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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/652

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VEUILLOT (LOUIS)


dans la vie paroissiale ne font pas toujours l’affaire ni des uns, ni des autres. On s’était si bien arrangé d’un droit coutumier qui avait, du moins, cet avantage qu’il était fait pour nous.

Il reste à l’actif de Veuillot d’avoir donné, chez nous, à ce que l’on a nommé, sans y voir malice, « le culte du pape » son expression définitive. Jamais n’avait manqué, en France, le respect et la vénération pour le souverain pontife ; au temps même du « gallicanisme », la personne du détenteur de l’autorité suprême dans l’Église était demeurée au-dessus de toutes les discussions. Un vif sentiment de « loyalisme » s’imposait à tous les catholiques. Au cours du xixe siècle, ce loyalisme — et il faut certainement voir ici l’action de Y Univers — se nuance de quelque chose de plus doux et de plus personnel. La bonne grâce souriante de Pie IX à ses débuts, les épreuves et les malheurs de son long pontificat, l’intrépidité avec laquelle il se faisait le défenseur des principes, tout cela l’Univers l’a redit tant de fois et avec tant de bonheur qu’il a créé, à l’endroit du pape, un irrésistible courant de sympathie. En un jour de très noire humeur qui précéda de peu sa mort, Montalembert a parlé de « l’idole » que certains théologiens laïques tentaient d’ériger au Vatican. Pour regrettable que soit le mot, n’exprime-t-il pas, avec un injuste grossissement, quelque chose de ce que, dans son amour de l’Église et du pape, Veuillot avait fini par réaliser ? Avec des atténuations qu’amène toujours le temps, il est resté quelque chose de cette action du grand publiciste. Si en notre pays on aime le pape plus encore qu’on ne le vénère, c’est un résultat précieux de la grande action de l’Univers.

Disons néanmoins que cet ultramontanisme

Veuillot n’avait pas peur du mot — n’est pas allé sans une contre-partie : la suspicion à l’endroit de tous les grands théologiens qu’ont produits les siècles antérieurs. A V Univers, on ne lisait pas beaucoup nos grands auteurs du xviie siècle ; passe encore pour liossuct, à qui son éloquence, sa vigueur, son génie faisaient, à la rigueur, pardonner les quatre articles. Mais tout le Port-Royal première manière était jugé avec une suprême sévérité : Arnauld, Pascal, Nicole, Tillemont n’étaient guère que des « jansénistes » ; les Provinciales, dont on ignorait les tenants et aboutissants, passaient pour crime irrémissible. Connaissait-on même de nom le plus grand moraliste du xvir siècle ? Et quant à l’auteur des Mémoires pour servir à l’histoire des premiers siècles de l’Église, Rohrbacher, qui s’y entendait, l’avait jugé sans appel. Ne parlons pas de l’Histoire ecclésiastique de Henry, un des beaux monuments élevés à la gloire de l’Église. Quant aux travaux des grands bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, encore que Dom Guéranger eût dû les défendre, ils ne valaient guère la peine d’être nommés. C’est un malheur qu’à une date où la science ecclésiastique s’essayait à revivre en France, après un siècle d’interruption, elle se soit trouvée coupée de toute communication avec son glorieux passé. Et l’action de V Univers n’est-elle pas responsable, jusqu’à un certain point de cette lacune ?

Reste la question qui paraissait à Veuillot l’essentielle, celle du libéralisme. Qu’il ne soit pas arrivé I trouver la solution d’un problème si hérissé de difficultés et où les connaissances historiques seraient indispensables, nul ne saurait lui en faire un reproche.

les catholiques contre lesquels il polémiquait, avec leur distinction vraiment trop simpliste de la thèse’t de l’hypothèse n’y étaient pas arrivés mieux que lui. Depuis, les magistrales encycliques de Léon XIII ont contribué sur ce point, comme surtant d’autres, a clarifier les idées, a nuancer les Interprétations, a

