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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/613

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VERTU ET II. Mil TUS
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tion d’esprit à saisir les premiers principes de la spéculation ou de l’action, aptitude qui est liée au caractère même de l’intelligence. Pour ce qui est d’aimer ou de vouloir, la nature fournit aussi à l’homme, à titre individuel, certains penchants d’origine organique et sensible qui peuvent être considérés comme des ébauches de bonnes ou de mauvaises habitudes ; mais dans l’àme, à titre spécifique, elle ne dépose rien de plus que la puissance même de vouloir et d’aimer ; il est vrai que c’est beaucoup, et fait pour l’infini. » R. Bernard, op. cit., p. 405. On trouve là comme une ébauche de la psychologie moderne des tendances, simples « appétits » ou tendances personnelles et idéales.

2. Habitus acquis (ibid., a. 2-3). — L’homme doit travailler lui-même à son perfectionnement : en lui, certaines puissances sont formatrices, d’autres doivent être formées. C’est par l’action des premières sur les secondes qu’il se perfectionne dans le bien ou dans le mal. Cf. De virt., q. i, a. 3. Il peut ainsi acquérir une véritable maîtrise dans l’ordre de la science ou de l’art, ou encore une pleine possession de lui-même et une domination complète sur ses passions. En vue de cette formation, l’homme*peut s’aider des autres. Saint Thomas a déjà noté cette influence de la société sur le développement des habitudes bonnes ou mauvaises. Cf. ibid., a. 9, ad 9um. Mais l’influence extérieure ne peut causer en nous Y habitus que dans la mesure où nous l’acceptons et lui permettons par là de créer en nous une disposition profondément reçue et contractée.

Aussi la genèse des habitus acquis suppose-t-elle généralement la répétition des actes qui créent les habitus. Sum. theol., I a -II®, q. li, a. 3 : « Une seule hirondelle ne fait pas le printemps », a dit Aristote, Éthique, t. I, c. vii, 1098 ; cf. De virt., q. i, a. 9, ad ll um. Mais cette formation des habitus dépend d’élément vivants, actifs et puissants. Saint Thomas fait remarquer que « ces éléments formateurs seront toujours « plus nobles » que les actes qu’ils font faire et les habitudes qu’ils font prendre ». Cf. Ia-IIæ, q. li, a. 2, ad 3um. Ainsi, « pour l’acquisition des sciences et des arts, il importe d’avoir dans l’esprit un sens aigu des choses et des objets formels, servi et stimulé par un rigoureux intellect agent. » R. Bernard, op. cit., p. 408,

3. Habitus acquis et vertu naturelle.

a) Prise dans son sens le plus général, la vertu doit assurer le bien et la perfection de celui qui la possède et de l’œuvre qu’il doit accomplir. Ainsi la vertu doit régler nos mœurs, notre conduite tout entière, conformément aux exigences des fins bonnes que notre raison, dûment éclairée, nous présente. Dans la q. lvi, a. 3, saint Thomas expose que, pour être vertu au sens plein du mot, il ne suffît pas qu’un habitus nous confère une capacité pour bien faire, il est nécessaire qu’il nous en assure en même temps le bon emploi. On peut être un grand savant et un fort méchant homme, capable de faire un très mauvais usage de sa science.

Par conséquent, la vertu ne saurait se rencontrer dans les habitus innés, simples tendances, n’ayant par elles-mêmes aucune signification morale. C’est la direction qu’on leur imprime ultérieurement qui, seule, peut leur octroyer une valeur de moralité. C’est uniquement dans Y habitus acquis que se rencontre la vertu.

L.’habitus acquis, d’ordre intellectuel, science ou art, n’étant pas nécessairement ordonné à la perfection morale de celui qui le possède, n’est encore qu’une vertu secundum quid. Puisque la vraie vertu n’existe que là où la volonté est décidée à chercher et à réaliser la vraie perfection humaine, le siège

de l’habitus vertueux ne peut être que la volonté ou une puissance mue par la volonté. Q. lvi, a. 3 ; cf. a. (>.

