer de prendre les paroles de Jésus-Christ dans le même sens que celles de Moïse, au sujet de l’agneau pascal, qui était appelé la « Pâque de l’Éternel ». Or l’agneau n’était pas littéralement la Pâque, mais seulement un souvenir de cette Pâque ou passage de l’ange exterminateur de Jahveh." De même, Jésus-Christ, en remplaçant l’agneau pascal par l’eucharistie, appelle le sacrement son corps, dans le même sens que l’agneau avait été appelé la Pâque.

5° Au surplus, ces manières de parler sont fréquentes dans l’Écriture. Elle dit des néophytes qu’ils sont « baptisés du Saint-Esprit et du feu », et ailleurs qu’ils sont « revêtus de Jésus-Christ ». Dans le même sens, la coupe eucharistique est appelée « le nouveau Testament au sang de Jésus-Christ », ce qui est évidemment une figure, dans toute son étendue.

6° L’eucharistie a été instituée en mémoire de Notre-Seigneur, donc il ne peut y être présent, car on ne célèbre le souvenir que d’un absent.

7° Le sacrement du pain et du vin n’est pas dit simplement corps et sang de Jésus-Christ, mais le pain est son corps rompu, le vin est son sang répandu,