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VERTU. ORIGINE DES VERTUS INFUSES

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Origine et croissance des vertus surnaturelles.


1. Origine.

a) Dieu, cause efficiente. — Dieu seul est cause efficiente principale, la causalité instrumentale des sacrements devant être sauvegardée. Tandis que les vertus naturelles sont causées effectivement en nous par la répétition des actes — on fait ici abstraction des habitus naturels infus per accidens (telle la science donnée par Dieu à Adam), cf. [ a -II æ, q. Li, a. 4 — la vertu surnaturelle vérifie pleinement la définition augustinienne, quam Deus in nobis sine nobis operatur. Par rapport à l’ordre surnaturel, l'âme humaine, en effet, ne présente qu’une puissance passive obédientielle. S. Thomas, De virl., a. 10, ad 13° m. Les vertus surnaturelles sont précisément dites infuses parce que Dieu les met en notre âme sans que nous y concourions nécessairement et efficacement ; elles découlent de la grâce sanctifiante dont elles sont pour ainsi dire des propriétés dans l’ordre de l’opération. Voir ci-dessus. Ce qui ne signifie pas pour autant que, par rapport aux vertus, la grâce soit comparable à la substance de l'âme par rapport à ses puissances naturelles : « La substance est pour les facultés dont elle est le principe un support immédiat et nécessaire, tandis que les vertus ne sont pas inhérentes dans la grâce, mais dans les puissances naturelles de l'âme qu’elles perfectionnent en vue de leurs opérations. De plus, les puissances naturelles de l'âme étant des propriétés de sa nature spécifique, il est également impossible ou que l'âme existe sans elles, ou qu’elles-mêmes existent en dehors de l'âme. » Terrien, La grâce et la gloire, t. i, t. III, c. iv, p. 182. Cf. S. Thomas, P-II*, q. ex, a. 4, ad 4 ura.

b) Les actes humains, cause matérielle dispositive. — Il n’est question ici que des adultes. Avec le secours de la grâce actuelle opérante ou coopérante, l’activité humaine a son rôle à jouer dans la production des vertus comme dans celle de la grâce. Ce rôle est celui d’une causalité purement matérielle, en tant que nos actes disposent le sujet à recevoir grâce et vertus. Ces dispositions surnaturelles peuvent s’affirmer simplement comme des actes éloignant de notre âme la disposition contraire à la grâce, l’attachement au péché mortel ; c’est la disposition appelée par la théologie removens prohibens. C’est le cas de l’attrition. Mais nos actes peuvent aller plus loin et, par suite de leur perfection même, atteindre le seuil de la vie surnaturelle, produisant en nous une disposition positive qui appelle, qui exige l’infusion de la grâce et des vertus. C’est le cas de la contrition parfaite dans la justification ex opère operantis. Dans l’un et l’autre cas, la causalité propre de nos actes demeure purement matérielle et n’atteint que les dispositions de l'âme. Seule la causalité divine atteint effectivement grâce et ertus.

2. Croissance a) Le /ait de la croissance des vertus infuses. — La sainte Écriture affirme maintes fois cette croissance dans la perfection, l’rov., iv, 15 ; dans la justice et la sainteté. ApoC, XXII, 11 : poulie salul. I Pet., ii, 2 ; dans la grâce et dans la connaislance de N’otre-Seigneur Jésus-Christ. II Pet., iii, 18. Dieu donne à l’homme intérieur l’abondance de la e, II Cor., iv, 15-16, pour procurer un accroissement aux fruits de la justice, ibid., ix, 10 ; cf. II Cor., x. 15 ; Rom., xv, 13 ; Phil., i, <> ; iv, 15, 16 ; Col., i, 10, I 'Ihess., iv, 1. I.es Pères insistent sur l’accroissement de la vie surnaturelle en des degrés différents 'lu/ différents chrétiens. L’un est plus fort que l’autre, ou plus saye. ou plus juste, ou plus saint », dit Augustin, In Joannem, tract. LXVII, n. 2. /'. L., I. xxxv, col. 1812. » Mien d’extraordinaire si

d’une vertu a faillie existent des degrés, puisqu’en iliaque vertu s’affirme la croissance en des degrés divers. dit Grégoire le Grand, In Ezech., I. ii,