La vertu existera donc dans Yhabitus par lequel la volonté, à force d’application et de maîtrise de soi, aura su perfectionner la partie affective, sensible ou intellectuelle de l’âme en l’adaptant au bien raisonnable. Cf. q. lix, a. 4. Ainsi se vérifient les définitions aristotéliciennes que saint Bonaventure a étudiées, voir col. 2751, et après lui saint Thomas : dispositio perfecti ad optimum, ou encore ullimum potentise de re. Cf. S. Thomas, In lll am Sent., dist. XXIII, q. i, a. 1, ad 3um. Certains théologiens modernes expriment la même vérité en disant que Yhabitus de la vertu perfectionne une puissance aliquomodo rationalem. Mazzella, De virt. infusis, Rome, 1884, n. 6.

b) La vertu sera naturelle quand le « bien raisonnable » auquel la volonté s’ordonne ou ordonne les puissances de l’homme n’est conçu que conformément aux exigences naturelles de notre être. C’est un axiome reçu dans la philosophie traditionnelle que « les actes et les habitus sont spécifiés par leurs objets » (formels). S. Thomas, IP-II*, q. xxiii, a. 4. Cf. Ia-IIæ, q. liv, a. 2. Trois éléments concourent à distinguer la vertu naturelle d’une vertu plus élevée, due à l’intervention divine : 1° son principe, l’activité dont elle émane, et qui a sa source dans la faculté naturelle de l’âme ; 2° son objet, vers lequel elle tend et qui agit d’autant plus efficacement qu’il est plus déterminé ; enfin 3° l’exigence de la nature. S. Thomas, loc. cit. « Si la vertu de l’homme est ordonnée au bien qui est la mesure de la règle de la raison humaine, elle peut être causée par des actes humains, en tant que ces actes procèdent précisément de la raison sous le pouvoir et la règle de laquelle se réalise le bien envisagé. » Ibid., q. lxiii, a. 2.

4. Habitus et vertu surnaturelle.

Le bien à atteindre par l’exercice de la vertu peut dépasser nos exigences naturelles et exiger des principes d’activité supérieurs à ceux dont notre âme dispose. Dans l’ordre actuel de la Providence, l’homme a pour fin dernière la vision intuitive et la possession immédiate de Dieu. La vertu ne saurait donc exister pleinement que si son exercice est ordonné, soit formellement, soit virtuellement, à la recherche de ce bien suprême. Voir Fin dernière, t. v, col. 24862496.

La vertu est ordonnée au bien… Mais le bien est principalement la fin, car les moyens qui conduisent à la fin ne sont réputés bons que s’ils sont ordonnés vraiment au bien qui constitue la fin. Or, il y a une double fin : l’une, la fin dernière ; l’autre, la fin prochaine et particulière. Il y a donc également un double bien, l’un, dernier et universel ; l’autre, prochain et particulier… Mais le bien secondaire et particulier de l’homme peut lui-même être double. Ce peut être un bien véritable, lorsque, considéré en lui-même, on peut le rapporter au bien principal de la fin dernière qui est Dieu. Ce peut être un bien simplement apparent et non véritable, lorsqu’il nous éloigne de ce bien suprême. De toute évidence, la vertu pleinement vraie est celle qui est ordonnée au bien principal de l’homme… et ainsi aucune vertu véritable ne peut exister sans un attachement habituel à Dieu par-dessus toutes choses. Mais dans le rapport qu’elle a à une fin particulière, la vertu peut exister sans cet attachement, simplement par le fait qu’elle est ordonnée à un bien particulier. Si ce bien particulier n’est pas un bien véritable, mais un bien simplement apparent, la vertu ordonnée à ce bien ne sera pas une vraie vertu, mais une fausse image de la vertu… Si ce bien est un bien vrai, par exemple, la conservation de la cité ou quelque chose d’analogue, la vertu sera une vraie vertu, mais imparfaite, puisqu’elle ne se référera pas au bien final et parfait. S. Thomas, II » -II « , q. xxiii, a. 7.