donner aux formules moins de raideur. Nul doute que Veuillot ne les eût acceptées avec sa docilité habituelle, encore qu’il y eût reconnu, car il ne manquait pas de perspicacité dans son obéissance, que l’on y pouvait trouver pour Dupanloup quelques circonstances atténuantes. À lire de près Léon XIII, tout n’était pas hérésie dans les idées de l’évêque d’Orléans. Mais il reste que, dans une partie tout au moins du clergé, partie qui va d’ailleurs sans cesse en diminuant, l’esprit d’intransigeance a dominé longtemps. On l’a bien vu lors de la question du ralliement, et plus près de nous, lors des débats autour de la séparation de l’Église et de l’État. Le travail ne manquerait pas d’intérêt qui comparerait aux textes de Veuillot ceux des journaux qui eurent alors la faveur et l’audience du clergé. Ne parlons pas de la crise moderniste, où tant d’incompétences se sont donné libre carrière. Ces polémiques indéfinies, où l’ignoratio elenchi était la règle à peu près ordinaire, étaient parfaitement dans la manière, au talent près, du grand publiciste de l’Univers.

En définitive, l’œuvre de Veuillot laisse, à qui l’étudié en toute impartialité, une impression assez mélangée, et il semble bien qu’il ait lui-même entrevu quelques-uns de ses points faibles. Comme nous le disions ci-dessus, col. 2821, il n’avait pu se résigner à composer ses mémoires. On a retrouvé quelques pages qui expriment assez bien ce qu’il pensait, , aux derniers moments, de son œuvre : « Si l’œuvre que j’ai faite, écrivait-il, est bonne, il suffira que je n’y sois plus, on le verra bien. Ce qui nuit aux œuvres bonnes, surtout à celles de ce genre, c’est le sentiment personnel qu’excite celui qui les fait. Pour moi, j’ai toujours cru que j’étais à la fois un soldat et un juge et que je ne devais pas songer à me rendre aimable, parce que mon autorité ne m’était pas donnée pour cela. Je ne me suis pas préoccupé d’être aimable ; peut-être n’avais-je pas beaucoup à me forcer pour ne l’être pas et enfin je ne l’ai pas été. Maintenant, l’opinion est faite, elle ne peut être corrigée qu’après que la mort aura passé sur moi. Alors on jugera l’œuvre en dépit des défauts de l’ouvrier. Il s’agira d’elle et non pas de moi et je dois désirer qu’il ne s’agisse pas de moi qui, dans le fond, n’ai voulu, ni même pu m’y compter pour rien. Si l’œuvre est mauvaise, s’il valait mieux, comme quelques-uns l’ont pensé, ne pas la faire, à quoi bon entreprendre de la justifier ? » Cité par P. Veuillot, op. cit., t. iv, p. 754. Pestons sur ces points d’interrogation qu’a posés le rédacteur en chef de l’Univers.

I. ŒUVRES. — On termine présentement, à la librairie Lelhielleux, la publication des Œuvres complètes entreprise par M. François Veuillot, fils d’Eugène et donc neveu « le Louis. I.’ensemble est divisé en trois séries. I. Œuvres diverses, Il vol. in-8°, publies (le 1924 à 1930 ; fions avons

indiqué, col. 2829, comment s’y répartissent les ouvrages de l’auteur. — II. Correspondance, 12 vol. in-8°, le t. i

publie en 1931, le t. xii en 1932. Cette édition remplace

celle « le la Correspondance de !.. Veuillot, publiée par Eug. Veuillot, Paris, l’aimé, is.s : i, i vol. in-, N", auxquels

étaient venus successivement s’adjoindre les I. V et VI,

1886-1887, l<- I. vu. Paris, Retaux, 1892, les t. vin et i.

I.elliielleux, 101.’!. 1.a nouvelle édition est précédée d’un avertissement général ; le t. I comprend les lettres d’avril 1831 a octobre 1843, a partir (lu I. il les lettres vont beaucoup plus nombreuses ; le t. xii (février 1876 à février 1879) comprend en outre des lettres inédites de différentes périodes, et une table des noms cités et des correspondants. III. Mélanges, 1 I vol., dont le t. I a paru en 1933 (seplembre 1831-janvier 1844), et le I. xiv en 1940. Cette édition remplace les primitives séries des Mélanges publiées

d’abord par I.. Veuillot et dont il existait trois séries comprenant chacune six volumes : I"- série ( 1 S l’J a 1856), l’aris. Vives, 1856-1858 11° éd., Ibld., 1881) ; II’série. Paris, Canine, 1859*1861 ; III’série. Vives, |S7."> ; en plus une série intitulée Derniers mil, unies. Pages d’histoire