nom. iii, n. 4, t. lxxvi, col. 960. — « Il est nécessaire, dit saint Basile, que ceux qui veulent avancer dans la vertu commencent par les premiers degrés puis s’avancent aux degrés suivants et, progressant peu à peu parviennent aux sommets auquels peut prétendre la nature humaine. » In ps. /, n. 4, P. G., t. xxix, col. 218. Cf. S. Jérôme, Cont. Jovin., t. II, n. 28, P. L., t. xxviii, col. 324 ; S. Prosper, Epigr., xxvii, t. li, col. 507, etc. Toute la tradition d’ailleurs est résumée dans ces affirmations du concile de Trente : « Ainsi justifiés… par l’observation des commandements de Dieu et de l'Église, (les hommes) croissent dans la justice reçue par la grâce du Christ, la foi coopérant aux bonnes œuvres, et deviennent de plus en plus justes. » Sess. VI, c. x, Denz. Bannw., n. 803. Cf. can. 24, n. 834. L'Église, comme le rappelle le concile dans le chapitre cité, ne demande-t-elle pas à Dieu de nous accorder « un accroissement de foi, d’espérance et de charité? » (xme dim. après la Pentecôte, collecte). Enfin, cette croissance dans la perfection spirituelle peut se poursuivre sans cesse durant cette vie mortelle. Cf. Concile de Vienne, prop. 1 des Béguards, Denz. -Bannw., n. 471. La raison nous dit que la vie surnaturelle doit être conçue par analogie avec la vie naturelle. Or, la croissance est le phénomène le plus apparent qu’on puisse observer dans la vie du corps. Sur toutes ces preuves, voir Bellarmin, Controv., De justificatione, t. III, c. xvi ; Suarez, De gratia, t. IX, c. i ; Bipalda, De ente supernaturali, t. VI, disp. CXXIX, sect. i.

b) Les lois de la croissance. — a. Ce qui est certain. — Le principe qui nous oblige à réserver à Dieu seul la causalité efficiente principale dans la production des vertus vaut également pour leur croissance. La croissance ne peut être rapportée à notre activité personnelle, car il y aurait toujours disproportion entre la cause et l’effet, notre âme, même ornée de la grâce et des vertus, demeurant simple puissance obédientielle à l'égard de l’ordre surnaturel. « Les vertus croissent en tant que le sujet les possède plus parfaitement par suite de l’action de l’agent qui les cause en lui ; ainsi les vertus acquises croissent par les actes mêmes qui les causent ; les vertus infuses, par l’action divine qui est à leur origine. » S. Thomas, De virl., a. 11.

L’activité humaine a ici un rôle plus élevé que dans la première acquisition de la vertu, bien qu’elle demeure toujours dans l’ordre de la causalité matérielle. Le sujet est déjà en possession de la charité, principe du mérite. Donc ses actes surnaturels sont méritoires, c’est-à-dire susceptibles de recevoir, à litre de récompense, un accroissement de grâce et de vertus, donc, de Trente, sess. vi, can. 32, Dcnz.Bannw., n. 842. Mais Dieu demeure encore, et seul, cause efficiente de cet accroissement.

/>. Ce qui est controverse. - ("est la mesure selon laquelle est réalisé l’accroissement des vertus. Le concile de Trente s’exprime ainsi : i Nous recevons la justice en nous selon la mesure que f Ksprit-Saint départit à chaque âme, comme il veut et selon lu disposition et la coopération de chacun. Sess. VI, c. vi, Denz.-Bannw., n. 799. Le concile a parlé d’une manière générale et sans restriction. L’influence de nos dispositions paraît devoir être affirmée non seulement pour l’infusion, nuiis encore pour l’accroisse nient de la grâce et des vertus. Cf. lianeI. In I l nm II'. q. XXIII, a. 6. Cela posé, on se demande si le principe émis par saint Thomas pour l’accroissement île la vertu acquise trouve son application en ce qui concerne la vertu infuse : tout acte vertueux entraîne I il un accroissement ? Voir ci dessus, col. 2758. On doit examiner le cas de la croissance spirituelle ex opère operato. et le cas ex o/iere operantis.